En collaboration avec le Centre International pour la fertilité des sols et Développement agricole (IFDC), le Ministère de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage a procédé ce 25 janvier à la validation des cartes actualisées d’acidité et de fertilité des sols, édition 2022, et à la restitution du rapport d’étude de faisabilité du renforcement de la filière dolomie au Burundi. Les scientifiques proposent la dolomie comme solution à l’acidité des sols.
« Les cartes constituent un outil de travail pour améliorer les formulations sur les produits de qualité en termes d’amendements, d’engrais et de gestion de la fertilité des sols », indique Micaël Beun, représentant pays d’IFDC.
Selon lui, les résultats de la production de ces cartes visent à promouvoir la conscientisation et l’information sur l’état des lieux des sols auprès de tous les acteurs, en particulier les agriculteurs, et d’identifier les priorités en termes géographiques et les facteurs limitants.
« La problématique d’acidité des sols au Burundi tend à se dégrader à cause de l’érosion et de l’intensification agricole. L’acidité du sol constitue un des facteurs limitants dans la restauration de la fertilité des sols au Burundi », fait savoir le représentant pays d’IFDC.
Il explique que IFDC a senti, avec les institutions du ministère chargé de l’Agriculture, le besoin de mettre à jour l’état des lieux pour constater l’évolution de cette dégradation et les mesures à prendre.
Et de recommander l’augmentation de la production par utilisation de la dolomie et des amendements calcaires, nécessaires dans la gestion de cette problématique d’acidité des sols.
Le ministre de l’environnement, de l’agriculture et de l’élevage Déo Guide Rurema salue le travail des chercheurs qui ont contribué dans l’actualisation des cartes de fertilité des sols et la mise en place d’un rapport d’étude de faisabilité sur le renforcement de la filière dolomie au Burundi. Et de remercier IFDC pour son appui dans la réussite de ces travaux de recherche.
« Le Gouvernement du Burundi est préoccupé par l’augmentation de la production agricole pour que chaque bouche ait à manger et que chaque poche ait de l’argent », rappelle le Ministre Rurema.
Il souligne que le gouvernement tient à cœur les résultats émanant dudit rapport : « Nous allons le transmettre au gouvernement pour s’en approprier ». Et de demander aux experts d’aider à élaborer une feuille de route pour la mise en œuvre des résultats de ce rapport.
Le ministre chargé de l’Agriculture appelle les acteurs qui ont contribué dans ces études à corréler les cartes pédologiques, d’acidité et de fertilité de sols, pour en dégager des recommandations à transmettre aux agriculteurs dans un langage compréhensible et en techniques permettant de produire un impact visible dans l’exploitation paysanne.
Les scientifiques vantent les bienfaits de la dolomie
Selon Anaclet Nibasumba, expert à l’institut supérieur de l’agriculture (ISABU), les sols du Burundi sont très acides sauf certaines parties de la plaine de l’Imbo et les dépressions du nord. Ainsi, alerte-t-il, la perte de fertilité s’accélère dans le pays.
Selon lui, les causes de cette acidité sont surtout les exportations des cultures, l’érosion et le lessivage.
Ce scientifique recommande la combinaison du chaux/dolomie et les gisements de phosphate pour corriger l’acidité et l’indisponibilité du phosphore. Il suggère aussi l’étude de l’efficacité des engrais organo-minéraux contenant le calcium et le magnésium particulièrement dans la plaine de l’Imbo et les dépressions du nord.
« Le diagnostic actuel est alarmant : ¾ du Burundi est fortement acide. Tous les plateaux centraux et la crête Congo-Nil sont tellement acides », précise Salvator Kaboneka, professeur à l’Université du Burundi. Pour lui, l’acidité est due à la déficience du calcium et du magnésium dans le sol, deux composants qui constituent la dolomie.
Il indique que les conséquences de l’acidité sont entre autres, la faible décomposition de la matière organique, faible absorption des éléments nutritifs particulièrement les engrais, la réduction de la croissance racinaire et des poils absorbants. A celles-ci s’ajoute, selon lui, une perte de la biodiversité et mutation végétale.
Et de suggérer l’application de la dolomie pour endiguer l’acidité dans les sols burundais : « L’utilisation de la dolomie est un investissement qui est plus rentable et qui peut atteindre beaucoup d’agriculteurs que les investissements en irrigation ».
Il fait savoir que les gisements dolomitiques sont disponibles au Burundi surtout dans les provinces de Rutana, Cibitoke, Ngozi : « D’après les études menées en 1991, 600 millions de tonnes de dolomie sont disponibles sur le sol burundais ».
Selon ce rapport sur la dolomie au Burundi, l’agriculteur qui utilise la dolomie récolte une quantité trois fois supérieure à celui qui ne l’applique pas.
Signalons que les cartes de fertilité produites au niveau nationale et par zone agroécologique sont : PH, COS, N, C/N, P, K, Ca, Mg, Ca/Mg, Mg/K et (Ca+Mg) /K.
Ces cartes et ce rapport d’étude de faisabilité sur le renforcement de la filière dolomie sont réalisés dans le cadre du projet d’appui à la gestion responsable intégré des sols (PAGRIS) d’IFDC qui s’articule sur trois niveaux à savoir l’intensification agricole au niveau des exploitations, l’aménagement communautaire des bassins-versants, et la création d’un environnement favorable pour la fertilité des sols en appuyant le ministère et les autres acteurs.
Mon opinion est que le ministère de l’agriculture, de l’élevage et de l’environnement devrait identifier deux catégories d’exploitations agricoles. Les grandes exploitations disposant de grandes surfaces à cultiver (une minorité) et les petites exploitations qui constituent la majorité dans notre pays. Les premières devraient être encouragées à pratiquer l’agriculture commerciale et les secondes l’agriculture de subsistance.
Ce sont les grandes exploitations qui devraient servir de moteur pour tirer la production agricole vers le haut. Pour celles-ci, il serait facile pour le ministère de mettre au point un cahier de charge, d’assurer une bonne formation à leurs propriétaires et de veiller à ce que ces derniers respectent les normes édictées par le ministère. Parmi celles-ci, il y aurait notamment l’obligation de faire faire périodiquement des analyses de sol et d’avoir un plan d’amendement et de fertilisation de leurs terres. C’est ici que l’utilisation de la chaux ou de la dolomite pourrait entrer en jeu. Un tel plan devrait être approuvé par un ingénieur agronome si nous avions un ordre des agronomes dans le pays.
En revanche pour les petites exploitations, il est fort peu probable qu’elles accepteront un jour d’utiliser un amendement comme la chaux ou la dolomite. N’oublions pas que le minimum à apporter annuellement dans un champ pour corriger progresssivement un sol acide est de 20 tonnes par ha. Quel paysan pourrait se permettre un tel luxe?