L’ambassadeur d’Allemagne au Burundi s’est rendu au siège du Groupe de Presse, ce mardi 17 avril 2018. Une visite sous le signe d’un soutien à la presse indépendante.
M. Paul Thomas Strieder, ambassadeur de la République Fédérale d’Allemagne est arrivé au siège d’Iwacu vers 14 heures. Accueilli par Léandre Sikuyavuga, directeur des rédactions, et Abbas Mbazumutima, directeur adjoint des rédactions.
Sa visite a débuté par un tour dans l’imprimerie mise en place avec l’appui de l’Allemagne. « Heidelberg ! Cette marque est la mère de toutes les imprimeries. C’est la Mercedes des imprimeries» s’est exclamé, admiratif, M. Strieder devant les machines d’impression toutes d’origine allemande.
L’Ambassadeur a fait le tour de tous les services d’Iwacu : marketing, web radio, studio du web tv, service technique, pour finir sa tournée à la rédaction française. Décontracté, chaque fois M. Strieder encourageait les journalistes ou les techniciens par un mot, les appelant à « continuer leur travail. »
A la rédaction centrale, devant tous les journalistes réunis, M. Léandre Sikuyavuga a prononcé un mot de circonstance. Il a rappelé que le Journal Iwacu a beaucoup bénéficié du soutien de l’Allemagne : « L’Ambassade d’Allemagne a toujours été aux côtés d’Iwacu notamment dans la dotation d’une imprimerie qui nous a permis de tenir et d’assurer nos productions dans un contexte économique difficile. »
Si Iwacu existe encore et s’il est aujourd’hui devenu un grand groupe de presse, a insisté M. Sikuyavuga, c’est grâce notamment à ce soutien.
Malgré une situation difficile, actuellement 38 journalistes travaillent au quotidien dans différents services et assurent la production et la diffusion de l’information sur plusieurs supports.
« Nous resterons débout… »
Le directeur des rédactions a énuméré les différents produits actuellement offerts par Iwacu dont une Newsletter quotidienne en français et en anglais, un hebdomadaire en français et en kirundi, un magazine mensuel où des journalistes mènent des enquêtes approfondies sur un sujet choisi, un compte tweeter, le plus suivi des médias burundais avec plus de 30 mille abonnés, un compte facebook, une Web Tv, la seule au Burundi qui produit une info au quotidien ; une Web Radio, un site internet qui, selon beaucoup d’observateurs, est « le plus riche en information et le plus professionnel au Burundi ». Iwacu est aussi une maison d’édition. Léandre Sikuyavuga a rappelé que l’année dernière Iwacu a été choisis pour être le partenaire média de la compagnie nationale allemande Lufthansa : « Sur les vols de cette compagnie, les voyageurs qui le souhaitent ont accès à nos informations. »
Le directeur des rédactions a indiqué que le succès d’ Iwacu tient du fait que le média fait tout pour produire une information vérifiée et équilibrée : « Iwacu n’est pas au service d’aucun parti politique ou d’une idéologie mais défend la pratique d’un journalisme de qualité. Il a même payé un prix fort cet engagement. » En effet, a rappelé Léandre Sikuyavuga, Iwacu a perdu un de ses journalistes, Jean Bigirimana, porté disparu depuis bientôt deux ans : « C’était le 22 juillet 2016. »
Pour le directeur des rédactions, la dernière décision d’interdire les commentaires sur le site n’est pas très rassurante non plus. Mais Iwacu ne se laisse pas abattre : « Nous resterons débout pour toujours faire professionnellement notre métier. »
« Iwacu représente la liberté des médias dans ce pays »
Enfin, a conclu le directeur des rédactions, travailler, produire une information de qualité demande des moyens. Or, a-t-il soutenu, la situation socio-économique qui prévaut maintenant est désastreuse et ne permet pas le développement d’une presse viable par ses propres moyens, ce qui était l’objectif d’Iwacu : « Nous avons encore besoin d’un soutien de l’ambassade d’Allemagne car les Burundais ont besoin d’une information indépendante et professionnelle. » Pour sa part, Iwacu continuera à faire toujours un travail professionnel.
Prenant la parole, M. Paul Thomas Strieder a commencé par remercier Iwacu pour l’invitation : « J’apprécie beaucoup l’accueil ici. C’est la première fois que je visite un média au Burundi pour voir de mes yeux comment l’on produit l’information. »
Il a déclaré que l’ambassade d’Allemagne et lui-même s’informent beaucoup à travers l’Hebdo, le magazine mensuel et les autres supports d’information en ligne : « Iwacu représente la liberté des médias dans ce pays. J’aimerais même dire sans exagérer qu’Iwacu est le phare des médias libres au Burundi. »
Et de rappeler que c’est pour cela que la République fédérale d’Allemagne a décidé, il y a plusieurs années, de soutenir le travail d’Iwacu afin qu’il puisse continuer le travail d’ « offrir les informations de qualité ».
Un pays ne peut pas avancer sans une presse libre : « Ce que vous faites malgré les difficultés et les obstacles, demande chaque jour le courage de chacun et chacune et je vous félicite pour cela. » Les journalistes n’ont pas pu s’empêcher d’applaudir quand il a lancé : « Vous avez pu continuer votre travail tout le monde apprécie et profite. A Berlin, on observe et surveille soigneusement ce qui se passe avec Iwacu et l’Allemagne est un des pays européens qui ont pris la décision de promouvoir, de soutenir et de porter assistance à Iwacu ».
Des questions et des réponses
Les journalistes ont profité de la présence de M. Strieder pour lui poser quelques questions. Une journaliste du service politique a voulu savoir ce que l’ambassadeur pensait de la récente visite du Président Gabonais au Burundi et du référendum Constitutionnel prévu pour le 17 mai prochain.
Concernant la récente visite d’Ali Bongo Ondimba, l’ambassadeur dit avoir apprécié cette visite de travail car « l’isolement n’est jamais prudent ». Et de féliciter le Président Pierre Nkurunziza pour avoir accueilli son homologue. Au sujet du référendum, l’ambassadeur a estimé que chaque pays a sans doute le droit d’organiser un référendum d’autant qu’il y a des dispositions dans l’actuelle Constitution qui montrent bien comment l’on peut organiser un référendum : « En tant que juriste de formation, je m’intéresse beaucoup sur comment les mécanismes procéduraux prévus par la constitution en vigueur depuis 2005 pour un changement seront respectés. A mon avis, il ne s’agit pas seulement d’un amendement à l’actuelle constitution mais plutôt d’une création d’une toute nouvelle. J’espère bien que l’espace politique pour tous les acteurs sera élargi. On verra les résultats. »
Un journaliste du service Sécurité et Enquêtes a demandé à l’ambassadeur si le dialogue inter-burundais avait encore un avenir vu le blocage actuel et si l’Occident n’était pas finalement fatigué par la question burundaise.
M. Paul Thomas Strieder a répondu qu’un véritable dialogue inter-burundais est la condition primordiale pour que les uns et les autres discutent sur une nouvelle Constitution. Pour lui, toutes les voies ne sont pas encore épuisées pour un dialogue inclusif. Quant à la « fatigue » des pays occidentaux, M. Strieder dit qu’il ne faut pas relâcher les efforts. Et d’appeler les Burundais eux-mêmes à faire leurs propres efforts et ne pas uniquement compter sur les initiatives de la communauté internationale: « Je respecte l’autonomie et le principe de souveraineté comme des éléments clés de la vie politique d’un pays. Il faut nécessairement que les Burundais s’occupent eux même de leurs problèmes, qui existent sans doute, de leur avenir plutôt que de compter sur les autres. Même si parfois on a besoin d’une véritable assistance de la communauté internationale ou d’un conseil d’un pays partenaire.»
Sur l’état des relations entre le Burundi et l’Allemagne deux ans après l’arrêt de l’aide directe de l’UE ainsi que ses pays-membres au Burundi, M. Strieder a indiqué que les relations sont bonnes et constructives : « L’Allemagne n’a pas arrêté de soutenir le Burundi même si l’aide directe a été suspendue. Depuis 2015, nous avons déboursé un montant 136 millions d’euros pour les projets qui touchent directement la population. » Et de rappeler que son pays est le 2ème bailleur d’OCHA Burundi après les Etats unis d’Amérique. Et de conclure que l’Allemagne reste un véritable ami du Burundi.
Paul Thomas Strieder a terminé sa visite en remettant une pièce rare de 5 Heller datant de 1909 au Groupe de Presse Iwacu en guise de remerciement et de souvenir. En rappelant que le mot en kirundi, « ihera », argent, dérive de cette ancienne monnaie que les Allemands ont introduite à l’époque.
Quelques images de la visite l’Ambassadeur Thomas Strieder à Iwacu
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