Pour les partis Uprona non reconnu et Sahwanya Frodebu, une Commission Vérité Réconciliation dépourvue de toute compétence judiciaire n’en est pas une. Néanmoins, des observateurs s’accordent à dire que la nouvelle loi n’empêche pas la justice de faire son travail.
Charles Nditije, président de l’Uprona non reconnu par le ministère de l’Intérieur, persiste et signe : « L’Uprona n’est pas preneuse dans la mise en place de la CVR. » Il avance que cette loi est vide de sens : « Où est le double mécanisme tant prôné par Arusha ? » Il met en garde : « Tout Mudasigana qui accompagnera ce processus, le fera en son propre nom. »
La CVR telle que conçue par le Cndd-Fdd, ajoute Léonce Ngendakumana, président du parti Sahwanya Frodebu, est en quelque sorte un tribunal de règlement de comptes envers tous les opposants.
De surcroît, MM. Nditije et Ngendakumana déplorent que la loi sur la CVR soit imposée unilatéralement par le seul parti au pouvoir : « C’est une affaire qui concerne tous les gestionnaires de ce pays. » D’après eux, la loi sur la CVR consacre l’impunité et l’autoamnistie pour avoir complètement occulté un des piliers clés des mécanismes de la justice transitionnelle : la justice. Coûte que coûte, insistent-ils, cet aspect doit apparaître.
Pour Aloys Batungwanayo, président de l’AMPCI-b Girubuntu, « même si la volonté de traiter le passé émane de la volonté politique, on n’a pas besoin de demander l’avis des leaders politiques pour connaître la vérité. » Il trouve absurde que les partis Uprona (camp Nditije) et Frodebu rejettent la nouvelle loi sur la CVR : « La loi qu’ils ont votée en 2004 à l’unanimité, quand ils étaient aux affaires, était moins bonne. Elle n’a aucune référence à la justice. »
« Une avancée dans la recherche de la vérité »
François Bizimana, porte-parole du parti CNDD, estime que la nouvelle loi constitue une avancée dans la recherche de la vérité. Il reconnaît qu’à l’état actuel de la loi, la CVR n’a pas les compétences de qualifier les crimes. Cependant, il précise que quand ses membres doutent, la loi stipule qu’il faut procéder aux enquêtes.
M. Bizimana renvoie MM. Nditije et Ngendakumana à l’article 72 de la loi qui stipule que les commissaires ont la latitude d’envoyer le rapport d’enquête au gouvernement, aux deux chambres du Parlement réunies, pour toutes fins utiles.
Même son de cloche chez Aloys Batungwanayo. « De plus, à l’article 6, il est indiqué noir sur blanc que les commissaires travaillent sur base du Droit International Humanitaire. » Selon lui, ce droit reconnaît les crimes de guerre, de génocide et les crimes contre l’humanité. Ainsi, une fois le rapport envoyé aux Nations unies, celles-ci se saisissent d’elles-mêmes pour mettre en place les mécanismes de la justice transitionnelle.
Quant à la composition et la compétence de l’équipe de la CVR, Léonce Ngendakumana se dit dubitatif: « Qui des commissaires investis par le Cndd-Fdd aura le courage d’envoyer un rapport qui incrimine les gros poissons du parti au pouvoir ? »
Et M. Batungwanayo de tranquilliser : « Des crimes qui tombent sous le coup d’une loi internationale sont reconnus comme tels dans les pays qui jouissent de la compétence universelle. » Il s’agit de la France, la Belgique, l’Espagne, la Suisse, le Canada, etc.
Au Rwanda, rappelle-t-il, l’Espagne a lancé un mandat d’arrêt international contre 40 personnalités du régime Kagame sans passer par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda.
La langue de bois chez Bizimana François: je suis surpris et déçu, car d’ habitude il parle avec honnêteté, intelligence et neutralité. Ses positions ainsi que celles de Batungwanayo sont remplies de naïveté.
Aloys Batungwanayo, à l’entendre s’exprimer, veut faire l’apologie des hutistes revancards.