Défections de presque tous les partis politiques fondateurs et les hautes personnalités du Cnared, d’un côté. Désignation d’autres membres et mise en place de nouveaux organes, de l’autre. Un point commun tout de même : des accusations tous azimuts. Ce qu’on qualifiait naguère de plateforme de l’opposition radicale désoriente, déboussole l’opinion. Le premier groupe qualifie la nouvelle direction de bande d’opportunistes, de renégats, de traîtres. Leur péché : transformer le Cnared en une coalition dans la perspective des élections de 2020. Ils tournent le dos aux objectifs de création de cette plateforme et veulent rentrer « sans un environnement propice aux élections justes, libres, paisibles, équitables, inclusives et démocratiques. » Pour eux, c’est une reddition ni moins ni plus.
Ces derniers, quant à eux, traitent leurs détracteurs de radicaux, d’irréductibles, de jusqu’au-boutistes. Ils les reprochent de ne pas s’adapter aux temps et aux changements, d’avoir une vision obsolète.
Au-delà de ces chicaneries, de ces crocs-en-jambe qui vilipendent, quel est l’avenir politique des uns et des autres ? Et par ricochet, qu’est-ce que les Burundais peuvent attendre d’eux, encore ? Un projet de société, un programme politique ? « On ne dit pas où aller, mais comment y arriver », dit-on.
Si réellement les dirigeants actuels du Cnared sont dans la logique de regagner le bercail, pour participer aux élections, leurs chances de s’imposer sur la scène politique burundaise sont très minimes, pour ne pas dire nulles. Si on part du principe que les élections vont être « justes et équitables », ce qui n’est pas gagné dénonce l’opposition, à une année des élections, tous les instruments juridiques et politiques sont en place : la Constitution issue du référendum, la Commission électorale nationale indépendante, bientôt le code électoral. D’autre part, son potentiel électorat appartient aux partis qui ont claqué la porte. Par ailleurs, ceux qui avaient cru et misé sur cette organisation sont déçus, désintéressés. Difficile donc de se présenter en indépendants. La seule solution serait d’adhérer et intégrer les formations politiques existantes. Ou faire autre chose.
Ceux qui défendent toujours le respect de l’Accord d’Arusha, la constitution qui en est issue et l’Etat de droit, ont aussi du pain sur la planche. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il leur sera difficile de convaincre encore les Burundais d’adhérer massivement à une plateforme, à une coalition. L’ADC Ikibiri, le Cnared sont de mauvais précédents.
En somme, le Cnared vit ce qu’un politologue appelle « décomposition et recomposition ». La tournure que prennent les événements au Burundi vide la plateforme de ses membres. Il lui faudrait passer à autre chose, créer une nouvelle vision, une nouvelle plateforme commune entre acteurs politiques de l’opposition. Ce n’est pas gagné. Peut-être que les déboires du CNARED vont profiter à l’autre opposition, celle de Rwasa…