Jeudi 21 novembre 2024

Économie

La gestion numérique du carburant : entre innovation et obstacles pour les automobilistes

La gestion numérique du carburant : entre innovation et obstacles pour les automobilistes
File d’attente de véhicules devant une station d’essence

La distribution de carburant est désormais gérée selon le dernier chiffre des plaques d’immatriculation. Cette nouvelle mesure, bien qu’initiée pour fluidifier l’approvisionnement, engendre divers inconvénients pour les automobilistes.

La Société Pétrolière du Burundi (SOPEBU) a récemment introduit un nouveau système de gestion des quotas de carburant, avec l’objectif de mieux réguler la distribution et de réduire les files d’attente devant les stations-service.

Dans un communiqué sorti ce mardi 12 novembre, la SOPEBU précise encore que ce système repose sur l’utilisation obligatoire de l’application Igitoro PASS V.1.0. Avec les quotas carburant par semaine, cette application permet aux automobilistes de s’inscrire pour acheter du carburant en fonction d’un quota hebdomadaire et de l’organisation par numéro de plaque d’immatriculation.

Selon la SOPEBU, les quotas de carburant sont désormais limités à deux approvisionnements par semaine, en fonction du dernier chiffre de la plaque d’immatriculation des véhicules.

Ainsi, les véhicules dont les plaques se terminent par les chiffres 0, 1, ou 2 peuvent se ravitailler les lundis, mardis et vendredis. Ceux avec les derniers chiffres sont le 3, 4, ou 5 doivent se ravitailler les mercredis et samedis, tandis que ceux se terminant par 6, 7, 8, ou 9 peuvent se ravitailler les jeudis et dimanches. Les pompistes sont tenus de vérifier les quotas attribués avant de servir les clients.

Malgré cette initiative, les automobilistes rencontrent de nombreuses difficultés sur le terrain. Plusieurs ont partagé leurs frustrations face aux limitations imposées par le nouveau système.

Dans les stations-service de Bujumbura, le mécontentement est palpable parmi les conducteurs.

Beaucoup estiment que les quotas hebdomadaires sont insuffisants pour leurs besoins quotidiens, en particulier ceux qui effectuent des trajets fréquents.

Mercredi soir, de longues files de véhicules a été observées devant la station Dorsale Large et à Nyakabiga, où de nombreux automobilistes attendaient pour se ravitailler en carburant à la station Oilex de Nyakabiga. Cette file remontait la 8ème avenue pour descendre à la 9ème avenue, où les automobilistes faisaient la queue pour accéder à la station.

Ce jeudi 14 novembre, cette file d’attente était toujours là. Un chauffeur de véhicule de distribution, qui doit approvisionner plusieurs points de vente chaque jour, témoigne : « J’ai droit à 40 litres, mais souvent, je ne suis pas sûr que cette quantité suffise pour tous les points de vente, alors que j’ai le droit de revenir le samedi ».

Le malheur des uns fait parfois le bonheur des autres : un autre chauffeur, qui effectue moins de trajets, se plaint : « Moi, on me donne 50 litres, mais comme je n’en consomme que 10, je vais devoir vider mon réservoir et dépanner des amis, pour être servi la prochaine fois. Malheur aux autres automobilistes qui font plus de trajets ! »

Le nouveau système, bien que conçu pour assurer une distribution équitable, a également révélé certaines failles exploitées par les automobilistes. Dans les files d’attente, il n’est pas rare de voir des conducteurs avec des voitures dont les chiffres ne sont pas autorisés à être servis réserver des places pour leurs amis, ce qui leur permet de laisser la place à leurs amis et de se faufiler dans la file d’attente dès que le service commence.

Cette pratique agace ceux qui attendent leur tour, comme l’explique un automobiliste en colère : « C’est insupportable de voir un véhicule sortir de nulle part et nous passer devant après des heures d’attente. » Des comportements qui témoignent des difficultés à garantir l’équité dans la distribution du carburant.

Ces tricheries sont toujours observées alors que, le ministre Ibrahim Uwizeye de l’Hydraulique, de l’Energie et des Mines, avait promis, lors de son intervention au Sénat le 17 octobre, que la digitalisation permettrait de contrôler la distribution de carburant et de lutter contre les fraudes.

Igitoro Pass toujours pour défier les chauffeurs.

En plus des difficultés sur le terrain, plusieurs automobilistes rapportent des dysfonctionnements avec l’application Igitoro Pass. Cette dernière, pourtant cruciale pour accéder au carburant, n’est pas toujours fiable. « Hier, c’était mon tour, mais l’application a refusé de s’ouvrir. On m’a demandé de céder ma place, et je suis rentré sans carburant », déplore un chauffeur. Ce type de problème laisse de nombreux automobilistes dans l’embarras, les obligeant parfois à attendre plusieurs jours pour pouvoir se ravitailler à nouveau.

Ces difficultés techniques ont conduit des conducteurs à se rendre directement au siège de la SOPEBU pour obtenir de l’aide. La longue file d’attente devant les bureaux de l’entreprise montre que le passage à une gestion numérique de la distribution de carburant nécessite encore des ajustements pour mieux répondre aux réalités du terrain.

Malgré les inconvénients, certains automobilistes reconnaissent que ce nouveau système a contribué à réduire la longueur des files dans certaines stations-service.

Cependant, beaucoup espèrent que l’État mettra en place une solution durable pour garantir un approvisionnement continu en carburant et pour adapter les quotas aux besoins quotidiens. « Le système est une bonne idée, mais il faut ajuster les quotas pour qu’on ait assez de carburant pour notre travail », fait remarquer automobiliste approché.

Nous avons contacté le directeur de la SOPEBU pour obtenir des éclaircissements sur les motivations de la décision de distribuer le carburant en fonction des derniers chiffres des plaques d’immatriculation, mais nos questions sont restées sans réponse.

Forum des lecteurs d'Iwacu

3 réactions
  1. jereve

    Pour moi, ce n’est pas un problème de gestion du carburant. Et donc le système de gestion, qu’il soit manuel, libre ou numérique ne change absolument rien du tout, aussi longtemps que la quantité dont tout le pays a besoin fait défaut. Numériser la gestion d’un produit qui n’existe pas ou existe en maigre quantité c’est tout « kazi moja bule » (travail inutile), autant mettre un plâtre médicale sur une jambe de bois.
    La seule chose la plus triste à accepter c’est que nous nous installons fermement dans une économie de rationnement, comparable à celle des pays en guerre. Or justement on n’est pas en guerre puisque la paix est une réalité au Burundi. Il faut donc chercher les raisons ailleurs. Mais où? Peut-être dans l’immobilisme mental et dans d’autres faiblesses de ce genre. Je m’arrête ici car je ne voudrais pas réveiller le lion qui dort.

    • Kibinakanwa

      Vous avez tristement raison sur toute la ligne

  2. Mbariza

    Merci pour toutes ces informations. Cependant Bujumbura seulement n’est pas tout le Burundi. Comment la distribution se passe-t-elle à Muziye, à Bukeye, à Makamba,…?
    Bon courage

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