22 octobre 2019, un mardi noir, sombre. Un jour où la vie a été bouleversée pour Agnès, Christine, Térence et Egide. Un jour qui pourrait donner raison à Michel Delpech dans sa chanson : « Il y a des jours où l’on ferait mieux de rester au lit ». Soucieux d’œuvrer pour le bien du public et de se mettre à son service, ils se sont rendus à Musigati à la quête de l’information. « Douter, toujours douter », c’est le credo d’Iwacu. Surtout en ce moment où les réseaux sociaux désorientent, dénaturent les faits.
Ce jour-là, justement, il y avait une propagation rapide des messages faisant état « d’éventuels affrontements entre un groupe armé et les forces de l’ordre. » Iwacu, fidèle à son engagement de toujours vérifier les informations est allé sur terrain. Les journalistes ne sont pas partis en clandestins. Ils ont annoncé leur descente aux autorités locales. Le reportage ne présentait pas un grand risque de sécurité, d’autant plus que le gouverneur de Bubanza à l’époque a même sorti un message appelant la population à vaquer à ses activités car « la situation est maîtrisée. »
Nos collègues n’ont même pas eu le temps de travailler. Arrivés à Musigati, ils ont été arrêtés, humiliés, avant de commencer leur reportage. Ils ont été conduits aux cachots, puis à la prison de Bubanza, voilà une année. Quel crime de lèse-majesté ont-ils vraiment commis ? Surtout que les charges ne sont pas les mêmes. De « Complicité d’atteinte à la sûreté de l’État », on est passé à « tentative impossible de complicité d’atteinte à la sûreté intérieure de l’État. »
Le 30 janvier 2020, le TGI de Bubanza condamne, dans une audience publique et en l’absence des concernés, les quatre journalistes à 2 ans et 6 mois de servitude pénale et d’une amende d’un million BIF chacun.
Selon un de leurs avocats, les juges du TGI de Bubanza se sont arrogés le droit de requalifier l’infraction sans rouvrir le débat. « Il y a eu violation du droit au procès équitable ».
Des voix des organisations de défense des journalistes et des droits de l’Homme, locales comme internationales, se sont levées, en vain, pour demander leur libération. “Si la justice se base sur les faits et dit le droit, la libération et l’acquittement de ces quatre journalistes est la seule issue possible de ce procès en appel », estimait entre autres un défenseur des droits de l’Homme.
La raison d’être du journaliste est la quête de l’information vérifiée. Il expose des faits susceptibles d’aider le public à accéder à la vérité. C’est ainsi, notamment, qu’il aide à construire ou à renforcer la démocratie.
Comme le soulignait l’organisation Reporters Sans Frontières, au Burundi et même en Afrique, c’est pour la première fois qu’autant de journalistes, quatre, appartenant à un même média, passent une année derrière les barreaux.
« La liberté est la règle, la détention l’exception », dit-on. Après leur condamnation en appel, les quatre journalistes ont décidé de ne pas saisir la Cour Suprême. Tous ceux qui ont réagi à l’occasion de ce triste premier anniversaire de leur détention ont plaidé pour une grâce présidentielle. Je joins ma voix à la leur et je garde espoir que nos voix seront entendues.