Les femmes dans le Burundi pré-colonial étaient associées au pouvoir. Elles ont activement milité pour l’indépendance. Pourtant, les différentes républiques ont presque négligé ou oublié leur rôle dans les sphères du pouvoir. Il a fallu attendre les Accords d’Arusha pour qu’elles aient 30% de place dans les institutions du pays. Voici des parcours qui racontent cette longue lutte pour des droits qui ne sont pas, encore aujourd’hui, totalement acquis.
Est-ce que grand-mère vous a relaté la légende de cette puissante reine, Inakibindigiri qui règne sur Banga, au centre du pays vers le 15ème siècle ? Le tout premier roi du Burundi, Ntare Rushatsi parviendra difficilement à terrasser cette lutteuse hors pair, dans ses conquêtes hégémoniques. Est-ce que grand-père vous a raconté qu’avant la reine-mère Ririkumutima, qui jouera un rôle important dans la politique burundaise en assurant notamment la régence avec les Chefs Nduwumwe et Ntarugera du roi Mwambutsa intronisé à l’âge de 3 ans, le 16 décembre 1915, le Burundi a connu d’autres braves dames ?
C’est notamment la jeune fille Inandagano choisie pour garder l’Intahe, symbole de la justice. Il y a également la reine-mère Inanzerwe, qui donna son nom à cette chaîne de montagne du sud du Burundi. Elle obligeait son fils, Mwezi Nyaburunga du 16ème siècle à l’escalader chaque matin pour le rendre fort et endurant.
Et cette fille qui défia le roi
Ngaye, jeune fille du clan des Banyakarama, orpheline de mère, son père ne peut pas épouser une seconde femme comme le veut la tradition. Elle travaillait seule. Elle se mit à se lamenter, à défier son père, les notables et même le roi. Sacrilège.
Une sentence sévère allait tomber quand le roi Mwezi Nyaburunga, sans héritier, car sa femme était stérile, prit la décision de revoir les coutumes. Il instaure la polygamie et permet à tout veuf de se remarier. Le roi épouse cette jeune fille, elle donnera naissance au roi Mutaga Senyamwiza.
Le roi instaura également l’ordre des Bakamakare, conseillères du roi à côté des notables, Inararibonye. L’histoire retiendra les noms de Bitaho et Nyakuruha, des conseillères célèbres des rois Ntare Rugamba et Mwezi Gisabo.
Une ’’Jeanne d’Arc’’ burundaise
Le Burundi a connu dans son histoire une sorte de Jeanne d’Arc vers les années 1930, Inamujandi. Elle mobilisa des hommes à Ndora (nord-ouest) contre l’autorité coloniale et ses auxiliaires burundais.
Comme femme intègre, il y a aussi la reine Inamwezi Vyano vya Ndabazi qui prit la défense d’un simple sujet, Murima, accusé injustement de rébellion ’’pour avoir volé de la bouse’’ du roi Mwezi Gisabo (1850-1908). Il se réfugie chez cette reine appelée aussi Inaburundi, la protectrice. Elle accepte, comme une garantie de sécurité, d’accompagner ce manant au tribunal, Sentare, dans ce litige opposant ce gueux au roi. Ce dernier perdit ce procès.
En outre, dans le Burundi traditionnel, lors de la fête des semailles, Umuganuro, la liste protocolaire de la procession de cette cérémonie nationale comportait plus de femmes que d’hommes.
Vers les années 1960, les femmes aux côtés du prince Louis Rwagasore luttent pour l’indépendance mais il faudra attendre jusqu’au 3 mars 1967 pour que le président Michel Micombero reconnaisse officiellement l’existence de l’UFB (Union des Femmes Burundaises). C’est un bon cadre d’émancipation, mais on a surtout vu ces femmes lors des défilés et des meetings politiques, juste pour le folklore…
Le président Bagaza franchira le Rubicon le 14 septembre 1984, dans son gouvernement, deux dames : la ministre de la Condition Féminine, Euphrasie Kandeke et la ministre des Affaires sociales, Caritas Mategeko.
Un pas sera franchi le 30 Avril 1999 quand le président Buyoya promulgue le décret-loi n°1/024 du 28 avril 1993 portant Réforme du Code des Personnes et de la Famille. Les associations féminines saluent cette décision.
Mais une révolution intervient lors de l’investiture de Melchior Ndadaye, le dimanche 10 juillet 1993 : une femme, Mme Sylvie Kinigi est nommée premier ministre.
Janvier 2000, après plusieurs mois de tractations, sept burundaises participent aux négociations d’Arusha mais au titre d’observateurs. La Constitution de février 2005 accordera une représentation des femmes à hauteur de 30% dans les institutions.
Deux femmes, deux destins
La première, Adèle Mbuzenakamwe, plus de 65 ans, est une paysanne de Vumbi à Kirundo. Elle cultive toujours son lopin de terre. La deuxième est une femme d’affaires. C’est une battante, elle est la première au Burundi à conduire un camion.
« J’ai 7 enfants dont 3 filles, ce sont tous des adultes, ils ont tous fondé leurs foyers. Je devrais en avoir 13, il y a eu des mort-nés, d’autres ont été emportés par des maladies infantiles ». C’est de cette manière, toute simple, que cette paysanne issue d’une famille de 16 enfants dont deux demi-sœurs, se présente avant de présiser qu’elle a 24 petits-enfants.
Après un long silence suivi d’un long soupir comme pour reprendre ses forces subitement perdues suite à l’évocation de ces vies chères disparues, Adèle évoque sa scolarité : « J’ai étudié à Bwinyana, juste à côté, à l’école ’’Yaga Mukama’’ de catéchèse. Mon destin ne m’a pas permis de fréquenter une école primaire comme les autres enfants. Mon père a tout essayé sans succès ».
Le décès de ma mère y a été pour quelque chose : « J’ai dû m’occuper de petits travaux ménagers ». Le père d’Adèle prendra une autre épouse : « J’ai été élevée par ma marâtre. S’il y a une chose que j’aurai désiré, c’est d’aller à l’école », regrette Adèle Mbuzenakamwe.
Si elle semble avoir abdiqué devant une sorte de fatalité, ce n’est pas le cas pour Euphrasie Ngayabosha, née en 1932. Cette mère de 6 enfants habitant dans le quartier Shatanya à Gitega, n’a pas non plus fait de longues études mais c’est une autodidacte. Elle sera encouragée par ses frères commerçants à faire cette activité.
Etre la première femme au volant d’un camion
Elle a dû batailler pour avoir des papiers l’autorisant à faire du commerce. Son mari, feu Pierre-Claver Sendegeya, candidat du parti PRP aux présidentielles de 1993, était fonctionnaire : « C’était interdit, il fallait une permission venant des échelons supérieurs pour obtenir ce qu’on appelait ’’non incompatibilité’’. Il fallait que les femmes restent à la maison pour s’occuper des enfants ». Lors des meetings, elle accompagne son mari mais « c’était d’abord pour écouler mes marchandises ».
Si notre commerçante tenait une boutique, l’entourage l’aurait tolérée mais elle décide d’ouvrir un bar. Les voisins ne le voient pas d’un bon œil. « Cela se présente mal à l’époque », se rappelle-t-elle. Toutefois, son mari l’encourage mais cela ne dure pas : « Il se met en colère quand je rentre tard et me demande d’arrêter. Mais je lui dis que nous devons rembourser un crédit contracté, assurer l’éducation des enfants et il finit par se calmer. » J’ai fait des bénéfices, raconte-t-elle avec fierté, et j’ai même acheté un véhicule.
Et c’est quand son chauffeur, la laisse au milieu de nulle part qu’elle décide, le même jour, d’apprendre à conduire son camion pour approvisionner son bar. Les gens s’exclamaient toujours en la voyant au volant. D’autres femmes suivront son modèle alors qu’avant elles se moquent de cette pionnière. Les mauvaises langues des voisines n’augurent rien de bon : « Dans six mois, le bar aura fermé ou cette cabaretière sombrera dans l’alcoolisme mais il y en a qui sont venues me demander des conseils, car la vie devenait intenable. D’autres ont abandonné leur boulot pour faire du commerce ».
Si cette femme d’affaires qui a même réussi à envoyer ses enfants en Europe pour étudier à ses frais, fait des émules, Adèle Mbuzenakamwe, elle, demande à ses petits-enfants de ne pas suivre son modèle. « Pour ne pas finir comme moi, j’ai commencé à sensibiliser mes petits-enfants à aimer l’école. J’ai vu que les femmes instruites étaient valorisées », explique-t-elle, résignée, maudissant son sort.
Elle reconnaît toutefois les progrès de la femme en matière de droits : « Elle marchait toujours tête baissée, n’osait pas saluer les gens en les regardant droit dans les yeux. Aujourd’hui, elle s’exprime même en public, elle est élue députée, devient ministre, etc. grâce aux études.
Elle ne croit pas à l’égalité entre l’homme et la femme : « Cela concerne l’élite féminine». Même son de cloche chez la femme d’affaires : « L’égalité entre homme et femme ne m’intéresse pas vraiment, c’est une affaire des fonctionnaires. » Elle fait un clin d’œil : « Les femmes sont capables au même titre que les hommes. »
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Retrouvez les différents thèmes développés dans « Si ma mémoire est bonne«
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« Ninaba Nibuka » (« Si Ma Mémoire Est Bonne ») est une co-production de la Radio Isanganiro, Groupe de Presse Iwacu et la Télévision Renaissance, en partenariat avec La Benevolencija.
«Si Ma Mémoire Est Bonne», c’est un bouquet d’émissions et de publications qui donnent la parole aux citoyens Burundais sur des sujets liés à l’histoire récente du Burundi, que les journalistes des trois médias remettent à l’ordre du jour. Ce programme réveille chaque semaine nos mémoires sur des thèmes et des évènements de l’histoire récente du Burundi.
C’est en promouvant la connaissance et la compréhension du passé, que cette production médiatique vise à contribuer à mieux comprendre le présent et à améliorer la cohésion entre les citoyens burundais.
Le projet SMMEB a été réalisé avec l’aide financière de l’Union européenne.
Mbega yemwe Zebiya mumuhamira iki? Yezu yavuze ati muri mwebwe uwutagira igicumuro n,amubanze ibuye bose baciye biyonjorora kuva ku batama gushika kubakiri batoyi.None namwe ntaco muba mukura akatsi kari mu jisho rya mwene wanyu oya nyabuna nitubanze dukure urugiga ruri mu ryacu kuko natwe ntituri beranda.
Le jour ou le Burundi aura une femme comme President de la republique, amahoro y’iterambere bizoba bitashe iwacu. Et si l’opposition se rangeait derrierre une seule femme en 2015, elle rapporterait surement pas mal de voix feminines dd!!!
Major Marie-Ange Niyokindi est un garçon manqué! Est-ce à cause de l’effet de la profession elle est naturellement comme elle est? Elle nous rappelle notre championne nationale Niyonzima!!!!
Haha ko mutashizemwo na Zebiya???? Iyo Histoire yo ntawukiyemera!!!
Inspirant, merci IWACU.