Lundi 25 novembre 2024

Editorial

La loi sur la succession, un grand pas en arrière

11/11/2021 6

25 novembre, journée internationale de lutte contre la violence faite aux femmes. Autour de cette date, il y a au Burundi le lancement de 16 Jours d’activisme contre les violences faites aux femmes et filles. Une occasion pour les activistes d’interpeller la conscience de tous à s’impliquer davantage dans la lutte contre ce phénomène, de mener une campagne sur l’égalité entre les hommes et les femmes.

Au niveau des organisations qui militent pour ces droits, les prépara- tifs vont bon train. Une des grandes revendications reste la promul- gation de la loi sur les successions, les régimes matrimoniaux et les libéralités avec comme principe de base la non-discrimination et le principe de liberté successorale par l’Etat burundais. En effet, au Bu- rundi, la matière des successions est encore régie par la coutume. En vertu de celle-ci, les filles n’héritent pas du patrimoine foncier famil- ial. Une proposition de loi y relative a été soumise au gouvernement depuis plus d’une décennie. La patience se moque du temps, dit-on. Ces organisations ont longtemps attendu, elles espèrent encore sa promulgation.

Cependant, la déclaration du président de l’Assemblée nationale sur cette question, lors de ses déplacements à l’intérieur du pays, dans le cadre des vacances parlementaires, vient de jeter l’huile sur le feu et suscite un tollé auprès de toutes les personnes concernées par cette loi. En effet, pour l’Honorable Gélase Ndabirabe, « il n’est pas encore temps de penser à une loi sur le régime de succession au Burundi. » Les organisations de femmes dénoncent «des propos discriminatoires, un raisonnement d’une autre époque, un grand pas en arrière…» Certes, intégrer de manière concrète l’égalité de genre dans un sys- tème patriarcal et patrilinéaire qui régit la société burundaise est une décision délicate mais nécessaire. Le modèle traditionnel donne pri- mauté au garçon, appelé à être fort, à dominer. A la fille, il est demandé d’être douce et docile. Pour maintenir cette position, la femme est ex- clue du droit à l’héritage de la principale ressource qu’est la terre, sur- tout en milieu rural. Or, la société change, évolue. La Constitution de la République du Burundi pose et défend le principe de l’égalité entre tous les citoyens à ses articles 13 et 22. Par ailleurs, à travers leurs discours, les autorités encouragent « l’autonomisation des femmes. »

Cela paraît paradoxal dans une économie majoritairement agricole. L’impossibilité pour ces dernières d’accéder à la terre, en droit et en fait, entrave leur essor économique, accentue l’insécurité alimentaire à leur égard et les maintient dans une dépendance perpétuelle des hommes. Comme le défend bien un expert en Droit foncier, «Le droit de la femme à la terre est un droit de l’humanité, c’est la femme qui cul- tive l’essentiel de la nourriture du ménage. En principe elle devrait avoir un plus grand contrôle sur la terre nourricière.» Au lieu d’opposer un « non » catégorique, les autorités devraient prendre à bras-le-corps la question sur la succession en mettant sur pied une législation respectueuse des droits de la femme. Aussi, on semble ignorer que même les hommes n’ont eux-mêmes aucune loi de succession les concernant. Je pense, à mon humble avis, que si la loi était promulguée, les conflits diminueront dans le sens où chacun connaîtra ses droits et ceux d’autrui.

Forum des lecteurs d'Iwacu

6 réactions
  1. Maningo Jean claude

    Je ne doute pas que Gélase Ndabirabe a changé de langage le soir devant son épouse et ses enfants.

  2. Jereve

    Hon. Gélase Ndabirabe est père de famille. Je présume qu’il a des garçons et des filles. J’ai aussi des garçons et des filles. Comme nous ne sommes pas éternels, nous partirons un jour et laisserons à nos enfants les biens que nous avons gagnés, s’il y en a bien sûr. Je vous le dis franchement, le peu que j’ai je le laisserai à part égale à mes garçons et filles. Ils sont le sang de mon sang, et je ne peux en aucun cas penser qu’une partie de mon sang a plus de valeur pour les garçons et moins de valeur pour les filles. Égalité pour les deux, voilà qui assurera la tranquillité de mon esprit dans l’au-delà. Peut-être que Gélase Ndabirabe a parlé comme un politicien qu’il est, mais pas comme un père de famille qui ne discrimine pas ses enfants.

  3. ndirabika

    Un dicton arabe dit: bats ta femme le matin, le jour et la nuit. Si tu ne sais pas pourquoi, elle, elle le sait.

    • Jean-Baptiste Rubeya

      Je trouve ce commentaire très macho. La violence n’a pas de genre.Les femmes ont leur manière d’être violente.

  4. Janvier

    « 25 novembre, journée internationale de lutte contre la violence faite aux femmes ».

    Apparemment on lutte contre une discrimination par une autre.
    La violence faite aux femmes fait partie de la violence conjugale, « exercée par un conjoint sur un autre », de manière générale.
    Il y a aussi des violences non conjugales qui sont faites aux femmes, mais elles relèvent en général du droit commun. Ainsi lorsqu’on parle de lutter contre les violences faites aux femmes, on entend généralement les violences conjugales, familiales.

    « Elle s’exprime par des agressions verbales, psychologiques, physiques, sexuelles, des menaces, des pressions, des privations, un isolement social voire aller jusqu’à la mort » (Wikipédia).

    Aux États-Unis par exemple, 35,6 % des femmes, contre 28,5 % des hommes ont été victimes de viol, de violence physique ou de harcèlement par leur partenaire à un moment donné de leur vie.
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Violence_conjugale

    Si la violence s’exerce sur une femme, on compatit. Mais si elle s’exerce sur un homme, on se moque. On parle de double peine. On devrait même parler de triple peine. Car si la lutte contre la violence faite aux femmes trouve des financements variés, la lutte contre la violence faite aux hommes ne fait partie des préoccupations de personne. Ceci peut-être expliquant cela.

    « Un rapide calcul des victimes de violences conjugales montre que les hommes représentent donc 27 % des cas de violence conjugales et 17 % des cas mortels. La formule – tristement consacrée – : « Tous les trois jours, une femme décède sous les coups de son conjoint » peut toutefois son équivalent pour l’autre sexe : « Tous les 14,5 jours, un homme décède sous les coups de sa conjointe ».
    http://www.lemonde.fr
    La violence faite aux hommes est aussi une réalité, car les femmes violentes existent et sont plus nombreuses qu’on le pense.
    Ceci pour dire que le 25 novembre, il serait plus opportun de parler de lutte contre la violence conjugale. Donc parler aussi bien pour les 35.6% des femmes que pour les 28.5% des hommes. La violence n’a pas de sexe, la victime non plus.

  5. PCE

    Le Burundi est probablement l’un des pays les plus discriminatoires lorsqu’il s’agit du droit à l’héritage pour le patrimoine foncier pour les filles et je pense que ce sont les hommes qui sont responsables. Chers messieurs vous ne pouvez pas vous réclamer de la démocratie si vous considérez toujours qu’une fille n’est pas égale à un garcon lorsqu’il s’agit du patrimoine foncier. Vous ne pouvez pas continuer à invoquer la culture pour dominer les femmes qui par ailleurs représentent environ 52% de la population.

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