Elle était passée à Iwacu au début de l’année 2012. Solange Lusiku Nsimire était heureuse. En février de la même année, elle avait reçu le titre prestigieux de « docteur honoris causa » de l’ UCL ( l’Université Catholique de Louvain.)
Un geste de reconnaissance pour son combat pour la presse qu’elle menait en tant que rédactrice en chef du journal, Le Souverain, l’unique journal de Bukavu, la capitale du sud Kivu en RDC.
« On lutte pour ne pas être inféodé aux politiques, on garde nos distances même si le journalisme est un métier de contact et… de distance. Ceci nous permet de garder notre sens critique par rapport aux différents discours tenus par les politiciens qui cherchent toujours à nous avoir chacun dans son camp », dira la rédactrice en chef du journal, au cours d’une interview avec notre collègue Abbas Mbazumutima.
On était tous subjugués par la « force tranquille » de cette dame , très réservée, loin de l’exubérance souvent prêtée à ses compatriotes. Une vraie leader.
Solange était une battante. A côté de ses fonctions au journal Le souverain, elle présidait en même temps l’Union nationale de la presse du Congo(UNPC), la section du Sud Kivu. « On se bat pour rester indépendant, professionnel et neutre », soulignait avec insistance cette journaliste qui avait derrière elle plus de 10 ans d’expérience, dont 7 passées à radio communautaire Maendeleo émettant à Bukavu.
Lutter à tout prix contre le téléphone arabe
Dans une région où tenir un journal relève du parcours de combattant, Solange Lusiku s’était engagée à lutter contre la rumeur et la désinformation : « Le sud Kivu est en proie aux attaques incessantes des bandes armées, le téléphone arabe fonctionne à merveille. On s’efforce de donner une information fiable et équilibrée, il en va de notre crédibilité. C’est notre engagement », martelait avec fermeté cette professionnelle des médias.
Son mensuel ne restait pas seulement dans le factuel mais traitait des articles de fond sur la société, l’économie, la politique, sur l’histoire du Sud Kivu, dans une démarche de « reconstruction de la mémoire collective. »
Bukavu, disait-elle, est une ville sans maison de la culture, sans musée, sans salle de spectacles, sans bibliothèque publique. « Nous sommes en train d’écrire une page de l’histoire de notre région » racontait avec détermination la rédactrice en chef du journal, Le Souverain.
Solange Lusiku Nsimire était également sensible à l’image de la femme dans la presse de notre sous-région.Quand on parle de la femme dans la presse de ces trois pays, c’est pour évoquer une femme violée, tuée, une femme battue ou victime d’autres injustices. « Il faut tout faire pour positiver et montrer que la femme n’est pas seulement celle qui pleure sur son sort, il y a beaucoup d’exemples de braves femmes ».
Elle bouillonnait d’idées, de projets. On voulait lancer un partenariat entre Iwacu et Le souverain, organiser par exemple des échanges de journalistes dans nos rédactions respectives. L’histoire n’a pas permis à cette initiative d’éclore…
C’est ce week-end que j’ai appris via les réseaux sociaux le décès de cette grande dame dans un hôpital de Kinshasa,à 46 ans seulement, après une courte maladie. Iwacu exprime sa sympathie à la famille de Solange Lusiku et à tous les journalistes de Bukavu. RIP, chère soeur.