Le Colonel Khadafi est mort voici bientôt un mois. Je me suis efforcé de ne point réagir à chaud pour m’assurer que les sentiments qui m’animaient n’étaient pas le fruit d’une émotion superficielle et surtout fugace. Force est de constater que ma colère, ma consternation et mon exaspération profondes face à la manière dont fut assassiné l’ancien chef d’état libyen n’ont jamais cessé de hanter mes jours comme nuits.
<doc2063|left>Il est plus d’une façon de condamner à mort un humain. Même la justice tue encore sous certains cieux ; et cela est admis par la société des hommes à travers leurs systèmes juridiques. Mais tuer un quelqu’un, à fortiori un chef d’état, comme un serpent relève d’une barbarie sans nom pour les auteurs et d’un machiavélisme mêlé d’un cynisme démoniaque de la part des manipulateurs.
D’autres ont rappelé avec moult détails les fautes et les crimes du chef de la Jamahirya Arabe Libyenne au pouvoir depuis 1967. D’autres encore nous ont remémoré ses bienfaits et ses réalisations positives dans son pays et ailleurs. Pour moi, il s’agissait d’un être d’abord et avant tout et ensuite d’un chef d’État. Lors de sa capture, il était totalement neutralisé par ses adversaires. Plus rien ne justifiait une quelconque violence à son endroit; Khadafi était désarmé, vulnérable. Face à lui, des soldats armés jusqu’aux dents, numériquement supérieurs à la moindre résistance éventuelle. Rien ne pouvait justifier un acte guidé par la peur, le désordre. Non, les soldats qui l’entouraient étaient visiblement sûrs d’eux-mêmes et ravis de leur prise. Ils l’ont tabassé, bousculé, blessé, avili avant de le tuer … à petit feu … Ce fut l’hallali pour que « la bête meurt » en souffrance et en toute humiliation.
<doc2064|right>Ni le Secrétaire Général des Nations Unies, ni le président de l’Union Africaine, encore moins les chefs d’états de l’Otan n’ont eu un mot de compassion pour le calvaire de cet homme d’État africain, arabe et musulman. Pas un murmure, ne fût-ce que de prière (« requiem in pace » !) du côté du Vatican ou de toute autre église prêchant ad nauseam l’amour inconditionnel de son prochain.
O tempore, ô mores ! Ce seraient écrié les ancêtres latins de ces princes du monde au cœur de pierre quand il s’agit du destin de l’humanité (comme de la vérité d’ailleurs !) piétiné, broyé et profané au-delà des Pyrénées.
S’il est vrai que les plus belles fleurs se nourrissent de putréfaction pour s’épanouir, l’humanité quant à elle a besoin d’un engrais plus pur, plus frais qui s’appelle la loi pour progresser.
{Jean-Marie Ngendahayo
Bujumbura, le 9 Novembre 2011 }