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L’ambassadeur Weiss clôt son mandat

21/07/2011 Commentaires fermés sur L’ambassadeur Weiss clôt son mandat

… par un entretien accordé au terme de trois ans à la tête de l’Ambassade d’Allemagne au Burundi. Le ton est diplomatique, mais entre les lignes, il y a beaucoup de choses dites.

Quel serait le bilan de la coopération allemande durant les trois ans de votre mandat ?

On oublie parfois que l’argent de l’Union Européenne, la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International et même la Banque Africaine de Développement (à 10%) vient en partie du contribuable allemand. Souvent, on ne regarde que les contributions bilatérales. De ce côté, nous avons doublé notre aide au développement en 2009, ce qui donne 22,5 millions d’Euros accordés sur deux ans. Le grand secteur d’intervention de l’Allemagne reste l’eau.

Justement, quelles ont été les réalisations dans ce domaine?

C’est un paradoxe : la GIZ a répertorié 50.000 points d’eau au Burundi. Mais pourtant, seul un peu plus de la moitié de la population burundaise a accès à l’eau potable… Le défi est d’améliorer la gestion de cette richesse : combien de robinets cassés ai-je vus à l’intérieur du pays ? L’Allemagne a sauvé les infrastructures d’acheminement et d’assainissement de l’eau à Bujumbura et à Gitega par des mesures d’urgence. Par ailleurs, pour la première fois dans l’histoire du Burundi, il y aura un système d’approvisionnement d’eau à Cankuzo. En complément de tous ces soutiens, une réforme structurelle de la consommation de l’eau est inévitable.

Pourquoi ?

Les tarifs d’achat de l’eau au Burundi sont à 50% du niveau de la région, l’électricité à 30%. Logiquement, la Regideso ne recouvre même pas les coûts de production. Si les structures des prix ne changent pas, la Regideso aura besoin d’un financement éternel pour fonctionner. À terme, l’objectif est d’arriver à créer des tarifs qui permettent à l’entreprise d’épargner, et de l’autre côté qui ne punissent pas les clients aux revenus modestes.

Vous appuyez aussi le programme de planning familial…

L’Allemagne est le plus grand bailleur dans ce secteur. Nous avons financé les produits contraceptifs pour toute la population sur trois ans. Pour que cette action soit une réussite, il ne manque que le soutien des politiques, des confessions religieuses, des femmes, des Bashingantahe. Il faut que le taux de naissance baisse, sinon le Burundi va droit vers une situation ingérable avec les conflits fonciers, l’exode rural, l’insécurité. Ce qui me mène vers notre troisième réalisation: le soutien à la police.

Sous quelle forme ?

Pour la première fois dans l’histoire du Burundi, il y a eu construction de postes de police conformes aux normes internationales, avec des bâtiments ouverts, des cachots séparés pour les femmes, les hommes et les enfants, des toilettes et un magasin pour armements. Le signal politique est clair: nous souhaitons la création d’une police de proximité qui n’est pas là pour intimider les gens et punir, mais prévenir et avoir la confiance des populations.

Vous appuyez aussi le CIRGL…

Malheureusement les activités de la CIRGL sont aussi mal connues. Je souhaiterais voir plus d’engagement visible de la part du gouvernement burundais pour l’appuyer. Nous nous sommes lourdement investis pour lutter contre l’exportation illégale des ressources dans la sous-région, surtout en RDC. Nous misons sur une approche régionale sur l’énergie: nous avons promis à peu près 40 millions d’Euros pour le financement de la construction du barrage Rusizi III ainsi que des lignes de transmission de Rusizi à Rwegura. Mais cela veut dire qu’il faut au préalable liquider les problèmes existants, notamment la question des dettes croisées dues à la Sinelac.

On vous connaît très engagé au niveau de la culture : qu’est-ce qui a été fait sur ce point-là ?

Tout ce qui contribue à la culture rend la violence moins probable. A mon regret, on ne mesure pas assez cette force réconciliatrice. J’ai favorisé des rencontres, notamment entre un violoniste classique allemand et les musiciens traditionnels burundais, ou des danseurs burundais. Nous avons invité à deux reprises des slameurs allemands et des musiciens de jazz pour exposer le public burundais aux courants musicaux contemporains. L’Ambassade d’Allemagne a financé le Prix littéraire Michel Kayoya, projet dont je suis fier d’avoir participé à la création. Nous avons créé la semaine du cinéma allemand. Dernier point innovateur: l’exposition sur l’héritage patrimonial lié à l’architecture du style « Bauhaus ». La centaine de maisons de ce style architectural qui prend son origine en Allemagne serait suffisante pour classer Bujumbura au patrimoine mondial de l’Unesco. Malheureusement, le Burundi ne se rend pas suffisamment compte de cette richesse.

Au niveau du sport?

À travers les 1000 ballons que j’ai distribués au Burundi durant ces trois ans, j’ai vu à quel point le pays a besoin de moments de détente pour re-créer une ambiance de paix. J’ai donné du matériel pour le judo, le tennis de table, de volleyball, de basketball. Il y a une coopération renforcée avec le football allemand. Nous formons des entraîneurs pour améliorer la technique et surtout la gestion des clubs. Il y aurait plus de potentialités s’il y avait plus de liens entre les équipes burundaises et allemandes. Mais cela suppose que l’on parle l’allemand, ou au moins l’anglais. Je souhaiterais que les Burundais s’activent plus pour créer leurs propres contacts. Les liens durables se créent entre les personnes, à l’image du partenariat entre la ville d’Albstadt et la commune de Bisoro.
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La situation politique au Burundi…

« Quand je suis arrivé en été 2008, le FNL venait de tirer sur Bujumbura. Depuis, je constate des avancements considérables : j’ai toujours voyagé à l’intérieur du pays sans avoir peur, sans garde-du-corps. Et il y avait beaucoup d’espoir dans les élections », résume l’ambassadeur Weiss, rappelant que « la communauté internationale et la classe politique burundaise ont tout fait pour que ces élections mènent à un multipluralisme ». Un espoir qui ne s’est, malheureusement, pas réalisé. Pour le diplomate allemand, « le résultat est même le contraire de ce qui était espéré. Nous avons maintenant un système monocolore avec beaucoup des risques pour la démocratie », conclut-il. Depuis, « je vois avec inquiétude ce qui se passe dans Bujumbura Rural où il y a des signes très clairs d’instabilité grandissante ».

En prenant soin de rappeler que « la solution revient premièrement aux Burundais », M. Weiss considère que « la modération du système en place et le dialogue avec ceux qui ne sont pas dans les institutions, ou dans le pays » reste la seule voie pour détendre l’atmosphère. Précise : « La classe politique doit tout faire pour s’écouter, discuter et sécuriser les avancées déjà faites. L’intimidation et les positions intransigeantes ne contribuent pas à ce dialogue dont tout le monde parle ».
Tout en veillant à améliorer les conditions socio-économiques de la population, « un secteur qui nécessite beaucoup d’améliorations, notamment le secteur privé qui est trop faible ». Et si les Burundais attendent de leurs dirigeants que l’on se concentre sur le développement, « cela suppose du coup une bonne gouvernance économique. Et malgré toutes les commissions et les mesures prises, j’attends toujours des résultats concrets de la lutte contre la corruption et de l’amélioration de la justice », note l’ambassadeur.

La dernière observation ? « J’ai constaté que le Burundi n’a pas beaucoup d’amis. Sans un grand effort supplémentaire pour se les trouver et garder ceux qui sont déjà là, la survie, le financement et la gestion du pays seront très difficiles ». Que ceux qui ont des oreilles pour entendre …

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