Le Burundi bénéficie d’une remise de la dette de 7,63 millions USD. Selon les experts, cet allégement ne résolve pas le problème de l’endettement public. Ils proposent quelles stratégies pour inverser la tendance de la dette publique.
Une bonne nouvelle pour le Burundi. Selon le communiqué du Fonds Monétaire Internationale (FMI) du 20 juillet 2020, le Burundi bénéficie d’un allégement de la dette. « Le conseil d’administration du FMI a approuvé un don au titre du fonds d’assistance et de riposte aux catastrophes afin de couvrir le service de la dette du Burundi envers le FMI »
La dette remise est estimée à 7,63 millions de dollars. Cette mesure d’allègement concerne la dette du Burundi due au FMI qui devrait être remboursée entre le 21 juillet 2020 et le 13 octobre 2020.
Cette institution internationale promet qu’un allégement supplémentaire est également prévu en cas de disponibilité de ressources, couvrant cette fois-ci la période du 14 octobre 2020 au 13 avril 2022. Ce qui pourrait porter l’allégement total du service de la dette à l’équivalent de 24,97 millions de dollars.
Selon Mistuhiro Furusawa, directeur général adjoint du FMI, cet allégement du service de la dette contribuera à dégager des ressources en faveur des besoins sanitaires du secteur public, y compris d’autres dépenses d’urgence, et à atténuer le choc que constitue la pandémie de COVID-19 pour la balance des paiements.
L’endettement public reste élevé
Même si le Burundi bénéficie d’une annulation de la dette, l’endettement reste élevé. «La dette publique a augmenté de 13,5%, passant de 2.426,1 à 2.753,5 milliards de BIF. Cet accroissement a porté aussi bien sur la dette intérieure (+17,6%) que sur la dette extérieure (+4,8%). Rapportée au PIB, la dette publique totale représente 45,8% en 2018, contre 43,6% en 2017», a écrit la BRB dans son rapport annuel, exercice 2018.
Selon la Banque Centrale, l’encours de la dette intérieure s’est accru de 17,6%, passant de 1.647,8 à 1.937,8 milliards BIF. «Cette augmentation est particulièrement liée à l’accroissement des engagements de l’Etat envers les banques commerciales, soit 277,06 milliards de BIF». Par contre, poursuit-elle, les engagements de l’Etat envers la Banque Centrale ont baissé de 15,09 milliards de BIF.
L’encours des titres du Trésor a augmenté de 33,4%, passant de 829,8 à 1.106,8 de BIF. Cet accroissement a porté sur les obligations du Trésor, soit 681,4 milliards de BIF tandis que l’encours des bons du Trésor ont baissé de 404,3 milliards de BIF.
Quant à la dette extérieure, elle s’est accrue de 4,8%, passant de 778.292,4 à 815.659,1 milliards de BIF d’une année à l’autre. «Cette augmentation a résulté des tirages sur emprunts extérieurs de 41,2 milliards de BIF et des plus-values de réévaluation de 8,05 milliards de BIF qui ont contrebalancé l’amortissement de la dette en principal de 11.9 milliards de BIF».
D’après la BRB, les nouveaux tirages ont porté sur la dette directe provenant de l’OPEP (11,6 milliards de BIF), de la BADEA (7,4 milliards de BIF), d’EXIM BANK (3,3 milliards de BIF), du Fonds Koweït (12,4 milliards de BIF) et du Fonds saoudien (6,6 milliards de BIF). «Ces financements ont été orientés vers le secteur routier (30,5 milliards de BIF), les projets de développement agricole et d’élevage (6,8 milliards de BIF) et les projets divers, essentiellement dans le domaine des mines et énergies (3,9 milliards de BIF) ». Et d’ajouter que la dette extérieure a principalement financé les équipements publics (47,8%), les projets divers (26,4%), les secteurs productifs (18,9%) et les secteurs sociaux (6,9%).
Les conséquences sont énormes
Selon Blaise Funenge, expert en Finances et Économie du Secteur Public, la dette publique la dette publique n’est sans conséquence sur l’économie. « C’est un prélèvement sur la production nationale ». L’on dénommer ce phénomène ponction sur l’économie.
Cet économiste fait savoir que la diminution du crédit donnée aux entreprises privées est l’effet immédiat de l’augmentation de la dette publique. Car, elles sont évincées pat l’Etat sur le marché financier. « La forte demande de financement par l’Etat renchérit le coût du capital pour les entreprises. Celles-ci sont amenées à diminuer les investissements», précise-t-il.
Ceci se répercute sur des entreprises privées. Leur production diminue, la production nationale chute et le nombre de chômeur augmente.
M. Funenge relève un autre effet de l’augmentation de la dette, c’est la concurrence de l’Etat sur le marché financier. « Les titres financiers émis par l’Etat sont réputés à risque de zéro. Dans ce cas, tous les investisseurs achètent les titres de l’Etat et délaissent les titres privés.», précise-t-il.
Ensuite, si l’Etat propose des titres à un taux d’intérêt élevé en cas d’urgence ou de crise par exemple, les taux d’intérêt augmentent sur le marché du crédit et les investisseurs privés abandonnent par effet d’éviction. Les conséquences sont les mêmes comme pour le cas précédent.
D’après Prosper Niyoboke, enseignant dans les différentes universités, l’augmentation de la dette publique réduit recettes fiscales. « Lorsque les dettes augmentent les entreprises privées rationnelles constatent que l’Etat doit augmenter les impôts et les taxes pour rembourser. Et elles diminuent leur investissement. L’activité se contracte. »
Comment inverser la tendance ?
Le consultant, Blaise Funenge trouve que le Burundi doit mettre en place deux stratégies. « Pour une économie embryonnaire comme la nôtre, le l’Etat doit mettre en place la politique d’austérité en réduisant le déficit financé par la dette intérieure. » Dans ce cas, explique-t-il, l’Etat doit élaborer des mécanismes d’attraction des investisseurs étrangers comme l’a fait la chine.
La deuxième stratégie serait d’attirer la dette publique extérieure ou simplement continuer à intéresser les donateurs de dons et aides comme l’a fait le Rwanda
Quant à Prosper Niyoboke, l’Etat doit cesser d’augmenter le taux d’imposition parce que la pression fiscale ralentisse l’activité du secteur privé. « Assainir le climat des affaires est la meilleure des stratégies pour réduire la dette publique », souligne-t-il.
Pour rembourser la dette publique, martèle-il, l’Etat devrait continuer le processus de libéralisation des entreprises publiques pour que les acteurs privés, bons gestionnaires prennent le relais. « L’Etat ne devrait s’occuper que des fonctions régaliennes »