L’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC) est en train d’examiner l’application par le Burundi de la Convention des Nations unies contre la corruption (2e cycle 2016-2020) sur deux chapitres à savoir la prévention de la corruption et le recouvrement des avoir mal acquis. Pour l’Olucome, le Burundi recule au lieu de progresser en matière de lutte contre la corruption.
«Il est clair que le gouvernement du Burundi attend seulement les fonds des partenaires financiers au lieu de prouver ce qu’il a déjà fait avec les fonds lui octroyés», s’exclame l’Olucome dans une note envoyée à l’ONUDC dans le cadre de la 10e session du Groupe d’examen de l’application de la Convention des Nations Unies contre la Corruption qui s’est tenue du 2 au 6 septembre 2019 à Vienne en Autriche. Selon l’Observatoire, les résultats du rapport du 1er cycle d’examen (2010-2015) de l’UNODC prouvent à suffisance que le Burundi, au lieu d’avancer en matière de lutte contre la corruption, a reculé considérablement. L’Olucome rappelle que lors de la période de mise en place des institutions anti-corruption en 2006, le Burundi occupait la 36e position, selon l’ONG Transparency International. Il est actuellement classé parmi les 10 premiers pays les plus corrompus au monde, selon toujours cette même institution.
D’après l’Olucome, les partenaires du Burundi ont beaucoup contribué en termes de millions de dollars américains pour que le Burundi ait la Stratégie Nationale de Bonne Gouvernance et de Lutte contre la Corruption. «Or, le gouvernement du Burundi a mis de côté cette stratégie alors que ce document important a coûté d’énormes moyens financiers».
L’Olucome se demande pourquoi le gouvernement a abandonné cet outil important malgré les gros moyens techniques et financiers déployés par les partenaires du Burundi.
Des engagements non honorés
Cette organisation fait savoir que lors de la retraite gouvernementale tenue en janvier 2012 à Ruyigi sur l’évaluation de l’efficacité de la loi anti-corruption, plusieurs partenaires avaient recommandé une réforme du cadre légal anticorruption. En août 2013, les Etats généraux sur la justice ont été organisés dans l’objectif de rendre la justice burundaise indépendante en vue de se conformer, entre autres, à la Convention des Nations Unies contre la Corruption. En octobre 2014, il y a eu une retraite gouvernementale avec la société civile burundaise qui s’est tenue à Gitega. «L’inefficacité de la loi et des institutions de lutte contre la corruption a été débattue. Et il a été formulé des recommandations pour pallier les différents défis». Comble de malheur, déplore l’Olucome, les recommandations émises lors de ces trois événements si importants ne sont jusqu’ici pas mises en application par le gouvernement. Et l’Olucome de se demander les raisons qui poussent le gouvernement à ne pas réformer le cadre légal anticorruption depuis 2006.
Selon l’Olucome, le Code des marchés publics mis en place en janvier 2018 n’est pas conforme à la Convention des Nations Unies contre la Corruption. «Dans un budget où 70% sont consacrés aux marchés publics, il s’observe à grande échelle l’octroi des marchés publics sur fond de corruption, de favoritisme, etc. Les marchés publics sont aujourd’hui octroyés à majorité aux membres du parti au pouvoir. C’est pourquoi ils s’enrichissent plus que l’Etat». Cependant, le montant de la rubrique du budget de l’Etat « recouvrement des fonds détournés » est très minime.
D’après cette organisation de la société civile, les actes de corruption se multiplient de plus en plus au Burundi. «Aujourd’hui, incarcérer une personne innocente pour bénéficier des pots de vin pour sa libération est un business. Dans le secteur de l’éducation, les points sont vendus comme des marchandises. Dans le secteur de l’environnement, les personnes érigent des maisons dans le périmètre interdit sans aucune suite. Le recrutement des fonctionnaires de l’Etat se fait par militantisme et favoritisme et non par mérite… »
Déclaration des biens des autorités, une épine
L’Olucome souligne que jusqu’à aujourd’hui aucune autorité burundaise ne déclare ses biens en entrant ou en sortant de ses fonctions car la déclaration des biens n’est pas obligatoire selon la loi anti-corruption en vigueur. En plus, les institutions de lutte contre la corruption n’ont pas les capacités pour mener des investigations car la Constitution du Burundi prévoit les privilèges de juridiction. «Par exemple, la Brigade spéciale anti-corruption et le Parquet Général près la Cour Spéciale anti-corruption ne peuvent pas mener d’enquêtes sur des personnes qui jouissent de ces privilèges à l’instar du président de la République, du président de l’Assemblée nationale, du président du Sénat, les deux Vice-présidents de la République, des ministres… alors que ce sont ces derniers qui sont supposés détourner beaucoup de fonds de l’Etat.»
Pire encore, poursuit l’Olucome, le gouvernement et le Parlement rechignent à mettre en place la Haute Cour de justice qui juge les plus hautes autorités alors qu’elle est prévue par la Constitution burundaise. Alors que les corrompus s’enrichissent illicitement, le gouvernement du Burundi n’a pas encore mis en place les cellules nationales de renseignement financier sur les actions pour faciliter les enquêtes y relatives. «Plus grave, à l’instar de l’enrichissement illicite, le blanchiment d’argent sale n’est pas punissable au Burundi».
Fuite des capitaux, une plaie pour l’économie nationale
«Le Burundi a perdu 5,1 milliards de dollars américains de fuite des capitaux depuis 1985 jusqu’en 2015. Les décideurs corrompus en sont responsables. Ces décideurs publics reçoivent un coup de main pour opérer les virements dans l’ombre de la législation sur le secret bancaire». La falsification des factures des produits importés ou exportés tant au niveau de la quantité que de la valeur demeure le moyen le plus utilisé pour la fuite des capitaux.
Les entreprises fictives ou réelles font la surfacturation. Elles gonflent la facture de leurs importations afin de bénéficier d’un virement maximal des devises au taux de change officiel. «Ainsi, l’entreprise ou l’importateur émet une facture d’un montant supérieur au montant réel du produit. Ce qui lui permet surtout de dégager un excédent de devises et donc de transférer de l’argent à l’étranger». Pour les exportations, les opérateurs malhonnêtes font aussi la sous-facturation. Ils transigent sur des quantités exportées, souvent à des prix en deçà de leur valeur réelle. Ce qui leur permet d’obtenir des plus-values intéressantes, mais sans contrepartie réelle pour l’économie nationale. Ces opérateurs rapatrient une partie des revenus. Une autre est dissimulée dans les banques étrangères. L’Olucome se demande ce que le gouvernement est en train de faire pour sanctionner ceux qui s’enrichissement illicitement et blanchissent le fruit de la corruption ainsi que ce qu’il fait pour arrêter cette saignée causée par la fuite des capitaux.
Sur ce, l’Olucome demande que la déclaration des biens des mandataires publics et des hauts fonctionnaires de l’Etat soit respectée et que la stratégie nationale de bonne gouvernance de 2011 soit évaluée avant tout financement en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption au Burundi. Il demande aussi au gouvernement de mette en application les recommandations contenues dans le rapport d’examen du 1er cycle d’examen du Burundi. «Sinon, tous ces efforts et les moyens financiers utilisés sont considérés par l’Olucome comme une autre forme de malversations économiques soutenue par les autorités burundaises».
Contactés, le porte-parole du ministère de la Justice et celui de la Bonne Gouvernance font savoir qu’ils vont s’exprimer plus tard après avoir consulté leurs supérieurs hiérarchiques.