Mardi 16 juillet 2024

Editorial

La soif d’aujourd’hui

03/05/2024 4

Au Burundi, pays de tradition brassicole, la bière est reine. Pour la majorité de Burundais, un évènement excluant l’alcool n’en est pas un. Dans la joie comme dans le malheur, en famille ou entre amis, la bière est obligatoire. Elle est présente dans les grands rendez-vous ou cérémonies sociales tant heureux que malheureux.

Par Léandre Sikuyavuga
Directeur du groupe de presse Iwacu

En semaine comme le week-end, on doit trouver une bonne « fausse » excuse pour passer prendre un verre. Certains débits de boisson mettent en place des comptoirs pour une catégorie de gens « réguliers » qui doivent passer chaque soir pour « jauger, scruter » les défis de l’heure : « le parlement du soir ».

Un article paru dans Iwacu, il y a quelques années, « Les intellos du comptoir font l’opinion » a été largement partagé. Qui n’est pas passé à la « bibliothèque des idées » après une longue soirée de révision des syllabus à la bibliothèque centrale ou à « Nyakazu » au campus Mutanga ? Pendant toutes ces occasions, la bière ultra-prisée est celle produite par la brasserie et limonaderie du Burundi, Brarudi. Priver les Burundais de la « sainte mousse » est perçu comme un sacrilège.

La pénurie des boissons Brarudi qui perdure provoque un malaise social. La livraison de ces produits est presque inexistante dans la capitale économique Bujumbura et à l’intérieur du pays. Les gros dépôts dits mégas ainsi que les mini dépôts sont vides. Les tenanciers des bars dénoncent d’énormes manques à gagner, les consommateurs déplorent des spéculations faites sur ces produits.

La brasserie et limonaderie du Burundi fait face à des difficultés de fonctionnement. Très réservée, elle explique la pénurie de ses produits par manque de devises. « La Brarudi ne peut plus acheter toutes les matières premières dont elle a besoin pour la production des boissons. » Mais certaines sources estiment que l’entreprise connaît d’autres défis en l’occurrence des dettes envers ses fournisseurs, l’actionnaire principale qui ne percevrait plus suffisamment de dividendes.

Une solution doit être trouvée pour ce grand contributeur au niveau des impôts et des taxes. « L’impôt sur les sociétés totalise 240 milliards BIF et la Brarudi contribue à environ 50 % », fait observer Faustin Ndikumana, directeur exécutif de l’ONG locale Parcem. Pour lui, il faut renflouer cette entreprise qui est une fierté nationale de réussite de l’industrialisation. « Un exemple de réussite de la coopération entre l’investissement local et les investissements directs étrangers et une preuve pour attirer d’autres investissements directs étrangers. » A juste titre.

Si la situation perdure, il y aura des conséquences fâcheuses tous azimuts. La Brarudi participe au développement du pays avec 6% du Produit national brut. Les économistes prédisent déjà une baisse des recettes fiscales, le licenciement des employés, le retard dans le paiement du personnel de la fonction publique. « Il pourra y avoir des retards des paiements des salaires dans la fonction publique, car la Brarudi est le principal fournisseur de l’argent », signale l’économiste Diomède Ninteretse.

Les conséquences directes s’abattent sur les commerçants dépendant de cette entreprise, depuis les détaillants jusqu’aux grossistes, sans oublier un malaise dans cette société burundaise très attachée aux produits Brarudi.

Ce 1er mai, au stade lors du défilé, le personnel de la Brarudi a été hué par le public…Je pense à une publicité qui montrait une bière fraîche servie dans un joli verre et, en dessous, c’était écrit : « La soif d’aujourd’hui. » Je dis ça, je dis rien.

Forum des lecteurs d'Iwacu

4 réactions
  1. Jean Pierre Hakizimana

    @Jereve,

    Tout ce que vous dites est correct. La question est « Qu’est ce qui a changé alors cette fois ci? La corruption et l’hyperinflation. Avec ceci, le pays en question commence a connaitre ce que l’on appelle  » Brain drain » (la perte de ses meilleurs employés). N’oubliez pas qu’ils sont recherchés partout au monde et que cela prend du temps pour un pays d’en former. Prenez par exemple les deux taux d’échanges FBU/USD, qui achète /vent le USD a quel taux? A combien les proches du president s’approvisionnent en USD? Comme les actionnaires de la Brarudi n’arrive pas a faire des projections budgetaires car on ne sais pas quel taux a utiliser, donc les actionnaires commence a des-investir dans un tel pays.

    La corruption et l’hyper inflation deviennent un cancer sociétal! Petit a petit, les organes vitaux cèdent

  2. Karabadogomba Melchior

    La conséquence directe: les gens,surtout les jeunes, se rabattent sur les boissons très alcoolisées comme kick, « kanyanga », sopar…. On hypothèque l’avenir du pays.

  3. jereve

    La Brarudi est réputée être une industrie d’une solidité à toute épreuve et ceci depuis l’indépendance jusqu’à nos jours. Elle a résisté à toutes les crises imaginables et inimaginables que le Burundi a traversé. Le plus étonnant est qu’alors que nombreux burundais se plaignaient de la l’appauvrissement généralisé et la détériorations de leurs conditions de vie, jamais ils n’ont cessé de prendre de temps en temps leur bière. Ce qui est en soi une garantie que cette industrie allait encore tenir pour longtemps.
    Si la brasserie vacille, quelle autre entreprise pourrait rester debout? Il y a à craindre l’effet domino ou simplement le point de rupture.

  4. hakizimana jean capistran

    c’est grave pour la brarudi de nous priver la sainte mousse qui, souvent le soir autours d’une table ronde, nous fait oublier les offenses de la journee!

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