La REGIDESO est gangrenée par les malversations. Le ministre de tutelle hausse le ton et tire la sonnette d’alarme. L’Olucome, quant à elle, réclame des sanctions envers les corrompus.
Des stocks dits « morts » évalués à plus de 13 milliards BIF, un recouvrement non suivi, des raccordements truqués, un personnel pléthorique, telles sont quelques irrégularités relevées par le ministre de l’Energie, vendredi 29 mars, lors d’une assemblée générale avec le personnel de cette société.
Côme Manirakiza, ministre de l’Energie et des Mines, ne mâche pas ses mots : «J’interpelle le personnel d’en découdre avec la solidarité négative.» Il dénonce plusieurs irrégularités qui rongent le bon fonctionnement de la Régie de distribution de l’eau et de l’électricité (Regideso). Et d’alerter : « Si la Regideso cesse de fournir l’eau et l’électricité, qu’adviendra-t-il ? »
De prime abord, ce ministre trouve un personnel pléthorique, inoccupé, mais rémunéré. Un personnel qui ne fait que gonfler la masse salariale. Aujourd’hui, la Regideso compte plus de 1000 travailleurs. Il demande la restructuration de ce personnel.
La confection des devis excédentaires, ajoute-t-il, dénote une surfacturation. Les matériels sortent conformément à ces devis alors que ça ne devrait pas être ainsi, fait-il savoir. Quand les services de recouvrement négligent leur travail, s’indigne-t-il, la société ne fait que se ruiner.
Certains employeurs de la Regideso, fait-il remarquer, s’entendent avec certains clients ou abonnés quitte à partager 10% de la facture de l’eau ou de l’électricité. « C’est la fuite des fonds qui normalement devraient rentrer dans les caisses de la société ». Des employés qui utilisent leurs propres taxis dans les interventions en laissant de côté les véhicules de service. Ils sont payés par la Regideso et les clients. Et de s’indigner : « Il n’y a plus de service gratuit à la Regideso», avant de s’étonner : « Comment se fait-il que ces personnes continuent à travailler.»
Des tricheries se multiplient
« Certains employés multiplient les astuces », observe Côme Manirakiza. C’est entre autres les stocks dits « morts », évalués à plus de 13 milliards BIF. Certains employeurs, explique-t-il, mettent en place des commissions pour l’approvisionnement du matériel mais qui ne remplit pas les normes. Ils le réceptionnent et le gardent dans les stocks.
Par ailleurs, il fait savoir qu’il détient une information sur les sociétés qui trichent. Selon lui, il y a une technique opérée par certaines sociétés sur les câbles électriques pour que le courant ne transite pas dans les compteurs. « Nous avons des preuves ».
En outre, poursuit-il, d’autres utilisent l’électricité dans la catégorie ménage alors que ce sont des industries. Il existe des sociétés de sous-traitance au vu et au su des responsables. Ce n’est pas tout. Il existe d’autres employés qui négocient avec les soumissionnaires pour que ces derniers gagnent toujours les marchés. D’autres encore retirent des documents des offres des soumissionnaires pour que leurs favoris gagnent les marchés. Cette autorité gouvernementale promet de traquer ces contrevenants : « Nous allons mener des enquêtes pour pouvoir mettre la main sur ces personnes.»
Il donne un délai d’une semaine à la direction pour restructurer le travail. Il interpelle le syndicat à sortir de son silence pour collaborer dans la restructuration de la société. Et d’insister. « Il faut contribuer pour la sauver de toute faillite.»
« Un symbole de mauvaise gouvernance »
Pour Gabriel Rufyiri, président de l’Observatoire de lutte contre les malversations économiques (Olucome), la Regideso est devenue un symbole de la mauvaise gouvernance. C’est une suite logique de malversations qui se commettent dans les différents services de cette société. Ces services, dont celui du recouvrement, ont été privatisés par un trafic d’influence ou par la corruption.
Pour M. Rufyiri, la Regideso fait porter ce fardeau sur les épaules des petits contribuables. Le prix de vente de l’électricité et de l’eau a quintuplé alors que le pouvoir d’achat du citoyen burundais reste faible.
Parallèlement à cette mauvaise gestion, fait-il savoir, il y a une dette de plus de 70 milliards qui ont été abandonnés et qui sont dans les poches des grandes sociétés. Des marchés qui ont été attribués sur fond de corruption. Et de citer un marché attribué à Interpetrol pour avoir de l’électricité. Pourtant, tient-il à préciser, cette société a une dette de plus de 3 milliards envers la Regideso. Pour lui, c’est une aberration.
Gabriel Rufyiri estime que les dénonciations du ministre ne suffisent pas : « Il faut des sanctions à l’endroit de tout cadre ou travailleur impliqué dans la mauvaise gestion. » Et d’insister sur le nécessaire rappel à l’ordre des responsables de la société.
Cet activiste de la société civile recommande un audit international sur la gestion de la Regideso. Il interpelle tout citoyen de dénoncer toutes les malversations et de protéger la chose publique.