Il s’appelait Jean Bigirimana, il avait 36 ans, il aimait son métier, sa petite famille. Il avait l’avenir devant lui. Vingt mois après l’enlèvement du journaliste, sa famille menacée à son tour a fui et tente de survivre quelque part à Kigali. Un journaliste est allé les visiter. Rencontre poignante. Iwacu lance un appel à l’aide.
Par Gilbert Niyonkuru
Godeberthe Hakizimana, la femme du journaliste d’Iwacu, Jean Bigirimana, porte une chemisette, un pantalon en jeans, et des lunettes de soleil. Elle laisse échapper un timide sourire d’accueil avant de nous tendre la main.
Elle habite une maisonnette en briques adobes et aux murs délabrés, presque à l’abandon, qu’elle loue dans un des quartiers de Kigali que nous taisons pour des raisons évidentes de sécurité.
Devant la maisonnette, une petite cour. Le reste de la parcelle est occupé par un petit champ de haricot. Une autre petite maisonnette sert de latrine. Derrière la maisonnette, un petit robinet.
Après quelques banalités d’usage, elle nous invite à entrer. Le « salon » est fait d’une petite table en bois et cinq chaises en plastiques. On remarque tout de suite la toiture faite de vieilles tôles, car il n’y a pas de plafond.
Menacée au Burundi, elle vit là depuis quelques mois. Gode, comme l’appellent ses amis, vient juste d’avoir 30 ans.
Le pauvre logis compte trois chambrettes : une pour elle, une autre que se partagent ses deux garçons et ses deux petites nièces. La dernière pièce, elle s’en sert pour ranger les quelques ustensiles de cuisine.
Dans la chambre des enfants, deux matelas en mousse sont posés sur une natte . Les effets des enfants sont dans de petits sacs à dos posés par terre. Sur les murs pendent deux photos : une de la Vierge Marie et une autre de Jésus Christ.
Pour payer la maisonnette, Gode débourse chaque mois soixante mille francs rwandais (60.000 Frw) soit 60 euros. C’est cher, Kigali. Pourtant, la maisonnette n’a même pas d’annexe pour servir de cuisine. Elle prépare à manger sur un braséro dans la cour.
Quand il pleut, elle rapatrie le braséro dans la pièce où elle range les ustensiles de cuisine. J’ai envie de lui dire que cela représente un danger pour la santé. Mais je me retiens. Gode était à l’université quand Jean Bigirimana a été enlevé. Elle sait surement que cuisiner au charbon dans une pièce comporte un risque d’asphyxie au monoxyde de carbone. Mais que peut-elle faire ?
Le quotidien est dur
« Vivre à Kigali c’est dur », nous confie Godeberthe. Iwacu la soutient comme il peut. Pour payer le loyer, les frais de scolarité et les autres besoins fondamentaux de la famille, elle exerce un petit commerce.
Elle vend des légumes ( tomates et oignons) au petit marché dit Ziniya Market. Son « chiffre d’affaires » varie entre dix mille et vingt mille francs rwandais par jour. Mais ça dépend des jours, dit-elle. Gode a démarré ce petit commerce grâce à un capital d’ un bienfaiteur que nous taisons.
Mais les besoins de la famille sont de loin supérieurs aux bénéfices de son petit commerce. Elle dit qu’elle est « au bord de la faillite. » Elle craint de ne pas tenir longtemps, de n’avoir plus de quoi payer le loyer et la nourriture pour les enfants. « Je m’en remets à Dieu », lâche- t- elle.
Tous les jours, elle se réveille à 5 heures du matin. Elle prépare les enfants qui doivent se rendre à l’école. Après, elle laisse le soin de ses deux fils à ses deux nièces (âgées de 14 ans et 15 ans) et file au marché. C’est là qu’elle passe toute la journée et ne rentre que vers 19 heures. Toute la journée, avec d’autres femmes petites commerçantes, elle mène un combat pour la survie. Rarement, elle voit ses enfants la journée.
Son fils veut aller « libérer papa »
C’est le soir, après le décompte du fruit de la journée, quand les enfants sont au lit, qu’elle commence à penser à sa vie passée au Burundi, à son mari , Jean Bigirimana. Soudain, Gode se met à pleurer, doucement. Elle dit que souvent les garçons lui demandent « si les policiers n’ont pas encore relâché papa ».
Godeberthe essuie ses larmes. D’une voix un peu hachée, elle raconte qu’elle ne trouve pas de réponse aux questions de son fils cadet, car des fois, il lui demande d’aller « chercher papa. »
Jean de Dieu de Grâce a 10 ans et le cadet, John Timmy Terry, est âgé de 5 ans. Les deux garçons continuent de penser à leur papa.
Jean de Dieu de Grâce croit que « Papa a été emprisonné au Burundi par des policiers et qu’il sera relâché bientôt ». C’est de cet espoir que se nourrissent toujours ces deux enfants.
Mais parfois l’espoir cède à la colère, car Jean de Dieu de Grâce veut vraiment retrouver son père. « Il me manque et je m’entraîne au karaté pour aller le libérer des policiers qui le détiennent au Burundi », lui lance souvent le petit garçon adoré par son papa.
Gode lui-même fait souvent des cauchemars. « Dans mes rêves, il m’arrive de voir venir Jean Bigirimana, mon mari, mais en mauvais état ».
« J’ai payé une rançon »
Aujourd’hui, Godeberthe Hakizimana a très peu d’espoir. Elle pense que son mari n’est plus. Elle demande que les enquêtes sur l’enlèvement et la mort de son mari aboutissent et que justice soit faite. L’épouse de Jean Bigirimana en veut beaucoup à un certain Pierre, un jeune Imbonerakure. Après l’enlèvement de son mari, il collaborait avec deux agents du service des renseignements, un certain Osias et Joseph Niyonzima, alias Kazungu, pour la nourrir d’espoir que son mari « est détenu au cachot » de leur service. Ils lui ont demandé une rançon de 800.000 francs burundais pour sa libération. Godeberthe a payé la somme, mais n’a jamais revu son mari…
Note de la Rédaction
Plusieurs personnes souhaitent entrer directement en contact avec Mme Bigirimana pour l’aider. Elle nous a autorisé à donner son N° de Contact WhatsApp. Il s’agit du +250 734 147 630
Merci d’avance pour votre générosité.
Derriere nos ecrans nous compatissons, pleurons et gemissons face aux atrocites, mais cela ne sert a rien. C’est l’action pour leur venir en aide qui compte. La parole du Bon Samaritain est un precis de ce qu’il faut faire. Le Levite (comme beaucoup de Burundais actuellement) a compati: « Pauvre type! » et il a passe son chemin. Le Bon Samaritain a donne les premiers soins au blesse et a pris en charge les frais de convalesence. J’implore, supplie et exhorte l’Eglise catholique, les Eglises, les ONG, toutes les bonnes volontes de venir en aide a toutes les vies brisees burundaises. Apres 3 ans de prison pour les manifestants et avant eux les militants du MSD et du FNL, il n’ont plus rien. Pas de travail, pas de logement, pas de scolarite pour leurs enfants, pas de soins de sante. Leurs familles sont desormais dans la misere noire. D’autres sont morts en prison. Qui s’occupe des enfants mitrailles de Muramvya, des mutiles, castres, violes? L’Eglise catholique burundaise, dont je suis membre affectueux et reconnaissant, doit etre « l’hopital de campagne » de tous les blesses de la vie burundaise. C’est l’exhortation meme du pape qui visite les prisons chaque fois qu’il voyage. Faites sortir les bonnes soeurs de leurs beaux couvents si propres et si manicures pour aller dans la puanteur des prisons et la misere des quartiers. L’Evangile du Christ se resume uniquement en Matthieu 25: (31-46) « J’avais faim…j’avais soif…j’etais en prison… » . Tout le reste est litterature.
Donc si je comprends bien, votre action consiste à demander à quelqu’un d’autre de venir en aide à cette femme? N’avez-vous pas 5.000Fbu dans votre poche que vous pourriez donner à cette famille? Lead by example. Les autres suivront.
Puisque vous m’interpellez, je vais vous repondre. Helas, je ne peux pas aider cette famille. Je suis deborde d’engagements: Etudiants refugies, prisonniers et demunis . Une grande partie de mes revenus sert a aider les personnes en detresse. En 1993, lorsque j’ai organise des secours aux rescapes du genocide contre les Tutsis qui croupissaient dans les camps de deplaces de veritables mouroirs, j’ai appris la lecon que si vous n’agissez pas seul personne d’autre ne le fera. Une autre lecon que j’ai apprise: Plus vous aidez les autres, plus la providence vous comble de moyens. Aider les autres est un investissement que la providence rembourse au centuple.
Cher iwacu
Vous auriez du être plus vigilant avant de donner le nr de telephone de Madame Bigirimana , tout le monde ne lui veut peut etre pas du bien ! Comme ceux qui ont kidnappé son mari . Dites lui de faire attention et surtout pas d’adresse si elle n’est pas sure de bonnes intentions de la personne qui cherche le contact .
Nb ne publiez pas mon message
Il se passe des choses dans ce pays que je pense aucun régime dans le passé n’a jamais osé faire…! On enlève, on tue et après on demande des rançons à la fammille du défunt…! Il n y a pire crime que celui-là..! Comme je le dis tout le temps, j’ose espérer que ces criminels, ces bandits des grands chemins sans foi ni loi n’auront pas le dernier mot….!
Je dmande par ailleurs à notre Journal IWacu de nous laisser plutôt les coordonnées bancaires de la famille du défuint. C’est mieux comme cela, je pense. C’est plus discret. On ne sait jamais dans ce pays là qui est devenu une véritable jungle où la loi du plus fort est la meileure.
Bon courage à la famille Jean BIGIRIMANA. Nous somes tous Jean BIGIRIMANA…!
Je manque de mots pour exprimer ma douleur que je rensens pour la famille de Jean. Mais, j’ai espoir que les enfants de Jean connaîtront l’amour malgré la dure labeur. Je sais qu’il y a d’autres défis énormes , mais je lance un appel à Iwacu et je pense à une action cordonnée qui impliquerait la société civile, le Mouvement de Femmes, les âmes de foi, la diaspora pour venir en aide à la famille de Jean pour soulager sa douleur. Madame Jean a besoin de vivre une vie descente, de continuer les études et de payer quelqu’un qui pourrait l’aider dans les tâches ménagères. Ce nest pas facile parce que des millions des Burundais sont dans la situation de la famille de Jean mais au moins si on parvient à soulager la famille de Jean, le monde saura que les Burundais ont une solidarité. Je pense également à la famille Rukuki, la famille Simon Bizimana et d’autres considérés comme des symboles de la résistance! Merci Iwacu et Gilbert Niyonkuru pour ton reportage. Tu nous manques déjà…
« Il se passe des choses dans ce pays que je pense aucun régime dans le passé n’a jamais osé faire…! »
Je ne sais pas si tu es au courant de ce qui s’est passé ou si tu fait exprès de mentir!
Les bourreaux n’avaient pas besoint de demander de rançon : ils décimaient la famille entière, prenaient la maison et tout ce qui s’y trouvaient, s’installaient dans la maison, prenaient la voiture, prenaient le compte en banque, etc., etc…. Ah! J’oubliais, ils appelaient ceux qu’ils avaient décimés des « Abamenja » (des traîtres).
Vous trouvez que cela est moins pire qu’un acte d’une demande de rançon par un criminel escroc à quelqu’un qui espèrait retrouver un être cher?
On ne vit pas sur une même planète.