Après l’instruction d’interdiction d’abattages des bovins, caprins et ovins par les services concernés, les travailleurs journaliers à l’abattoir de Bujumbura broient du noir. Point de viande rouge dans les bars et boucheries, le risque de fermeture est très élevé.
A la Société de Gestion de l’Abattoir de Bujumbura (SOGEAB), mardi 28 juin vers 11h, le grand portail à l’entrée est fermé. Les activités sont à l’arrêt, une note de la direction générale affichée, datant 25 juin, est claire : « Suite à une instruction de la part de la direction en charge de la santé animale les activités d’abattage des bovins, caprins et ovins sont suspendues jusqu’à nouvel ordre.» A l’intérieur, aucun animal. Plusieurs travailleurs journaliers qui appuient dans les services d’abattage échangent en groupes sans rien faire. « Nous sommes sérieusement touchés, car nous avons cessé nos activités, et ce depuis deux jours », déclare Hubert Mbabazi, directeur général de SOGEAB. Il reconnaît des pertes énormes enregistrées par sa société vu que 50 à 60 bovins, 120 à 140 ovins et caprins étaient abattus chaque jour avant l’apparition de la fièvre de la vallée du Rift. Et de préciser qu’il y a un tarif qui est instauré pour chaque espèce animale. M.Mbabazi craint que les abattages clandestins, qui existaient déjà avant la mesure, ne se multiplient. « Je pense que cela devrait être une préoccupation des services vétérinaires».
Les travailleurs journaliers à l’abattoir craignent pour leur survie. « Nous ne faisons rien, pour le moment, alors que nous avons des familles à nourrir et des loyers à payer », témoigne Olivier Niyonkuru, un boucher rencontré sur les lieux. Ce père de quatre enfants confie que quand l’abattoir fonctionne, il peut gagner au moins 5000 BIF par jour. Lui et ses collègues demandent au gouvernement de trouver un vaccin dans les plus brefs délais, car l’abattage des animaux à l’abattoir de Bujumbura fait vivre beaucoup de familles. « Ici, il y a beaucoup de travailleurs, ceux qui font l’abattage, ceux qui mesurent le poids de la viande, ceux qui chargent la viande dans les voitures, les transporteurs, etc.» Ces sources disent percevoir un salaire compris entre 5 000 et 8 000 BIF par jour.
De mal en pis
« Avant la fermeture de l’abattoir, je pouvais me débrouiller pour avoir au moins une chèvre à faire abattre », réagit D.N., propriétaire d’un bar-restaurant à Mutanga Nord en mairie de Bujumbura. Jusqu’à l’après-midi du 28 juin, il n’avait pas de viande de chèvre ou de bœuf qui sont les plus prisés par ses clients. « L’abattoir étant fermé, nous ne pouvons rien faire. Nous risquons de fermer, car sans brochettes de viande, les clients ne viennent plus», s’indigne-t-il. Pour l’heure, il se rabat sur la viande de lapin et le poulet. Mais, déplore-t-il, ces derniers deviennent de plus en plus chers. « Un lapin, qui s’achetait à 6 000 ou 7 000 BIF, s’achète aujourd’hui entre 25 000 et 28 000 BIF». Pour le poulet, D.N. fait savoir que le prix est passé de 18 000 BIF à 38 000-40 000 BIF. Il a ainsi revu à la hausse le prix d’1/4 de poulet cuit de 8 000 à 10 000 BIF. « Il n’y a pas de bénéfice. Je me bats pour garder mes clients », témoigne notre source. Cette dernière a sollicité la bienveillance des bouchers de sa connaissance pour lui donner des saucisses et boulettes de viande de porc pour entretenir son commerce en ces temps difficiles. Si le gouvernement ne trouve pas un vaccin, il estime qu’il finira par fermer son business.
Au Bar « Ku mpene » en zone Rohero sur l’avenue Muyinga, aucun morceau de chèvre ou de bœuf, mardi 28 juin. Les cuisiniers oisifs se lancent des blagues, vers 17 h 30. «Viens demain, et tu verras. Une dizaine d’employés sera renvoyée et je vais rester avec 4 personnes. Je ne peux pas faire autrement», déclare le responsable de ce bar qui s’est spécialisé dans la commercialisation de la viande de chèvre grillée. Avant la mesure d’interdiction du fonctionnement des abattoirs, le Bar « Ku mpene » pouvait au moins avoir une chèvre à faire abattre par jour. Et avant l’apparition de la maladie et l’interdiction de circulation des animaux domestiques, il pouvait vendre 4 à 5 chèvres par jour. Pourtant, mardi 28 juin, il n’y avait rien aux cordes sur lesquelles les cuisiniers ont l’habitude de suspendre la viande de la chèvre.
Les boucheries ne sont pas épargnées
Au Bar « Tundararako » à Bwiza, mardi 28 juin, vers 17h, quelques clients étanchent leur soif. Une personne vient de commander une brochette de bœuf. Le propriétaire Léonidas Ndabutwintara connu sous le sobriquet de Ntara fait savoir qu’il s’est procuré la dernière viande à l’abattoir de Ruziba, avant la mesure de fermeture des abattoirs. «Les clients hésitent à acheter. Sur les 30 kilos de viande, il m’en reste la moitié. En période normale, ils auraient été consommés jusqu’à hier», se lamente-t-il, avant d’insister : «Les conséquences sont lourdes dans nos familles. Nous n’allons plus pour pouvoir subvenir aux besoins de nos enfants. Que les responsables puissent rendre le vaccin disponible.»
Conséquences aussi au niveau des boucheries. A la boucherie Ntazimba, point de viande de chèvre ou de bœuf. Un des responsables de la commercialisation nous a confié que la boucherie sert principalement la viande de porc, du poisson, du poulet et du lapin. « Nous n’avons ni chèvre ni bœuf. Si la situation perdure il y a un risque de fermeture».
Idem pour la boucherie Charcuterie Immo. « Pas de viande rouge, suite à la maladie qui a attaqué les bovins et ovins. Il faut patienter encore quelques mois, car nous ne savons pas quand la situation redeviendra à la normale », dit un des bouchers. A la boucherie-charcuterie Modernes, situation similaire. « Les conséquences ? Je pense que vous en avez une petite idée», a réagi en colère un des responsables de la boucherie.
Bien que l’autorité en charge de l’Elevage ait pris la mesure de fermer les abattoirs, signalons qu’aucun animal n’a été déclaré positif à l’abattoir de Bujumbura, sis à Kamenge.
Pour une maladie connue, il y a plus d’une année, estime un médecin-vétérinaire sous couvert d’anonymat – les services de veille de l’EAC avaient alerté sur sa possible résurgence dans la région -, le gouvernement aurait dû avoir préalablement arrêté une série de mesures. « Avant toute chose, les responsables en charge des directions provinciales de l’Elevage devraient avoir compartimenté les zones d’actions où la maladie sévit ». Selon lui, cette stratégie aurait permis de limiter et de contrôler les mouvements du bétail sur les marchés locaux. Cela implique, fait-il remarquer, que lesdites directions provinciales soient outillées matériellement, avec un personnel bien formé. Pour être en mesure d’anticiper, le moment venu. Hélas, déplore-t-il, ce ne fut pas le cas. D’après ce praticien, ces dernières n’existent que sur papier. Outre le faible niveau de formation du personnel, il s’interroge sur le retard du gouvernement à introduire le vaccin : « Vu que ces vaccins ne coûtent pas cher et sont à portée de main au Kenya et en Afrique du Sud. Pourquoi le ministère de tutelle traîne-t-il les pieds ? »En définitive, il estime que cette maladie est un mal pour un bien. « Elle a montré aux autorités du ministère de tutelle qu’elles ne sont pas à l’abri d’un désastre. Sans mesures concrètes, un matin, elles peuvent se réveiller avec tout le cheptel du pays décimé », conclut-il.
Hervé Mugisha
La viande est quelque chose de délicat. Cet arrêt temporaire d’activités pourrait être l’occasion de faire certains travaux visant l’amélioration des conditions d’hygiène qui ne semblent pas optimales à en juger par la photo.
Merci arsène! Ils devraient effectivement en profiter pour améliorer l’hygiène de l’abattoir. Et même moderniser leur matériel. Parce que ça laisse à désirer..cfr video de Iwacu sur le même sujet.
Udukwavu turiho??