Après la nomination du comité technique chargé de la préparation et de la mise en place de la Commission Vérité et Réconciliation, la société civile se dit exclue du processus et demande l’annulation du décret présidentiel.
« Un comité mis en place sans aucune consultation, en foulant au pied le souci de cohésion et de rassemblement de toutes les composantes de la nation », avec l’impression que cette nomination de sept experts du comité chargé de mettre en place la Commission Vérité et Réconciliation « a été faite de manière précipitée ».
La déclaration des organisations de la société civile publiée à la Maison de la Presse est acerbe, constatant « amèrement » qu’elles ont été, ainsi que les associations des victimes des différentes crises, « exclues du processus ». Ces associations, qui regrettent qu’un organe aussi important et longuement attendu écarte un partenaire qui a suivi le processus dans tous ses tenants et aboutissants, proposent de fait que parmi les 7 experts, il y ait au moins 3 de la société civile.
Pour le chargé de la communication au FORSC, Célestin Hicuburundi, « la question de la justice transitionnelle n’est pas une question exclusivement politique : elle est aussi sociale. C’est pourquoi elle implique autant les politiques que la société civile.» En outre, complète Triphonie Habonimana de l’AMEPCI*, « il ne s’agit pas d’être qualifié en histoire ou en droit pour avoir une expertise en justice de transition. Parmi la société civile, il y a des personnes qui ont l’expertise nécessaire », estime-t-elle.
La société civile éprouve de sérieux doutes que ce comité soit capable de faire preuve de probité et de neutralité suffisante pour proposer des critères objectifs d’établissement d’une Commission Vérité et Réconciliation et de désignation de ses membres. Sur ce, un membre de l’audience révèle que « parmi les 7 experts formant ce comité, il y en 2 qui sont impliqués dans les massacres de 1993 et dont les dossiers sont pendants dans les instances judiciaires ».
La Société Civile déplore enfin le fait que la nomination de ce comité technique ne soit respectueuse de la composition paritaire homme-femme compte tenu de la spécificité de la question. Selon Marie Goretti Ndacayisaba, chargée du Programme Plaidoyer à l’Association Dushirehamwe, ce comité technique devrait avoir 50% de femmes parce que celles-ci sont incontournables dans le processus de la paix car elles ont beaucoup à dire.
Trois recommandations ont ainsi été formulées : au Président de la République de suspendre ce décret et d’entamer sans délai une large consultation pour y inclure des représentants de la société civile et faire recours à des personnalités reconnues pour leur esprit d’indépendance et de probité. A la représentation du Secrétaire Général des Nations Unies au Burundi de faire pression pour qu’un comité technique au caractère aussi monolithique n’engage pas un processus bien commencé sur un terrain glissant. Enfin aux organisations indépendantes de rester sereines et éveillées pour que l’avenir de toute une société ne soit sacrifiée «à l’autel d’un militantisme ou partisannerie d’un autre âge.»
Au cas où le Président de la République ne suspendrait pas ce décret, «nous allons demander à ce comité de consulter au moins la société civile parce qu’il y en a qui peuvent donner des contributions efficaces en matière de justice de transition.»
____________________
*AMEPCI: Association pour la Mémoire et la Protection de l’humanité contre les Crimes Internationaux