Au Burundi, l’engagement politique féminin reste encore minime. Cela influe sur la représentativité des femmes dans les instances de prise des décisions. À l’approche des élections de 2025, des femmes des communes Isare et Kanyosha de la province de Bujumbura demandent plus de sensibilisations à l’endroit des femmes pour qu’elles puissent y participer.
D’après une étude menée en 2023 par l’Afrabu (Association des femmes rapatriées du Burundi), le quota de 30 % des femmes dans les instances de prise des décisions a donné beaucoup d’avancées significatives. « L’évolution du niveau de la participation des femmes et des filles est passée de 17 % en 2016 à 31.9 % en 2023, soit une amélioration de 5,2 % ».
Malgré ces avancées salutaires, la participation des femmes laisse toujours à désirer surtout au niveau collinaire et dans les Conseils communaux. La même étude de l’Afrabu démontre que la participation des femmes en tant que cheffes collinaires n’est que de 8 % contre 19 % des femmes dans les Conseils communaux.
En commune Isare de la province de Bujumbura, la représentativité au niveau collinaire est relativement faible. Selon l’administrateur communal, sur 16 collines que compte cette commune, seules 3 collines sont dirigées par des femmes. Il précise que dans d’autres collines, au moins 3 femmes sont des conseillères collinaires parmi les 5 membres.
Marie Sandra Kwizera, une habitante de la colline Bibare, zone Rushubi fait savoir que des femmes se discriminent parfois et refusent de participer. « Elles pensent que la femme n’a pas de rôle à jouer. La situation doit changer. Certains hommes aussi disent que la femme ne peut pas prendre la parole devant eux », s’indigne-t-elle
C’est le même avis de la part de Fortunate Nitunga. Elle estime en effet qu’il est difficile de se faire élire sans l’autorisation du mari. Certains maris empêchent, dit-elle, leur femme de participer en politique. « Ils considèrent que ce serait une manière de leur désobéir. Je dois consulter mon mari. S’il accepte, je vais le faire. Je dois également convaincre les habitants de la colline pour qu’ils puissent m’élire ».
Médiatrice Habonimana, veut se faire élire pour le poste de chef de colline. Elle dit qu’avec ses 6 années d’étude, elle est limitée à un niveau inférieur. « Parmi les défis figure le manque de compétence en matière de scolarité. Il y a des places qui exigent un diplôme de niveau élevé. Or, il se trouve que la plupart des filles ou femmes n’ont pas ce diplôme ».
D’après elle, c’est très malheureux de constater le manque de solidarité entre les femmes. Des femmes se font élire, indique-t-elle, et leurs paires ne les soutiennent pas en se rangeant du côté des hommes. « Elles ne comprennent pas que des femmes sont aussi capables ».
Eddine Bayikeze, 34 ans est cheffe de colline Bibare. Elle occupe ces fonctions depuis 4 ans. Elle dit avoir pris la décision de se représenter car il n’y avait pas de candidature féminine. « J’ai demandé l’autorisation à mon mari qui a accepté sans hésitation. Une fois élue, j’’étais jeune et j’avais peur de me tenir devant les hommes pour prononcer un discours ».
Il fait savoir que ce n’est pas facile de gérer le foyer et les fonctions administratives. Elle se félicite toutefois d’avoir gagné le pari depuis 4 ans. « Je suis toujours soumise à mon mari. Mes fonctions ne doivent pas me faire changer d’attitude. Être leader quand on est une femme ce n’est pas facile, mais avec l’aide du mari, c’est possible. Il est toujours à mes côtés».
Cette femme cheffe de colline souhaite également qu’une sensibilisation soit faite à l’endroit des femmes depuis les collines pour que la femme se sente à l’aise et pour se faire élire. « Beaucoup de femmes considèrent que diriger ne leur est pas destiné. Elles ne soutiennent même pas celles qui bravent la peur pour se représenter. Les femmes sont capables comme les hommes. On ne doit pas nous sous-estimer ».
Appel à adhérer dans des partis politiques
Selon Gilbert Niyonkuru, administrateur de la commune Isare, le quota de 30 % prévus par la Constitution du Burundi ne sont pas suffisants pour la représentativité des femmes. Il fait observer que les femmes sont en nombre élevé. Elles devraient donc se mobiliser pour dépasser les 30 % et occuper plus de postes de responsabilité.
Il rappelle que 16 collines et 3 zones sont dirigées par des femmes et leur manière de faire est excellente. « Elles sont aimées et appréciées par la population. Nous espérons que dans un proche avenir, beaucoup de collines seront dirigées par des femmes. Les collines dirigées par des femmes sont en avance dans les travaux de développement communautaire et dans l’organisation des coopératives ».
Il ajoute que la participation des femmes dans les instances de prise des décisions, conduit le pays dans une voix d’une société juste et égalitaire. « Si une femme parvient à bien organiser la colline, les enfants sont scolarisés, la sécurité et l’unité teignent. Les hommes doivent soutenir leurs femmes afin qu’elles puissent bien accomplir leurs missions. S’il y a des hommes leaders et sages, il y a aussi des femmes leaders et sages ».
Selon cet administratif, les défis qui empêchent les femmes de participer dans la politique ne manquent pas. Parmi les défis majeurs figurent les charges de la femme burundaise ainsi que le taux de scolarité encore bas chez la jeune fille et la femme burundaise, en particulier la femme rurale. Certaines femmes peuvent se heurter au refus ou au manque de coopération.
Niyonkuru appelle les femmes à élire et à se faire élire. « Nous leur demandons d’adhérer dans des partis politiques de leur choix car, sans appartenir dans des formations politiques, c’est difficile d’être sur les listes électorales ».
Il explique que l’administration communale travaille en collaboration avec le forum des femmes au niveau communal. Il fait savoir que des femmes leaders s’étaient dépêchées sur les collines pour sensibiliser les femmes sur les projets de développement et la vision Burundi émergent en 2040 et Burundi développé en 2060. Elles invitaient les autres femmes à travailler non seulement dans des associations et coopératives mais aussi à participer dans des partis politiques pour élire et se faire élire.
À propos des femmes qui ont peur de se représenter, Gilbert Niyonkuru, leur dit de ne pas s’écarter. Il leur demande de scolariser leurs jeunes filles pour les préparer aux fonctions élevées dans le futur. « Si nous disons qu’il faut au moins 30%, sans la scolarisation de ces jeunes filles, rien ne va. Un garçon et une fille ont les mêmes droits. Ils doivent étudier au même pied d’égalité. Par après, ils intégreront les partis politiques pour pouvoir occuper les hautes fonctions ».
Selon l’administrateur de la commune Isare, certains hommes empêchent leurs femmes de participer dans la politique car, une fois élues, elles se méconduisent. Il trouve que c’est inacceptable car la communauté perd confiance en elles. « S’il arrive qu’une femme commence à dénigrer son mari ou à adopter des attitudes et comportements déplacés, c’est la perte de confiance en les femmes. Cela fait que les hommes soient réticents quant à soutenir leurs femmes ».
Il appelle les femmes leaders de garder leur dignité, respect et obéissance dans le foyer. « Soyez de bons exemples et des ambassadrices des autres femmes!».
Appel à l’unité
Il en est de même en commune Kanyosha de la même province. Émelyne Ndayizeye déplore que la femme reste sous représentée dans les instances de prise des décisions. Pour elle, il faut développer l’éducation, l’emploi, la santé notamment en milieu rural. « Il faudra également que la prochaine législature soit marquée par une avancée significative au niveau des droits des femmes au Burundi ».
Dancile Manirakiza, habitante de la zone Ruyaga, commune Kanyosha appelle toutes les femmes à l’unité. Il faut que les femmes sachent aussi que le pays est le leur. « Nous sommes nombreuses. Nous avons la force. Il n’est pas question que la femme reste toujours derrière. J’ai un rêve de voir un jour que si le président est un homme, la Première ministre soit une femme et si le président de l’Assemblée nationale est un homme, la présidente du Sénat soit une femme ».
Prudence Baranyikwa, secrétaire exécutive permanente de la commune Kanyosha appelle toutes les femmes burundaises à participer dans les prochaines élections. Elle les invite à se faire élire en choisissant parmi elles les candidates capables de gouverner avec des projets solides pour le développement de la femme en particulier et celui du pays en général. « Les femmes veulent aussi une augmentation du quota de 30 % ainsi qu’une bonne représentation dans tous les domaines de la vie du pays. Il faut y travailler pour convaincre davantage ».