Mardi 21 janvier 2025

Économie

La maternité et l’OBR ne font pas bon ménage

La maternité et l’OBR ne font pas bon ménage
Droits de la femme : il va falloir batailler

L’Office burundais des recettes (OBR) a mis en vigueur le nouveau règlement d’entreprise 2024. Conformément à l’article 633 du Code du travail au Burundi, il spécifie que les femmes salariées en congé de maternité percevront la moitié du salaire. Une réforme vue comme une régression des droits de la femme.

« Des lacunes se trouvent au niveau de la règlementation de l’État. En principe, si la femme est en congé de maternité, et si son employeur veut la continuité du travail, l’employeur engage quelqu’un d’autre pour la suppléer et la femme perçoit la moitié. C’est ce suppléant qui devrait recevoir cette autre moitié de son salaire ; et la femme devrait être prise en charge par un système de protection sociale, autrement dit une assurance de maternité », confie un spécialiste de la protection sociale qui a requis l’anonymat.

Selon lui, c’est une injustice faite pour ces femmes en congé de maternité « comme le Burundi ne dispose pas de ce genre d’assurance, que deviendrait la femme qui ne percevrait que la moitié ? N’est-ce pas qu’elle fera des tentatives pour ne pas consommer tout son congé maternel, afin de ne pas perdre cette moitié ? Ce qui engendra des conséquences pour son bébé et sa santé ».

Pour Inès Kidasharira, activiste des droits de la femme, il y a là une grosse violation des droits de la femme. « Nous entendons souvent dire que “l’enfant appartient à la nation”, est-ce définitivement tranché qu’une femme soit punie pour donner une naissance pour sa patrie ? »

Quid du Code du travail ?

Selon la plupart des défenseurs des droits de la femme approchés, il y a un hic dans la loi n° 1/11 du 24 novembre 2020 portant révision du décret-loi n°1/037 du 7 juillet 1993 portant révision du Code du travail du Burundi, en son article 633.

« En attendant la couverture par la sécurité sociale, la femme travailleuse en congé de maternité est prise en charge par l’employeur en ce qui concerne l’indemnité de maternité calculée sur base de la moitié du salaire moyen mensuel en espèce qu’elle percevrait au moment de la suspension du travail ; ainsi qu’au maintien des avantages en nature s’il en existe », stipule-t-il.

Cette nouvelle loi n’est pas adaptée à notre pays qui ne dispose pas d’une indemnité maternelle, selon certains défenseurs des droits des travailleurs. C’est une avancée à reculons par rapport aux droits des femmes et une violation de la Constitution.

Sur son compte X, le juriste Pacifique Niyonizigiye pose la question de savoir quel organisme va couvrir l’autre moitié du salaire, relativement au nouveau règlement 2024 qui prévoit que désormais la femme en congé de maternité percevra la moitié du salaire. Contrairement au règlement de 2018, qui prévoyait la totalité du salaire.

Selon lui, le règlement de l’OBR et le Code du travail burundais ne sont pas contraires à la convention en vigueur. Plutôt, précise-t-il, le problème est d’ordre pratique étant donné que le régime de sécurité sociale qui permettrait de couvrir l’indemnité de maternité n’existe pas encore, à ma connaissance, au Burundi.

Célestin Nsavyimana, président de la Confédération des syndicats du Burundi, parle de la régression des droits de la femme par rapport à ce nouveau règlement d’entreprise révisé initié par l’OBR. « L’indemnité assurance que cet office a invoquée dans l’article 633 du Code du travail au Burundi n’est pas encore en place ».

Faute de cette assurance maternité, surtout dans le secteur public, poursuit-il, la femme qui est en congé de maternité prend son salaire dans son entièreté. « C’est alors dommage qu’un service essentiel à la vie économique de l’État, qui devrait donner l’exemple aux autres services étatiques, se retrouve dans une logique de régression, défavorisant les droits de la femme ».

« Les règlements devraient jouer en faveur des travailleurs »

Le président de la Cosybu indique que le Burundi est membre signataire de la Convention de l’OIT. Il explique que ce qu’on appelle les droits acquis est fondamental dans le domaine du travail : « Par exemple, si on payait cinq cent mille, on ne peut pas régresser et donner en dessous de cette somme en se cachant derrière une convention quelconque. Le règlement est pour améliorer les conditions de travail, car dans le Code du travail se trouve le minimum, c’est à l’entreprise de l’améliorer. L’OBR l’avait fait dans le précédent règlement de 2018, mais maintenant, la direction revient aux droits acquis, pas pour améliorer, mais pour créer des problèmes », déplore ce syndicaliste.

Dans la convention n°183 sur la protection de la maternité, la conférence générale de l’Organisation internationale du travail (OIT) convoquée et réunie le 30 mai 2000, l’article 6 parlant des prestations d’une femme en congé dans ses alinéas 2 et 4, dit que les prestations en espèces doivent être établies à un niveau tel que la femme puisse subvenir à son entretien et à celui de son enfant dans de bonnes conditions de santé et selon un niveau de vie convenable.

L’alinéa 3 dit que « lorsque la législation ou la pratique nationale prévoit que les prestations en espèces, versées au titre du congé visé à l’article 4 qui parle de congé de maternité, le montant de ces prestations ne doit pas être inférieur aux deux tiers du gain antérieur de la femme ou du gain tel que pris en compte pour le calcul des prestations ».

L’alinéa 4 réaffirme que « lorsque la législation ou la pratique nationale prévoit que les prestations en espèces, versées au titre du congé visé à l’article 4, sont déterminées par d’autres méthodes, le montant de ces prestations doit être du même ordre de grandeur que celui qui résulte en moyenne de l’application du paragraphe précédent ».

Pour Désiré Manirakiza, professeur de droit du travail et de la sécurité sociale, « cela serait une violation de la loi si le règlement de l’OBR prévoyait que la femme en congé de maternité percevait la totalité de son salaire auparavant et que par après, elle recevrait la moitié ».

Le Code du travail abrogé du 7 juillet 1993 prévoyait que « la femme en congé de maternité bénéficiera de la moitié de son salaire moyen mensuel de la part de son employeur pendant cette période de congé de maternité. La femme peut bénéficier des avantages en nature, s’il en existe », stipule le Code du travail, article 123, alinéa 3. Pour le nouveau code, c’est le même énoncé qui a été repris sous l’article 633, promulgué le 24 novembre 2020.

Le problème en est que, dans les pays où la sécurité sociale n’est pas développée, le malheur est aux salariés en général et à ces femmes en congé de maternité en particulier.

Normalement, font savoir les défenseurs des droits de la femme, les indemnités devraient être assurées et gérées par l’organisme de la sécurité sociale. C’est dit dans l’article 123 de l’ancien code et 111 du nouveau code.

Des conventions unilatérales

Mélance Hakizimana, président du Syndicat national du personnel paramédical et d’appui de la santé publique (SYNAPA), rappelle que le Burundi est vrai est membre de l’OIT à part entière. « Mais dans la mise en œuvre des conventions de l’OIT, nous avons des difficultés de leur domiciliation dans la législation nationale. Depuis un certain temps, constate-t-il, le Burundi semble avoir arrêté la ratification des conventions de l’OIT.

« À cela s’ajoute un autre problème qui s’est observé depuis 2015 : le tripartisme social est de nom seulement. Les textes réglementaires du monde du travail devraient d’abord être discutés au niveau du comité national du travail pour dégager un consensus qui ne devrait pas être changé tout au long du processus procédural de leur adoption sans le consentement des partenaires sociaux », souligne-t-il.

D’après Mélance Hakizimana, pour ce qui est de notre code du travail, cela a été le cas. « Après les discussions sur le document au comité national du travail, le gouvernement a pris la décision de changer certaines dispositions sans le consentement des travailleurs ».

En outre, s’inquiète-t-il, on dirait que nos parlementaires ne veulent pas entendre la voix des organisations syndicales, comme si les travailleurs ne faisaient pas partie de la population burundaise qu’ils représentent. « Des lois du monde du travail passent bien au parlement et les adoptent sans se rassurer qu’elles épousent le consensus des partenaires sociaux ».

Une mesure à corriger

Célestin Nsavyimana : « L’OBR devrait demander l’avis des représentants des travailleurs de cet office »

Selon Célestin Nsavyimana, président de la Cosybu, l’OBR peut rectifier le tir : « Le droit du travail est un droit conventionnel, c’est-à-dire que les parties au dialogue, le code du travail ou le règlement d’entreprise, sont un produit d’une négociation, pas une décision unilatérale. L’OBR devrait demander l’avis des représentants des travailleurs de cet office. Sinon, c’est un manque de dialogue social au sein de cette direction ».

La Confédération des Syndicats du Burundi appelle l’OBR à se ressaisir et à prendre en considération les droits de la femme travailleuse : « Il faut s’inspirer des normes internationales, des textes internationaux, notamment l’article 183 sur la protection internationale de la maternité, j’invite la direction de cet office à bien lire cette convention puisqu’ils ont violé les droits acquis des salariées ». Nous avons essayé de joindre la direction de l’OBR, mais en vain.

OBR

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