Il prône une voie radicale : restituer simplement les biens. La réconciliation sans la justice est, selon lui, « un marché de dupes ». Ce n’est pas un changement. C’est une table rase de toute la conception de son prédécesseur, feu Abbé Astère Kana, hanté par une justice qui répare, mais en réconciliant. A propos de la réconciliation, Mgr Sérapion Bambonanire a une autre approche: « Il y a des gens qui ont fait de la réconciliation un slogan pour faire taire les autres. La réconciliation, c’est que tu te taises et que je sois le seul à parler ? C’est ça la réconciliation, un marché de dupes.» Sa méthode est plus directe : « L’ère de la réconciliation, c’est l’ère de la vérité ». Interrogé s’il ne risque pas d’être considéré comme défenseur de la seule ethnie hutu, la réponse fuse, interrogative : «Est-ce que l’ethnie hutu a besoin d’être défendue ? Elle se défend toute seule. » Mgr Babonanire estime que « chaque ethnie se défend parce qu’elle a des droits et des devoirs. Il y en a qui pensent que les occupants des terres restées vacantes sont tous de l’ethnie tutsi ou que les rapatriés sont tous des hutu, c’est une erreur.» Et il n’a pas tout à fait tort sur ce point car les faits montrent que par exemple à Makamba, les plaintes et litiges fonciers, c’est entre des gens de l’ethnie hutu. Pourtant, c’est dans cette province que la CNTB a beaucoup de cas à régler. Et de préciser : « Rendez-vous à Bururi, dans la zone Kigwena, vous allez trouver que ce que je dis est vrai. C’est un grand mensonge de dire que nous défendons les Hutu. Et quand nous restituons une propriété à quelqu’un, des esprits malintentionnés pensent que nous sommes en train de la prendre à un Tutsi pour la donner à un Hutu, c’est faux. Dans la majorité des cas, c’est une maison occupée par un Hutu et restitué à un autre. Il faut être prudent. » En confiant la délicate question des terres à un homme d’Eglise, les autorités voulaient sûrement y placer un homme qui arriverait à transcender la passion. Un homme guidé par la retenue sur ces questions explosive. Sur ce point au moins, apparemment c’est raté. Mgr Babonanire a un langage dur, même si l’intéressé le réfute : « Mon langage n’est pas aussi dur que l’effusion de sang évoquée par certains. Est-ce que vous pensez que mon langage est aussi dur que des coups de feu qui ont fauché des milliers de vies humaines et que nous voudrions éviter à jamais ? Mon langage est-il aussi dur que la tragédie de la faim et de toutes les souffrances qui ont accompagné la marche des millions de citoyens qui fuyaient devant les armes de ceux qui voulaient les massacrer ? Est-ce que mon langage est aussi dur que la mort des centaines de milliers d’enfants par malnutrition dans les camps de regroupement de déplacés ou de réfugiés à cause de la triste réalité ? Mon langage est très doux même. »Les lecteurs apprécieront. Le Burundi est un pays blessé. Ses hommes aussi. Tous, à des degrés divers nous sommes marqués par notre histoire. Question : peut-on traiter ce genre de question, sans dépassement de soi, une certaine empathie ?