Malgré la perturbation des opérations d’octroi et de recouvrement de crédits, consécutive à la nouvelle crise, certains responsables des microfinances continuent à croire aux lendemains qui chantent.
Centre-ville de Bujumbura. Dans un hall, dix personnes attendent d’être reçues par un agent de leur microfinance. Sur un ton résigné, un d’eux glisse : « A défaut du découvert trimestriel que la microfinance n’accorde plus, je cherche le découvert simple payable à la fin du mois. Mais voilà qu’on m’exige l’attestation de service.» Son voisin renchérit : Si la crise devait perdurer, il y a risque qu’on ait même plus droit au découvert. Cette maison risque de fermer ses portes. La preuve : les agents du service crédit sont au chômage. »
Dans cette institution, comme dans d’autres d’ailleurs, aucun cadre ne veut s’exprimer sur la question de l’octroi et du recouvrement des crédits.
A quelques deux cents mètres de là se dresse une autre microfinance. Le directeur général accepte de s’exprimer, sous condition d’anonymat. Il est inquiet : « Nous vendons le crédit. C’est le seul produit qui nous fait rentrer de l’argent. Mais, avec la crise, nos clients qui sont pour la plupart des petits commerçants des quartiers populaires de la capitale ne remboursent plus les crédits contractés. Leurs affaires ne tournent plus. » Il révèle que « l’indice du portefeuille à risque » (le taux du crédit à recouvrer) oscille aujourd’hui autour de 36 % contre 4 % avant la crise.
D’après ce responsable, sa maison peine à distribuer des crédits surtout que la banque centrale tient à l’œil les institutions de microfinance pour le compte des déposants. Et de lâcher : « Tant que la banque centrale ne nous a pas encore autorisé à donner les mêmes services que les banques nous serons obligés de fermer. »
Entre-temps, révèle-t-il, l’institution se bat pour maintenir tout son personnel au service, notamment par la retenue du tiers du salaire de chaque employé. Elle a aussi résilié le contrat de six stagiaires qui avaient pourtant la promesse d’embauche.
Des exceptions qui confirment la loi
Si bien des microfinances acceptent que la situation de recouvrement de crédit est inquiétante, elles écartent toute hypothèse de fermeture. Elles affirment même continuer à accorder des crédits surtout pour fidéliser les bons clients. Un directeur général exhibe une liste : « Je vais apposer ma signature sur cette liste de 80 demandeurs. Les bénéficiaires auront touché l’argent d’ici une semaine. C’est autour de 80 millions que nous allons décaisser ». Ce dernier explique que pour mieux résister à la crise, son institution a lancé d’autres produits, notamment le « crédit solidaire ». Elle développe aussi d’autres sources de revenus en dehors de la poursuite du recouvrement des crédits.
Toujours sous anonymat, un cadre d’une autre microfinance révèlera que son institution continue elle aussi à distribuer des crédits à des clients avalisés par leurs employeurs.
Si ces microfinances continuent à distribuer des crédits, ce n’est pas qu’elles ignorent que la banque centrale exige que le taux de recouvrement ne dépasse pas 5%, ce qui est loin d’être le cas. Il caracolerait même autour de 50% dans certaines institutions.