La population de la commune Busoni de la province Kirundo craint le pire. Aucune goutte de pluie depuis bientôt un mois. Le soleil a brûlé presque toutes les cultures. Les habitants de certaines collines des communes Busoni, Bugabira et Kirundo lancent un appel à l’aide.
De Kirundo vers Busoni, des champs verdoyants bordent la route goudronnée qui mène vers la frontière burundo-rwandaise. Haricot, maïs, bananiers, sorgho, etc.’ L’espoir d’une bonne récolte est grand.
Néanmoins, en quittant cette route pour celle menant vers le chef-lieu de la commune Busoni, on est accueilli par une poussière étouffante. La route est en terre battue. La terre est rouge jusque sur les toits des maisons. Très vite, il apparaît que la région n’a pas été arrosée par la pluie depuis belle lurette. Le soleil tape très fort.
Des gens sont assis tout le long de la route. Désœuvrés. Ici ce qui frappe le visiteur est ce paysage sec, les cultures ont une triste couleur jaune. Brûlées. Les feuilles de maïs et celles de sorgho pendent mortellement sur les tiges. Les zones les plus touchées sont Cewe de la commune Kirundo et Mukerwa et Gasenyi de la commune Busoni. Le spectacle est désolant. Nous sommes mardi 15 décembre, vers 11 heures.
« Plus de trois semaines viennent de s’écouler sans une goutte de pluie. Toutes nos cultures ont été affectées », raconte, déprimée, une habitante de la colline Kagege, zone Mukerwa de la colline Busoni. « Les plus démunis, nous payons le prix fort. Nous avons planté un peu en retard à cause du manque de semences, on n’aura rien contrairement à ceux qui ont semé un peu plus tôt».
La peur d’une famine
Désespérés, les habitants de la zone Mukerwa craignent le retour de la famine qui a l’habitude de frapper cette partie de la province. « Nous allons mourir de faim. On n’arrive même pas à trouver des feuilles de haricots pour manger. La récolte sera très mauvaise », craint Pierre Rurimwabagabo, père de six enfants de la colline Kagege, zone Mukerwa. A la fin du mois de novembre, il assure que les cultures étaient très vertes: « Aujourd’hui, nous n’avons rien à manger. On espérait une bonne récolte, mais la pluie en a décidé autrement. S’il avait plu au moins deux fois, les cultures seraient mûres. »
Selon les habitants de Mukerwa, certaines femmes ont déjà commencé à déserter leurs foyers. « Elles se réfugient dans la commune Giteranyi en province Muyinga. Elles nous laissent avec les enfants », confie un homme dont l’épouse est partie.
Sur les marchés, les prix des denrées alimentaires ont augmenté du simple au double. Le prix du haricot est passé à 1500 BIF alors qu’il s’achetait à 700 BIF. La farine de maïs se négocie à 1200 BIF alors qu’on pouvait s’en procurer à 800 BIF. La farine de manioc est à 900 BIF alors qu’elle se vendait à 600 BIF. Pour les habitants de Mukerwa, les commerçants doivent arrêter la spéculation et faire baisser les prix : « Ils ne doivent pas profiter de la situation. Sinon, nous allons tous mourir de faim, car nous n’avons pas d’argent. »
Cette situation cause des tensions au sein des familles. « Nous avons de la chance, car les enfants qui vont à l’école sont nourris. Le problème, ce sont ceux qui restent à la maison. On ne sait plus à quel saint se vouer. Du coup, des disputes éclatent dans les couples». Selon la population, les petits boulots journaliers qu’ils effectuaient pour de l’argent n’existent plus suite à cette « sécheresse ». « Nous restons assis au bord de la route pendant toute la journée. Nous avons peur de rentrer à la maison », raconte un homme, la trentaine.
Les habitants de Busoni demandent aux bienfaiteurs de les aider. «Plusieurs ménages risquent de déserter la commune et aller voir où l’herbe est plus verte. » Ils demandent aussi des semences pour pouvoir semer à la prochaine saison culturale
La galère
Les femmes qui allaitent, elles souffrent doublement. « C’est la galère. Mon enfant tète tout le long de la journée. Parfois, je suis sur le point de m’évanouir, car je n’ai pas assez mangé. C’est très difficile. Je vais le laisser avec son père et partir ailleurs chercher de la nourriture », lâche une jeune femme, la trentaine. « Nous errons dans nos champs pour chercher de quoi mettre sous la dent, mais on ne trouve rien. Les journées et les nuits sont très longues avec les enfants qui pleurent tout le temps », renchérit une autre femme.
Les rapatriés du camp de Mahama au Rwanda sont déboussolés. « Je suis arrivé à la fin du mois d’août 2020. La saison passée, je n’avais pas semé. Je venais de planter quelques cultures et voilà elles se sont séchées. Je ne sais pas comment nous allons vivre avec ma famille », témoigne un rapatrié de Mahama. « Au moins, vous avez reçu un paquet retour. Et nous alors ? », lance une femme qui est restée sur la colline. « Nous n’avons plus rien. Les bienfaiteurs avaient promis de nous aider après trois mois. Nous n’avons encore rien eu jusqu’à maintenant. Nous risquons de retourner en exil. Cette fois à cause de la faim », lui répond le rapatrié.
Une lueur d’espoir
« La situation est vraiment préoccupante. Mais sur la colline Cewe, c’est la grêle qui a détruit des cultures », confie Albert Hatungimana, gouverneur de Kirundo. Il précise que quelques collines de Busoni, Kirundo et Bugabira sont plus concernées. « En tout, environ 26 mille ménages sont dans une situation critique». En vue de faire face à cette situation, le gouverneur de Kirundo souligne que des réunions de sensibilisation à la solidarité locale sont en cours. Et ce, en attendant que d’autres bienfaiteurs interviennent.
Contacté ce lundi 21 décembre, M. Hatungimana se dit confiant : « Les précipitations ont repris, il y a quelques jours dans toute la province. Sûrement que certaines cultures comme le maïs et le blé seront sauvées. »
Fabrice Manirakiza & Rénovat Ndabashinze