Le 7 août de chaque année, le monde célèbre la Journée mondiale pour l’éducation. Au Burundi, cette journée rappelle les nombreux défis auxquels le système éducatif est confronté, notamment les infrastructures insuffisantes, la qualité de l’enseignement et le manque de ressources pédagogiques. Face à ces obstacles, la pédagogie numérique apparaît comme une solution prometteuse pour améliorer le capital humain du pays.
Selon l’Institut de statistiques de l’UNESCO, les taux d’inscription dans l’enseignement supérieur au Burundi sont faibles, avec 7 % d’hommes contre 5 % de femmes. Le capital humain, mesuré comme la valeur actuelle des revenus futurs de la main-d’œuvre, dépend en grande partie du niveau d’éducation. Les dernières estimations de la Banque mondiale indiquent que la richesse en capital humain au Burundi représente 77 % de la richesse nationale.
Selon Libérat Ntibashirakandi, promoteur et responsable académique de la Formation Internationale en Pédagogie Universitaire Numérique (FIPUN) à l’Université Libre de Bruxelles (ULB), « en Afrique, on enseigne souvent comme on a été enseigné 30 ans plus tôt », avec une résistance aux changements parmi les enseignants.
Les universités africaines, y compris celles du Burundi, sont confrontées à des défis tels que des contenus de cours obsolètes, une relève académique insuffisante et un taux d’échec élevé parmi les étudiants de première année.
La pandémie de COVID-19 a exacerbé ces défis en perturbant les systèmes éducatifs. Les crises sanitaires, les guerres et les catastrophes naturelles ont également contribué à ces bouleversements.
Dans ce contexte, la FIPUN se présente comme une réponse adaptée pour améliorer les compétences des enseignants universitaires en matière de Pédagogie numérique.
Le Professeur Ntibashirakandi explique que la pédagogie numérique peut aider à résoudre ces problèmes en mettant à jour les contenus de cours, en assurant la relève académique et en réduisant les taux d’échec grâce à des méthodes d’enseignement innovantes.
La FIPUN, soutenue par l’Université Libre de Bruxelles et l’Académie de recherche pour l’enseignement supérieur (ARES), offre une formation intensive de plus de trois mois en Belgique.
Cette formation permet aux enseignants de se concentrer sur l’acquisition de compétences en pédagogie numérique, en intégrant des pédagogies innovantes telles que l’apprentissage par projet, la classe inversée et les dispositifs hybrides.
Au terme de la formation, le Professeur Libérat Ntibashirakandi explique que les enseignants sont capables de réfléchir à leurs pratiques pédagogiques, de planifier leurs unités d’enseignement, d’accompagner les apprentissages des étudiants et d’intégrer le numérique dans leurs cours.
D’après lui, cette transformation de la posture de l’enseignant, de détenteur du savoir à facilitateur de l’apprentissage, est essentielle pour améliorer la qualité de l’enseignement au Burundi.
La FIPUN ne se contente pas de former des enseignants seulement, elle favorise également le réseautage et le partage d’expériences entre les universités.
Par exemple, les participants à la première cohorte ont organisé cinq webinaires sur des thématiques variées en pédagogie universitaire, réunissant plus de 300 participants de plusieurs pays africains.
De plus, ajoute ce professeur, certains participants ont été invités à l’ULB pour participer comme formateurs dans les cohortes suivantes, renforçant ainsi les liens entre les institutions : c’est le cas d’Innocent Ntwari qui avait réussi à obtenir une note de 19,5 lors de la deuxième cohorte.
« Les logiciels libres seront privilégiés pour tenir compte des ressources limitées des pays partenaires, et un achat groupé de laptops permet à chaque enseignant de disposer de son propre ordinateur à moindre coût », fait-il savoir.
La formation repose sur le concept de l’alignement pédagogique, où les objectifs d’apprentissage sont cohérents avec les méthodes et les stratégies d’évaluation. Les stagiaires présentent leur projet pédagogique dès le début de la formation, ce qui permet d’identifier leurs besoins et d’adapter les modules en conséquence.
Pour le Professeur Ntibashirakandi, la FIPUN contribue à préparer les enseignants à devenir des acteurs de changement dans leurs institutions. En développant leurs compétences en pédagogie numérique, souligne-t-il, ils peuvent former leurs collègues et améliorer la qualité de l’enseignement dans leurs universités.
« Cette approche réduit également la fracture numérique et assure que les universités burundaises ne restent pas en arrière dans un monde où les compétences numériques sont de plus en plus indispensables », insiste-t-il.
Apprendre depuis n’importe où et n’importe quand
Alors que de nombreux étudiants burundais aspirent à poursuivre leurs études en Europe et en Amérique, ils se heurtent à des obstacles majeurs. Les ambassades refusent souvent de leur accorder les visas nécessaires. L’adoption de la pédagogie numérique permettra à ces étudiants de continuer leurs études tout en restant chez eux, soutient le Professeur Ntibashirakandi.
Innocent Ntwari, enseignant-chercheur à l’Université du Burundi et participant à la deuxième cohorte de la FIPUN, explique que « la pédagogie numérique permet de donner beaucoup de ressources aux étudiants, de mieux les accompagner à distance et de leur fournir un feedback personnalisé ».
Cependant, nuance-t-il, il faut s’assurer que les étudiants ont accès aux outils numériques nécessaires pour bénéficier pleinement de cette approche.
Selon lui, l’adoption de la pédagogie numérique présente de nombreux avantages pour les universités burundaises. En utilisant des outils numériques, fait-il savoir, les étudiants peuvent continuer à apprendre même en cas de fermeture des universités.
De plus, ajoute le professeur Innocent Ntwari, le numérique enrichit le contenu des cours et favorise une pédagogie active, tout en offrant des modalités spatiotemporelles flexibles qui facilitent l’accès à l’enseignement supérieur.
La pédagogie numérique offre une solution viable pour surmonter les défis du système éducatif burundais. En formant les enseignants à utiliser les outils numériques et en intégrant des méthodes pédagogiques innovantes, le Burundi peut améliorer la qualité de son enseignement supérieur.
« Les universités burundaises ne resteront pas en arrière face à l’évolution galopante des technologies numériques dans un monde où les compétences numériques deviennent de plus en plus indispensables, y compris dans le monde académique et scientifique », explique le Professeur Innocent Ntwari.
Et si les cybercriminels s’y mettaient ?
Les pédagogues ont-ils réfléchi à la protection de leur système ?