Dans une société ayant connu des atrocités, la réconciliation ne passe pas par le pacte de l’oubli, mais par l’expression de la vérité. Les crimes doivent être exposés. Le socio anthropologue Blaise Izerimana explique que la connaissance de la vérité freine la propagation des messages de haine, prémices d’autres crimes de masse.
Que retenir de la vérité sur les crimes du passé dans une communauté ?
Sur des dates sombres de l’histoire, il se dit beaucoup de choses. Des rumeurs, des mensonges, des exagérations, la globalisation pour ceux qui en tirent profit. La vérité sur le passé douloureux est réellement ce qui s’est passé. C’est une affirmation conforme à l’exactitude des faits. Ce qui est effectivement constaté ou éprouvé par des témoins ou lors des auditions. Dans ce sens, vérité s’oppose à mensonge, déformation, manipulation et globalisation.
Cette vérité sur le passé nous permet de connaître non seulement les victimes des atrocités, mais aussi d’identifier les bourreaux. Ces derniers non pas en groupe mais individuellement. Des détails. Les bourreaux sont X et Y mais pas les Hutu ont fait cela et les Tutsi ont fait ceci. Les motivations qui les ont entraînés dans ces agissements sont connues.
Comment est-ce que cette vérité sur le passé freine la prolifération des messages haineux ?
La prolifération des messages haineux est notamment basée sur des mensonges, des exagérations, la globalisation, l’instrumentalisation, la manipulation, la propagande due à l’ignorance de la vérité sur le passé douloureux. La connaissance de la vérité sur les crimes du passé engage la déconstruction de cet état de fait. Par-là, la tendance à globaliser diminue. On ne peut plus dire ce groupe a commis ceci ou cela.
La CVR bien menée peut aboutir à des résultats hors de portée des tribunaux. Elle permet d’obtenir des informations sur les crimes que leurs auteurs auraient cherché à dissimuler, lors d’un procès. Elle offre une vision globale de la société et ne se concentre pas uniquement sur quelques cas, comme lors des procès pénaux. Cette commission participe à la restauration de la dignité des victimes.
Concrètement ?
La connaissance de la vérité sur le passé permet d’éviter à tout prix cette globalisation. Si la CVR traite le passé et fait la lumière sur les crimes du passé, les bourreaux et les victimes seront clairement identifiés. Les crimes ne sont plus l’affaire des groupes, mais des individus pénalement responsables. On dira un administratif tel, un individu tel a commis des crimes au lieu de les coller sur tout un groupe.
Comment peut-on valoriser cette vérité sur le passé pour éviter l’irréparable ?
Cela doit passer par la socialisation, notamment dans les familles. Les parents doivent dire à leurs enfants ce qui s’est réellement passé. Mais ne nous voilons pas la face, il y a des parents qui ignorent la vérité ou essaient de la dissimuler ou de la manipuler. Ils s’en tiennent aux rumeurs. Eux aussi doivent se ressaisir.
En outre, il faut multiplier des émissions dans les médias, initier des débats sur cette thématiques pour que cela ne reste pas un tabou. Si on évoque les massacres des années sombres de notre histoire, des gens ont peur. Ils n’aiment pas l’entendre.
Cette connaissance de la vérité a vocation d’éviter l’instrumentalisation, la manipulation et la globalisation se basant sur l’ignorance.
… »On dira un administratif tel, un individu tel a commis des crimes au lieu de les coller sur tout un groupe ».
Mais la globalisation arrange les tenants des pouvoirs et ceux qui aspirent à être au pouvoir. Malheureusement, ce sont eux aussi qui détiennent les clés politiques pour résoudre ces problèmes. Cependant, dans un pays où l’employeur principal reste la fonction publique, le chemin est encore long car le clientélisme bat son plein.
« Crimes de masse », dites-vous? Eh bien oui! Beaucoup de crimes de masse. Depuis qu’un GROUPE issu des clans de Bahima des régions naturelles du Bututsi et du Mugamba a renversé par coup d’état la DYNASTIE DES BAGANWA pour instaurer une DYNASTIE DES BAHIMA.
Moi aussi je suis anthropologue. Bien plus, Spécialiste de la DYNAMIQUE de la conscience ethnique au Burundi.
Ce qui est dit de la RÉCONCILIATION tant souhaitée n’est rien d’autre qu’une autre forme de faire taire les millions de victimes du système génocidaire de la dynastie des Bahima. On devrait parler plutôt de JUSTICE et de RÉPARATION.
Vous l’avez vu. Une seule fosse commune (Mugongomanga) avec 1562 victimes. Des voisins (Bahutu) tués par des voisins (Batutsi-Bahima). C’est celle-là la VÉRITÉ qui devrait être dite.
D’un point de vue anthropologique, ce n’est pas vrai que les atrocités génocidaires qui ont frappé les familles de Bahutu (1972, avant et après) sont des atrocités infligées par juste des individus sans aucun lien a un groupe (celui de Batutsi). Que ce soient des individus avec des noms précis ne change rien à cette réalité. Tout comme le RACISME ou l’APARTHEID, ce constituent des crimes de groupes.