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La grande montagne a accouché d’une souris

05/09/2011 Commentaires fermés sur La grande montagne a accouché d’une souris

Malgré une forte mobilisation de moyens, les assises des états généraux de la société civile à Gitega, tenues les 24 et 25 août, se sont achevées dans la confusion.

Il y avait même un maestro ! Un fonctionnaire du ministère de l’Intérieur, ancien maître des chants dans une chorale à Bujumbura. C’est lui qui, avant une prière œcuménique, entonne le Burundi Bwacu et bat la mesure pour que toute l’assistance chante en chœur : « Je trouve cela original. Je préfère qu’on chante l’hymne national plutôt que de mettre une cassette », commente un participant.

D’entrée de jeu, le ministre de l’Intérieur fait savoir que les doléances et les observations doivent suivre les mécanismes appropriés et reconnus par la loi : « Les états généraux se doivent de mettre fin à toutes les formes de marginalisation, de mensonge, de spéculations et s’ouvrir à de nouveaux horizons, car je suis convaincu que nous avons un avenir collectif », a-t-il rappelé.

Comme un jeu de ping-pong

Depuis l’ouverture de ces assises, les débats et discours prévus ont donné l’occasion aux deux parties de s’accuser mutuellement. Le ministre de l’Intérieur a fustigé le comportement de certains présidents d’associations et syndicats qui, d’après lui, veulent se substituer à la justice : « La société civile doit garder à l’esprit que la vérité n’est pas seulement chez elle », a tonné Edouard Nduwimana.

Alors que la société civile (associations sans but lucratif, syndicats, confessions religieuses, médias et fondations) proclame la légitimité de ses dénonciations des violations des droits de l’homme et du non-respect de la chose publique, le gouvernement dit haut et fort, quant à lui, que ces organisations ignorent la place que la Constitution du Burundi leur réserve : « Certains représentants s’arrogent le pouvoir de représenter le peuple alors que ce dernier a élu par suffrage universel ses mandataires », a ajouté le ministre.

Pour Pacifique Nininahazwe, Délégué général du Forum de la Société Civile (FORSC), cela sent la censure : « Ce que le gouvernement veut, c’est nous taire devant la corruption et les violations des droits de la personne humaine.» Il fait savoir, en outre, que les organisations travaillant sur des questions sensibles de bonne gouvernance (Droits de l’homme, corruption,…) sont perçues comme une sorte d’opposition politique. Sa mission de contre-pouvoir est souvent mal interprétée par les autorités publiques et crée souvent des tensions inutiles. Selon M. Nininahazwe, il se développe par conséquent un discours officiel qui accuse certaines organisations de soutien à la criminalité et de défaut de patriotisme.

« Dans la démocratie, la société civile est utile ! »

Pour ce Délégué général, la population a peur de s’exprimer compte tenu des expériences passées et récentes où des gens ont été privés de liberté pour avoir exprimé leur opinion sur la gestion de la chose publique. Aussi s’insurge-t-il contre les détenteurs du pouvoir qui veulent faire de l’appréciation de leur gestion l’apanage des seuls politiques, confinant ainsi les citoyens au rôle d’observateurs passifs de la gestion des affaires «  à qui on ne demande l’avis que pendant les consultations électorales. »

Entre les discours accusateurs de ces deux précédents orateurs, le 2ème Vice président de la République s’est montré plutôt très réconciliateur. L’idée de promouvoir le dialogue avec toutes les composantes de la société a dominé l’allocution de Gervais Rufyikiri.

A la sortie de ces assises, la population de la province de Gitega interrogée sur le rôle de la société civile, ne mâche pas ses mots : « Il faut que nos dirigeants acceptent la critique. Nous aurions aimé que nos élus fassent ce travail ; mais comme ils sont absents, il fallait que quelqu’un alors le fasse », s’est exprimé Pascal Nduwumuremyi, un habitant de Gitega. Il n’oublie pas en effet que son parent a été épargné de la prison grâce à l’intervention des défenseurs des droits de l’homme.
Pour sa part, un cadre qui a requis l’anonymat, demande que la société civile ne fasse pas une discrimination entre les cadres de l’administration : « J’ai déjà remarqué que la société civile accorde plus de confiance à celui qui est dans l’opposition qu’à celui qui est membre du parti au pouvoir. C’est pourquoi on l’accuse souvent d’être dans l’obédience de l’opposition politique. »

Un remous

Pour terminer en beauté ces états-généraux, il était prévu la mise en place d’un Cadre de concertation Permanent entre l’Etat et la Société civile. C’est ici que l’intérêt commun des 200 participants a été mis au placard pour donner libre champ aux spéculations de tous genres.

Le comité d’organisation à d’abord créé un statut tous azimuts d’observateurs pour certaines organisations qu’il a placé à l’écart dans la salle : « Je pense qu’être observateur confère certains avantages, notamment pécuniaires », murmure un participant, désillusionné quelques heures plus tard par l’absence des noms de ces « observateurs » sur la liste de ceux à qui on devait rembourser les frais de déplacement.

Ensuite, ce refus d’une partie de la Société civile de créer cet organe interlocuteur de l’Etat : « La société civile est plus efficace lorsqu’elle est plurielle. Compte tenu de leurs divers secteurs d’interventions (lutte contre le Sida, la pauvreté, pour les droits humains, …), les organisations de la société civile ne sauraient se faire représenter par une seule structure », argumentait Pacifique Nininahazwe, jurant par tous les dieux que nulle part au monde une société civile n’est unique de part sa composition : « Que ceux qui veulent être représentés via ce cadre, ne comptent pas sur le Forsc », avait-il averti.

Et puis, cette tumultueuse fin des travaux : « Je ne sais pas pourquoi les gens sont si inquiets et agités », se demande un responsable d’une organisation, en voyant des groupes se former à l’extérieur de la salle, pendant que le rapporteur dresse une sorte de bilan des assises. Il aura fallu attendre que le ministre les déclare closes pour se rendre compte que des manœuvres politiciennes allaient torpiller la mise en place du Cadre de concertation. Certains voulant quelqu’un du Forsc à sa tête, d’autres un leader issu d’une autre coalition.

Organisés sous le thème : « la société civile burundaise pour une participation citoyenne responsable », ces assises n’auront permis aux participants d’être des citoyens responsables qu’à travers la déclaration de Gitega, évoquant quelques engagements des organisations de la société civile. Une déclaration approuvée par quelques signatures pressées de faire la queue pour les per diem devant le guichet de la BCB, déplacé pour la circonstance dans les enceintes du Grand séminaire Jean Paul II.

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