Mardi 05 novembre 2024

Politique

La liberté de manifester et de se réunir aussi en danger ?

25/06/2013 Commentaires fermés sur La liberté de manifester et de se réunir aussi en danger ?

Le projet de loi portant règlementation des manifestations et réunions publiques est sous analyse devant l’Assemblée nationale. Certains défenseurs des droits de l’homme et leaders politiques estiment que s’il est adopté en l’état, ce sera un coup porté à la démocratie.

Pacifique Nininahazwe : « Il n’y a pas longtemps, Pierre Nkurunziza apparaissait comme le combattant de la liberté quand il a gagné le maquis » ©Iwacu
Pacifique Nininahazwe : « Il n’y a pas longtemps, Pierre Nkurunziza apparaissait comme le combattant de la liberté quand il a gagné le maquis » ©Iwacu

Trop de pouvoir à l’administrateur communal qui désormais autorisera et refusera la tenue des réunions et l’organisation des manifestations (article 6), des sanctions lourdes infligées aux organisateurs en cas de trouble de l’ordre public, volonté délibérée de museler des manifestants à partir d’une notion confuse comme « ordre public » et absence de concertation et de dialogue avec les concernés. Tels sont les reproches que quelques organisations de la société civile et leaders politiques formulent à l’endroit du gouvernement, initiateur du projet de loi portant réglementation des manifestations et réunions publiques.

Pour Pacifique Nininahazwe, président du Focode, c’est un recul grave par rapport au décret-loi de 1991 qui précise les cas dans lesquels un administrateur communal peut refuser un tel événement: « Des manifestations et réunions qui risquent de provoquer la violence et la haine ethnique. » Cependant, il estime qu’avec la notion d’ordre public, on est dans le flou total.
En outre, M. Nininahazwe fustige le fait que l’administrateur communal doit se présenter ou se faire représenter (article 9) à chaque fois qu’un parti, une association, etc. rassemble ses membres : « L’administrateur étant lui-même un adversaire politique, c’est un moyen officiel, n’est-ce pas là une façon déguisée de voler les stratégies des autres ? »

Des organisateurs visés ?

A l’article 10 du même projet de loi, il est mentionné que chaque réunion ou manifestation publique doit être organisée et encadrée jusqu’à sa fin sous la responsabilité d’un bureau composé de trois personnes au moins avec un président. Il stipule, en outre, que ces derniers peuvent être poursuivis au civil et au pénal pour les dommages causés et infractions commises au cours des activités. Pacifique Nininahazwe ne doute pas que c’est un piège tendu par le pouvoir qui est capable d’envoyer ses propres casseurs pour que les responsabilités tombent sur les organisateurs : « D’après le décret-loi de 1991, c’est l’administration qui donne des éléments de police pour assurer la sécurité des manifestants. Depuis quand la protection des citoyens revient aux civils ? »

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Léonce Ngendakumana : « L’affaire est réglée » ©Iwacu
Léonce Ngendakumana : « L’affaire est réglée » ©Iwacu

t aux sanctions, les articles 19, 20 et 21 sont clairs : une amende allant de 100 à 500 mille Fbu est prévue à l’encontre de ceux qui auront continué de participer à une manifestation ou réunion jugée illicite et interdite par l’autorité administrative. Pour M. Nininahazwe, ces amendes exorbitantes relèvent d’un manque de dialogue entre le gouvernement et ceux qui sont concernés par ce projet de loi. Le président du Focode en appelle aux députés et sénateurs d’amender cette loi dans le strict respect des piliers de la démocratie qui consacrent la liberté de manifestation. Il invite également le peuple burundais à la résistance contre la restriction des libertés chèrement acquises. Il exhorte le numéro un burundais à ne pas prendre la responsabilité de faire reculer la démocratie : « Il n’y a pas longtemps, il apparaissait comme le combattant de la liberté quand il décida d’aller au maquis. »

Désespoir

Léonce Ngendakumana, président de l’ADC-Ikibiri, ne doute pas que malgré les griefs de la société civile et des acteurs politiques au sujet de ce projet de loi, il sera voté, et ce pour trois raisons. D’abord, « parce que le parlement n’est ni plus ni moins qu’une caisse de résonnance du gouvernement. » Ensuite, « parce que le parti au pouvoir a contraint au silence les partis Uprona et Frodebu Nyakuri, ses partenaires au gouvernement. » Enfin, « pour casser tous ceux qui n’adhèrent pas aux programmes obscurs du Cndd-Fdd. »

Aimé Nkurunziza : « Ils seront surpris » ©Iwacu
Aimé Nkurunziza : « Ils seront surpris » ©Iwacu

Selon, M. Ngendakumana, le pouvoir du Cndd-Fdd s’affaiblit au lieu de se renforcer. Pour lui, les libertés d’opinion, d’expression et de manifestation sont les trois piliers d’une démocratie digne de son nom. En outre, il estime que la promulgation de la loi sur la presse par le président de la République est une manifestation de la volonté de restreindre la liberté d’expression. « Nous sommes face à un pouvoir aux allures d’Etat-policier », résume-t-il.

« Ils seront surpris »

N’étant pas autorisé à s’exprimer tant que le projet est sous analyse, Aimé Nkurunziza, président de la Commission en charge des questions politiques, rassure que les discussions se déroulent dans un climat bon enfant.
Par ailleurs, à l’occasion de la conférence de presse trimestrielle des porte-parole de la présidence et des ministères, Philippe Nzobonariba (porte-parole et secrétaire général du gouvernement) s’était voulu rassurant tout en décochant une flèche envers la société civile : « Comme d’habitude, ils s’expriment sur les ondes radiophoniques mais ne présentent pas leurs griefs devant le Parlement ! » Le constat est donc clair : pas de dialogue avant le cheminement du projet de loi.

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