L’un des acteurs essentiels d’une intégration régionale réussie reste la Société civile. Au Burundi, malgré la volonté de participer à cet élan, des barrières existent, notamment la question des moyens.
<doc2826|left>D’emblée, Pacifique Nininahazwe affirme au non du Forum pour le renforcement de la société civile (FORSC) comprendre l’importance de l’intégration : " Face à l’enclavement physique et, dirais-je, mental, du Burundi et des Burundais, il était important que notre pays accède à un ensemble plus large. Il y avait une nécessité de participer à une économie régionale ". Il s’interroge, pourtant: " Y allons-nous pour défendre nos intérêts ou pour être un marché offert aux autres pays de l’Afrique de l’Est ? "
Pour comprendre cette gêne, rappelons que la société civile burundaise, ce sont 2577 associations agréées jusque fin 2007, dont 1270 sont encore actives, 1147 étaient introuvables, et 84 étaient dysfonctionnelles. Ces acteurs eux-mêmes peuvent être divisées en deux catégories : d’un côté les médias, qui constituent ce que l’on appellera "le quatrième pouvoir", de l’autre des acteurs qui agissent au niveau associatif ou syndical autour des intérêts précis (la santé, l’éducation, l’environnement).
Pour ce qui est des médias et de l’intégration régionale ici.
Expliquant ce qu’il entend par "intérêts", M. Nininahazwe revient sur la question de la langue : " Dans l’entendement des acteurs de la société civile burundaise, nous devrions participer à la construction de l’entité régionale [Afrique de l’Est] en apportant ce que nous avons et ce que nous sommes, et aux autres de faire de même. Ce qui ne s’est jamais passé ainsi avec le français : nous sommes obligés d’apprendre l’anglais …"
Pour ceux qui doutent de la capacité du Burundi à apporter un plus à la communauté régionale, l’exemple parlant est la Cosome(Coalition de la Société Civile pour le Monitoring des Élections), " une organisation unique en son genre dans la sous-région mais qui ne parvient pas à s’imposer dans d’autres pays ", selon Pacifique Ninihazwe.
Les raisons ?
Le peu de visibilité dont jouissent les acteurs de la société civile burundaise (et rwandaise, dans une moindre mesure) vient de l’entrée tardive dans l’EAC. Ainsi, du fait de leur ancienneté dans l’EAC, le Kenya, la Tanzanie (et l’Ouganda) concentrent presque la totalité des sièges des organismes qui soutiennent la région. A Nairobi se trouvent les sièges des organismes internationaux ayant un rayonnement régional, tandis qu’à la Tanzanie (Arusha) revient le siège de l’EAC. Et ce sont les acteurs locaux qui profitent de cette proximité physique pour un meilleur accès à l’information et le travail de lobbying. Ce qui leur permet de trouver des financements pour différents projets.
Pour résumer cette situation, Pacifique Nininahazwe évoque le fait que, très souvent, " la société civile burundaise se retrouve embarquée dans des projets d’acteurs kenyans et tanzaniens. Et faute de moyens propres et de pouvoir de pression, nous ne faisons qu’accepter ce que donnent les autres "…
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{[Le Forum des organisations de la société civile en Afrique de l’Est (EACSOF en anglais)->http://eacsof.net/] est une institution créée pour offrir une plateforme et catalyser les actions et la coopération entre acteurs de la société civiles de pays de l’EAC en vue, notamment, d’une intégration centrée sur les peuples et un développement durable. Les partenaires de l’EACSOF, dont le siège est à Arusha, sont entre autres le TradeMark East Africa, la Coopération allemande ou encore l’Agence internationale de coopération et de développement suédoise (SIDA).}
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Et ce qui complique cette apparente " passivité " burundaise, c’est " le manque d’implication des politiques burundais : considérés comme des ennemis politiques, peu d’efforts sont faits par le gouvernemen burundais pour pousser les acteurs burundais à s’implanter dans les organismes régionaux ", déplore Pacifique Nininahazwe.
Pourtant…
Les opportunités de participation à la vie régionale ne manquent pas. La plate-forme de mobilisation civile la plus importante reste l’East African Civil Society Organisations’ Forum(EACSOF). Basée à Arusha (Tanzanie), cette organisation [voir encadré] a notamment conclu, en août 2011, un rencontre de haut niveau sur la nécessité du dialogue entre acteurs politiques, le secteur privé et la société civile. Le panel d’experts réunis à cette occasion, dont l’ambassadeur Jérémie Ndayiziga représentant du Burundi, ont soumis une série de recommandations, parmi lesquelles " la clarification de la signification de l’intégration centrée sur les peuples, vers laquelle tend l’EAC ".
Rebondissant sur ce point, Pacifique Nininahazwe souligne: " Jusqu’ici, nous avons l’impression que l’EAC est une communauté de gouvernements. Alors qu’à terme et par définition, elle devrait être une communauté de peuples." Car pour le Forsc, " la question que devrait se poser le Burundi au sein de l’EAC, c’est : comment faire en sorte que le Burundais sur sa colline se sente concerné par ce qui se passe en Ouganda, ou au Kenya? " Tout un plan d’action concertée entre acteurs publics et de la société civile.
Roland Rugero
Différentes organisations régionales…
Les acteurs de la société civile burundaise participent à plusieurs organismes régionaux, dont :
– East Africa Law Society ( EALS), qui regroupe les barreaux des pays de l’EAC
– Eastern African National Networks of AIDS Services Organisation, qui regroupe les réseaux des organisations intervenant dans la lutte contre le Sida
– East African Youth Council ou le Conseil de la Jeunesse de l’Afrique de l’Est
– East and Horn of Africa Human Rights Defenders, qui regroupe les défenseurs des droits de l’homme dans l’EAC
– Eastern African Sub-regional Support Initiative for the Advancement of Women (EASSI), qui soutient le développement de la condition de la femme dans la région