Deux projets de lois relatifs au fonctionnement de la Commission nationale des terres et autres biens (Cntb) et sa cour spéciale ont été adoptés, le 13 février dernier, par l’Assemblée nationale. Certains députés ne les ont pas votés.
Selon André Ndayizamba, député du parti Uprona, les deux lois sur la Cntb et sa cour spéciale viennent formaliser les expropriations. Les décisions de la Cntb n’impliquaient pas l’annulation jusqu’à présent des titres de propriétés enregistrés sous le nom de l’occupant secondaire.
Jusqu’à ce jour, la direction des titres fonciers ne les délivre que pour les jugements rendus par les cours et tribunaux. Ainsi, les titres de propriétés ou certificats fonciers acquis légalement par les occupants secondaires se trouvent dans le viseur de cette loi. Ce qui transparaît dans l’article 6 de la nouvelle législation. Cette disposition stipule que les certificats fonciers ou titres de propriétés en litige font l’objet de saisie conservatoire à la commission. «Certaines personnes ont reçu leurs propriétés de la part de l’Etat burundais, donc légalement. C’est dommage qu’elles puissent être malmenées alors qu’il y a continuité de l’Etat », déplore M.Ndayizamba.
Ce député élu dans la circonscription de Bururi en déduit le non-respect des recommandations de l’Accord d’Arusha. Il s’insurge également contre ceux qui lui reprochent de soutenir les résidents au détriment des sinistrés. « C’est faux. Nous voulons que chacune des deux parties y trouve son compte».
Pour M. Ndayizamba, une telle commission devrait revêtir un caractère conciliateur. Elle devrait privilégier, avant toute chose, un règlement à l’amiable. Or, pour lui, avec ce pouvoir de se saisir des terres et des biens, ce n’est plus le cas.
Plus de prérogatives à la CNTB ?
En outre, le député Ndayizamba met en doute l’impartialité de la Cntb et de sa cour spéciale. «Les copies des décisions et procès-verbaux, rendus par ces deux institutions sont transmis au président de la République ». Pour la Commission, c’est faisable. Mais pour la cour, c’est une violation flagrante du principe de séparation des pouvoirs.
Autre innovation, la nouvelle loi accorde plus de prérogatives à la Cntb. Les décisions rendues par les juridictions de droit ordinaire, mais relevant de la compétence de la commission, seront frappées de nullité. Cet ancien ambassadeur en poste à Kigali avait proposé que le contraire figure aussi dans la loi, en vain. «Il y a des cas que la commission traite alors qu’elle n’en a pas la compétence. Quel en sera désormais leur sort ?», s’interroge-t-il. Et de conclure sans ambages que les deux lois piétinent tous les principes classiques juridiques.
Fabien Banciryanino est du même avis. Les deux députés sont les seuls à s’y être ouvertement opposés. Pour lui, elles sont anticonstitutionnelles. Par conséquent, il a déposé une requête en inconstitutionnalité à la justice, le lendemain du vote de la loi. «La Cntb ne peut aucunement rendre des jugements car la loi fondamentale est claire la dessus », martèle l’élu de Bubanza. S’appuyant sur la Constitution burundaise, dans son article 210, il rappelle que la justice est rendue par les cours et tribunaux sur tout le territoire de la République au nom du peuple burundais.
Pour l’heure, les deux projets de loi sont en attente d’être promulguées par le président de la République.