Lundi 23 décembre 2024

Société

La disponibilité des enseignants est devenue un casse-tête

03/10/2024 3
La disponibilité des enseignants est devenue un casse-tête
Le lycée Reine de la paix de la zone urbaine de Ngagara

Dans plusieurs lycées publics, certains cours n’arrivent plus à être dispensés par manque d’enseignants. Certains lycées font recours tant bien que mal aux enseignants vacataires pour pouvoir avancer. Le ministère de tutelle quant à lui n’arrive pas à combler le vide.

Lors de la séance plénière du mardi 24 septembre 2024 qui se tenait à Gitega, devant les sénateurs, François Havyarimana, ministre de l’Education nationale et de la Recherche scientifique, a fait savoir que son ministère prévoit d’engager 630 enseignants alors que le ministère a besoin de 12 000.

Il estime que l’éducation est l’un des domaines-moteurs de la vie du pays mais que, malheureusement, la qualité de l’enseignement au Burundi a régressé à la suite de plusieurs défis auxquels elle fait face. Et cela malgré les efforts du gouvernement pour développer le secteur.

En termes de défis majeurs, le ministre Havyarimana cite notamment le manque d’enseignants, les effectifs trop élevés dans les écoles, le manque de matériel scolaire et de salles de classe, l’incompétence chez certains enseignants et bien d’autres. Ce tableau non reluisant peint par le ministre ayant l’éducation dans ses attributions se remarque effectivement sur le terrain.

Les enseignants qui partent ne sont jamais remplacés

Au lycée Reine de la paix, un établissement qui connaît en même temps le régime d’internat et d’externat situé dans la zone urbaine de Ngagara, la situation est alarmante. Anita Ndayiragije, directrice de ce lycée, précise que le manque de personnel enseignant risque de ne pas arranger les choses. Le lycée n’a pas d’enseignants de mathématiques (deux), de dessin scientifique, des technologies de l’information et de la communication (TIC) dont il a besoin.

« Cette carence est mentionnée dans nos rapports administratifs réguliers, mais elle ne trouve pas de solution. Ceux qui partent ne sont pas non plus remplacés », précise-t-elle. Elle fait savoir également que ce n’est toujours pas facile de trouver les enseignants vacataires même si ces derniers sont à la charge des parents d’élèves. Elle ajoute que ce lycée ne fait pas seulement face au manque d’enseignants puisque même le personnel du lycée n’est pas au complet. A titre d’exemple, « le lycée a besoin de 6 secrétaires mais, il n’en a que 2. Cela fait partie aussi des défis qui ralentissent les activités de l’école », déplore-t-elle.

Au lycée Vugizo, sept enseignants vacataires sont nécessaires pour combler le vide. Dieudonné Ntamavukiro, directeur de ce lycée, indique que ces enseignants seront à la charge des parents d’élèves parce que le lycée n’a pas de moyens pour se le permettre.

Le lycée d’excellence de Ngagara lui non plus n’est pas mieux nanti. Eric Nyandwi, directeur d’internat à ce lycée, témoigne que certains enseignants de son école ont été promus et sont partis travailler notamment à la Direction communale de l’Enseignement. Il se réjouit du fait qu’ils reviennent dispenser les cours comme vacataires.

Au Lycée municipal de Musaga, l’aveu du ministre de l’Education nationale et de la Recherche scientifique des effectifs d’élèves trop élevés dans les salles de cours se fait sentir. Trois élèves partagent un banc pupitre et les salles de classe sont pleines à craquer. Dieudonné Nkurunziza, directeur du lycée, en sortant de l’une des classes, avoue pourtant que tout va bien. « Nous n’avons aucun problème dans ce domaine. Nous avons tout pris en main, tout va bien », rassure-t-il avec un sourire.

Dans la zone urbaine de Kanyosha, au sud de la capitale économique, le constat est le même que celui observé dans les lycées du nord de la capitale. Le recours aux vacataires est inévitable. Jean de Dieu Mbazumutima, directeur du lycée municipal de Kanyosha informe en effet que les enseignants qui manquent sont remplacés par des vacataires payés par les parents d’élèves.

Un avenir incertain

Le prénommé Audace, un parent d’élève qui habite au nord de la capitale économique Bujumbura, se dit inquiet quant à l’avenir de la jeune génération en matière d’éducation. « Nous nous sommes fixé une vision, la vision 2040-2060, sans toutefois revoir notre système éducatif. L’échec est prévisible », craint-il.

Selon ce parent, si tous les moyens nécessaires ne sont pas déployés pour que l’éducation soit améliorée, le pays risque de se retrouver devant une masse inquiétante de fonctionnaires incompétents dans tous les domaines. « Très peu de parents ont des moyens pour payer l’école privée. Et ce n’est pas non plus cette génération d’enfants qui fréquentent l’école privée qui va développer le pays », souligne-t-il.

Il estime que la meilleure façon de relever le défi est de doter de moyens conséquents au ministère de l’Education pour changer la donne dans les meilleurs délais. Il trouve que certains ministères ont un budget largement supérieur à celui du ministère de l’Education alors que ce dernier devrait avoir des moyens suffisants puisqu’il forme des gens appelés à contribuer dans la mise en œuvre des politiques de développement dans tous les domaines de la vie nationale.

Un enseignant du secteur public qui a requis l’anonymat déplore les conditions dans lesquelles les enseignants travaillent. « Joindre les deux bouts du mois est devenu quasiment impossible. Et puis, dispenser plusieurs heures de cours avec un effectif de plusieurs élèves ne motive aucun enseignant. D’où l’abandon du métier », témoigne-t-il.

Il fait savoir que ses collègues acceptent d’enseigner tout en cherchant un autre travail ailleurs ou dans le privé. « Rentrer fatigué avec plusieurs copies à corriger n’est pas chose facile », confie-t-il. Il ajoute qu’il a toujours considéré le métier d’enseignant comme un métier noble. Mais, malheureusement, on lui donne très peu de considération. « Je trouve étonnant le fait que ça soit toujours les élites qui ont été façonnées par une bonne éducation qui se retournent contre elle », déplore-t-il.

Il y a urgence

François Havyarimana, Ministre de l’éducation nationale et de la recherche scientifique

Le Syndicat national des enseignants du Burundi trouve que le manque d’enseignants est une triste réalité qui va malheureusement crescendo. Frederick Nzeyimana, représentant légal de ce syndicat, fait savoir que cela est dû à des abandons, des promotions ou encore des retraites. Le remplacement de ceux qui partent traine aussi malheureusement.

Le syndicat, tout comme le ministère de l’Education nationale et de la Recherche scientifique, est préoccupé par cette situation selon son représentant qui estime que les conséquences risquent d’être dévastatrices si rien n’est fait urgemment.

Il explique que cette situation vient de s’aggraver au moment où les conditions de travail ne sont pas favorables pour l’enseignant.

Le syndicat demande au gouvernement en général et au ministère de tutelle en particulier de déployer sur le terrain des enseignants bien outillés et en nombre suffisant parce que si cela n’est pas fait, les conséquences seront catastrophiques.

Forum des lecteurs d'Iwacu

3 réactions
  1. jereve

    J’ai l’impression de raisonner en contresens, car pour moi ce ne sont pas les enseignants qui manquent, mais ce sont les moyens financiers qui manquent pour engager tous les enseignants qu’on veut.
    C’est de notoriété publique qu’il y a beaucoup de lauréats des universités et écoles professionnelles qui sont au chômage. Ce sont des enseignants potentiels, il suffirait qu’on leur dispense de courtes formations pour les familiariser avec le métier d’enseignant.
    Il faut rappeler que depuis l’indépendance, les lauréats qui ne pouvaient pas décrocher une place dans les administrations, bureaux, entreprises et projets étaient envoyés dans les « filets » pour enseigner. C’est d’ailleurs pour cela que le chômage n’existait pas. Sauf évidemment pour ceux qui avaient de grosses ambitions pour les postes VIP.
    Et en plus le salaire d’un enseignant était très motivant: un enseignant avait une prime de +ou- 7’000 Fbu de plus par rapport à un fonctionnaire de même classe (je parle des années 1980 et plus). Imaginez-vous la quantité de Primus et brochettes qu’il pouvait s’offrir avec cela (une bouteille coutait +ou- 100 Fbu).
    Au lieu de pleurnicher, nous devrions prendre exemple sur cette pratique du passé et mettre tous nos lauréats au travail. Évidemment si l’argent manque, cela devient un autre problème où il faut se demander pourquoi? Il faut nous expliquer pourquoi le Burundi d’hier avait plus de moyens que le Burundi d’aujourd’hui.

  2. Hihi

    Il ne surtout pas jouer le jeu du gouvernement
    c est lui qui est responsable de toute la cacophonie qui règne dans l enseignement et à tous niveaux
    un ministre incapable et complètement dépassés
    un coup de balai. ….
    De plus de parti au pouvoir qui rentre dans le jeu avec son concert de magouilles et de corruption

  3. PCE

    Pourquoi le ministère ne fait pas appel aux enseignants burundais se trouvant à l’étranger ? Il y en a bien qui sont disposés à assurer certains cours sans problème ! Il suffit de mettre en place un organe chargé de coordonner l’activité . Ce n’est même pas une question financière!
    Personnellement je suis disposé à dispenser les cours dans mon domaine , même gratuitement

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