Des déchets ménagers, des eaux usées industrielles, des sédiments… finissent dans ce patrimoine. Les conséquences sont graves pour les riverains et la biodiversité.
Ku Mase, zone Ngagara, commune Ntahangwa, est un endroit symptomatique de l’ampleur de la pollution du lac. Des déchets solides, des bouteilles en plastique et des sachets échouent sur la plage. Une aubaine pour certains démunis qui viennent y récupérer des habits usés, des restes d’aliments, etc. Et ce, au péril de leur vie. Un conduit achemine des eaux usées fétides, de couleur noirâtre vers ce lac. Une odeur suffocante s’en dégage. Ce qui attire les mouches et les asticots dans cet endroit bordant le lac.
Contre toute attente, des enfants, des jeunes, des adultes et des vieux y vivent. Pour eux, la vie semble normale. Des gargotes, des bars sont installés non loin de ce canal polluant. A l’instar du bar dénommé Ku Mase.
Certains habitants s’y sont acclimatés. « Que voulez-vous qu’on fasse ? Nous sommes déjà habitués. Nous n’avons pas d’autres choix que de nous adapter », lâche, désespérément, une maman rencontrée sur les lieux, tenant dans ses bras un bébé d’au moins deux mois. D’autres enfants, ventres ballonnés se lavent aisément dans ce canal. On y vend différents fruits : des avocats, des oranges, de frites de patates douces, etc.
Des vies en danger
Les habitants de cette localité déplorent cette situation. « C’est vraiment révoltant. Notre lac est très pollué », confie Gaspard, un homme croisé sur place. Et de signaler que cette question est connue au plus haut niveau : « Nous voyons souvent des hautes autorités venir ici. Des images ont été prises. Nous avons crié au secours, en vain. » Cet homme indique que beaucoup des déchets viennent des usines. Ainsi, il doute du bon fonctionnement des machines de pompage des eaux usées vers la station d’épuration des eaux usées de Buterere, installées non loin de l’Ex-ENAPO. « Malheureusement, c’est nous qui payons les pots cassés, car nous sommes en danger».
Un environnementaliste qualifie la situation de « très critique ». Il rappelle que plus de 90% de l’eau consommée dans la ville de Bujumbura vient de ce lac. « Avec la pollution, le point de captage d’eau de la Regideso est actuellement fixé à 3,5 km au lieu de 800m. Et ce, à une profondeur de 25 m». En plus du coût, il signale que si la pollution se poursuit, le Burundi sera obligé d’entrer dans les eaux congolaises avec le risque de provoquer un conflit. La production en poissons chute aussi et la biodiversité en fait également les frais. Il estime que les autorités ne s’impliquent pas suffisamment dans la protection de ce lac. « Les lois ne sont pas appliquées».
Quant au Dr Charles Niyonkuru, environnementaliste, il signale que la pollution peut être la source de certaines maladies, telles le cancer, la stérilité chez les femmes, etc. Il fait savoir que dans les eaux polluées, on trouve surtout deux espèces de poissons : le tilapia (couleur argentée) et le clarias gariepinus ou poisson-chat (couleur noire). « Ces espèces tolérantes et résistantes se nourrissent des métaux lourds (le plomb, le chrome, etc) en provenance des usines, des stations-services, des ménages des quartiers proches du lac Tanganyika». Et c’est par la chaîne alimentaire que de tels produits finissent dans le corps humain. Les symptômes, précise-t-il, se manifestent entre 10 à 15 ans.