Des destructions de routes, d’écoles, d’habitations se multiplient aux environs de cette rivière. Au grand désespoir des riverains.
Six classes de l’Ecofo du Jardin public de Nyakabiga sont déjà fermées. L’affaissement des rives de la Ntahangwa a emporté une partie des latrines. « Ce ravin d’une trentaine de mètres ne cesse de s’élargir vers les bâtiments de notre école », déplore une institutrice rencontrée sur place. La direction a ainsi pris la décision de mettre à l’abri les enfants de la 1ère à la 6ème année. « Innocemment, ils n’arrêtaient pas de s’approcher de ce ravin. Et pour éviter des accidents mortels, le Lycée Nyakabiga nous a prêté quelques locaux pour continuer les cours». Ce qui ne facilite pas les activités pédagogiques, ces écoliers ne se présentant à l’école que dans l’après-midi. Auparavant, chaque classe comprenait deux groupes A et B. L’un apprenait dans l’avant-midi, l’autre dans l’après-midi. Chaque groupe avait son propre instituteur.
Aujourd’hui, seuls les élèves de 7ème, 8ème et 9ème fondamentale sont restés. Et les conditions d’apprentissage ne sont plus les mêmes. « Pour se soulager, nous faisons plus de 200 m pour aller à l’Ecofo Nyakabiga III », témoigne un des élèves.
Là aussi le risque d’effondrement est grand. « Sur douze latrines, six seulement sont fonctionnelles », se lamente Béatrice Ntahirya, directrice de cette école sous convention pentecôtiste. Ce ravin avance dangereusement vers cette école. Durant la récréation, elle fait savoir que les instituteurs et les encadreurs surveillent les enfants de près.
Non loin de cette école, au Lycée Municipal de Mutanga-Sud, la situation est similaire. Des latrines et une partie du terrain ne sont plus fonctionnelles. Et un bloc de classes se lézarde.
Des routes, des habitations hors d’usage
Les dégâts sont énormes et multiformes. A Mugoboka, l’Avenue Sanzu n’est plus praticable. Certains habitants des maisons riveraines de la Ntahangwa ont déjà déménagé. D’autres attendent impuissamment le jour fatidique. « Que voulez-vous qu’on dise ? Nous sommes fatigués. On attend des miracles pour être secouru », lâche un homme, rencontré sur place, sidéré.
Il dénonce une négligence notoire de la part des services publics concernés : « Nous avons crié au secours depuis longtemps. Et même les natifs de Mutanga-Sud se sont fortement impliqués, mais ils ont manqué l’appui des autorités.»
Pour lui, la protection de l’environnement ne semble pas figurer parmi les priorités des autorités. « Sinon, les dégâts causés par cette rivière auraient été limités à plus de 90%.»
Idem à Kigobe-Sud, commune Ntahangwa, zone Gihosha. L’Avenue Mukarakara ne passe plus. Des clôtures de plusieurs maisons se sont effondrées, d’autres sont sur le point de l’être.
Pris de panique, les propriétaires ont vidé les lieux. A l’approche de fortes précipitations, les travaux de stabilisation des rives de cette rivière avancent à pas de tortue. Or, lors du lancement en juillet 2017, le ministre de l’Environnement avait annoncé qu’ils devaient s’étendre sur trois mois.
La liste des dégâts est longue. A Buyenzi, à la 25ème, des maisons riveraines sont envahies par les eaux. Et une partie de la clôture des locaux de la Compagnie de gérance du coton (Cogerco) a été détruite par les crues.
Protéger l’amont, sauver l’aval
« Ces destructions résultent en grande partie des activités incontrôlées de l’homme », analyse Tharcisse Ndayizeye, environnementaliste. Il s’agit des extractions de matériaux de construction, comme le sable, le moellon et les pierres. « Ces actions changent la trajectoire des eaux de la rivière et fragilisent les rives». Si la protection ne commence pas par l’amont, explique-t-il, la Ntahangwa et d’autres rivières traversant Bujumbura causeront toujours des dégâts.
M. Ndayizeye, membre de l’observatoire burundais Eau et assainissement (OBEA), évoque, en outre, la pression démographique. Ce qui accentue le déboisement en amont. « Si les montagnes surplombant la ville sont dénudées, la moindre précipitation peut provoquer des éboulements, des inondations avec des dégâts énormes en aval.»
Le réchauffement climatique est aussi un facteur. « Cela entraîne de fortes précipitations sur une courte durée, entraînant des crues ».
Enfin, ces dégâts sont la conséquence du non-respect des textes environnementaux. « Les constructions anarchiques sont les premières cibles en cas de crue, d’éboulement ou d’inondation ».
Quant à Albert Mbonerane, un autre environnementaliste, il se dit sidéré: « Comment est-ce que l’urbanisme ose attribuer des parcelles dans des zones à risques? » Et de rappeler que le code de l’environnement exige une étude d’impact environnemental avant d’ériger des ouvrages.
Pour lui, il faut d’abord respecter le Code de l’environnement et le Code de l’eau. Il propose également de sanctionner les cadres de l’urbanisme qui attribuent des parcelles dans des endroits à risques.
Interrogée, Emérence Ntahonkuriye, directeur-Général de l’Urbanisme, assure que le gouvernement ne ménage aucun effort pour résoudre ces problèmes. Et d’annoncer qu’une table ronde sur la problématique de l’environnement est en cours de préparation. « L’objectif est de pallier tous les dégâts sur les rivières traversant la ville de Bujumbura ».
Il n’y pas 1001 solutions à chercher. Il n’y qu’une seule qui soit viable : des murs de soutènement en béton sur tout le long de toutes ces rivières citadines. Ni vu, ni connu pour longtemps!
Les ingénieurs civils ont du pain sur la planche! Au travail!
Les archives d’IWACU mentionnent les problèmes que cause la rivière Ntahangwa depuis au moins 2012. Bien avant la crise actuelle et le tarissement des aides.
Les environnementalistes interviewés semblent bien saisir les causes de ces destructions, et les mesures préventives à appliquer. Sont-ils et resteront-ils les seuls ?