Ce matin en allant à Bubanza, Abbas Mbazumutima , journaliste chevronné, près de 20 ans au compteur, était très optimiste. Dès l’annonce de l’incarcération de nos collègues, Abbas s’est proposé de se rendre tous les jours à Bubanza.
Personne n’a osé lui refuser ce « privilège ». La prison, Abbas il connaît. Il y’a quelques années, journaliste à la radio Bonesha, il y a goûté pour avoir donné la parole à la rébellion armée. Pour le pouvoir de l’époque, parler avec les « tribalo terroristes génocidaires » ou pour reprendre la terminologie de l’époque,« inyankaburundi », ( les ennemis de la Nation) était de « l’intelligence avec l’ennemi ». Un crime.
Cette expérience l’a marqué. Abbas est devenu depuis lors sensible à l’emprisonnement des journalistes. Il se rend presque religieusement tous les jours à Bubanza pour couvrir l’incarcération de nos collègues.
Ce matin, en partant à Bubanza, mon ami était optimiste. Il se voyait peut -être retourner à Bujumbura avec nos quatre collègues et leur chauffeur. Il y ‘a eu alors cette douche froide, vers 13 heures. Cette décision de maintenir l’équipe d’Iwacu en détention…
Ce soir, Abbas m’a appelé pour me dire qu’il est rentré avec une lettre d’Agnès. Pour la première fois, j’ai senti Abbas notre roc fendillé. Abbas le « dur », je l’ai entendu, la voix cassée. « Comment vais-je donner cette lettre au fils d’Agnès, Dylan ? Qu’est-ce que je vais lui dire ? » Je ne savais pas quoi répondre.
Ce soir Abbas, lui-même père de famille, va remettre une enveloppe bleue à un garçon de 9 ans qui n’a plus vu sa maman depuis 10 jours. Et puis, qu’est-ce qu’une maman en prison peut écrire à un gamin d’un tel âge ? Personne ne sait. Peut-être qu’ Agnès, de sa petite belle écriture a dessiné un cœur à son fils, quelques mots…
Ce soir, Abbas qui a traversé tant de zones de guerre a du mal à transmettre une simple enveloppe bleue, venue de la prison de Bubanza.
Et si Dylan lui demandait : « Où est maman ? »
C’est vrai, personne n’aimerait être à la place d’Abbas, ce soir…