Mercredi 25 décembre 2024

Politique

La diplomatie burundaise alignée sur une seule Chine

La diplomatie burundaise alignée sur une seule Chine
Le président chinois Xi Jinping serre la main du président burundais Evariste Ndayishimiye à Chengdu, capitale de la province chinoise du Sichuan

Le 23 mai dernier, la Chine a intensifié ses manœuvres militaires autour de Taïwan, en réaction au discours d’investiture du nouveau président taïwanais, Lai Ching-te. La position du Burundi sur le conflit entre ces deux pays a toujours été constante et alignée sur la politique d’une seule Chine comme l’indique un communiqué du ministère des Affaires étrangères du 25 mai.

Taiwan, une île située à moins de 200 km du continent chinois, a une histoire mouvementée de colonisation et de domination. Après une brève période sous contrôle néerlandais au XVIIe siècle, elle a été intégrée à l’empire chinois en 1684, puis érigée en province en 1887. Huit ans plus tard, elle est passée sous domination japonaise, ne revenant dans le giron de Pékin qu’en octobre 1945 après la capitulation japonaise.

En 1949, la victoire des communistes chinois conduit le Kuomintang (Parti nationaliste chinois) à se réfugier à Taïwan. C’est dans cette île qu’Il établit le gouvernement de la République de Chine tandis que la Chine continentale devient la République populaire de Chine. Malgré cette division, Pékin a toujours considéré Taïwan comme une province chinoise. Ce principe de la « Chine unique » affirme que Taïwan, tout comme Hong Kong, le Tibet, Macao et le Xinjiang, font partie d’une Chine réunifiée.

Attaché à la Charte des Nations unies

Le 25 mai, le ministère burundais des Affaires étrangères a publié un communiqué clarifiant la position du Burundi sur ce conflit. Le communiqué stipule que le Burundi reste attaché à la Charte des Nations unies et aux instruments juridiques internationaux pertinents pour promouvoir la paix, la sécurité et le développement dans le monde.

Le communiqué met en avant le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États membres et la non-ingérence dans les affaires intérieures d’autres États. En raison des excellentes relations bilatérales entre le Burundi et la République populaire de Chine, « le gouvernement burundais réitère son attachement à la politique d’une seule Chine, reconnaissant Taïwan comme une partie intégrante du territoire chinois. » se positionne le gouvernement burundais.

Cette position est en ligne avec la Résolution 2758 de 1971 de l’Assemblée générale des Nations unies qui a accepté le gouvernement de la République populaire de Chine comme l’unique représentant légal de la Chine. Une résolution que le Burundi a votée positivement à l’époque.

Les intérêts géopolitiques du Burundi

Pour comprendre les raisons de ce soutien, Pascal Niyonizigiye, spécialiste des relations internationales et professeur d’Université, souligne que le Burundi, comme de nombreux autres pays, a intérêt à maintenir de bonnes relations avec la Chine continentale. « La coopération entre la Chine et notre pays profite à plusieurs secteurs. Le Burundi n’a pas intérêt à abandonner la Chine populaire pour s’allier à Taïwan. », souligne-t-il.

Le réalisme, une théorie des relations internationales, explique bien cette position. Selon cette approche, les États agissent en fonction de leurs intérêts nationaux et de leur puissance. M. Nyonzigiye souligne aussi que pour le Burundi, les relations avec la Chine sont stratégiques compte tenu de l’influence croissante de la Chine en Afrique ainsi que des bénéfices économiques et infrastructurels que cette coopération apporte.

La Chine a intensifié ses relations avec l’Afrique voyant en ce continent un grand marché et une source de ressources naturelles pour son industrie. De nombreux projets de développement tels que la construction des chemins de fer et d’autres ont vu le jour grâce à cette coopération. « La Chine propose une alternative intéressante aux politiques de développement occidentales qui n’ont pas toujours porté leurs fruits en Afrique », note Niyonizigiye.

Cette dynamique a influencé la politique étrangère du Burundi, qui s’aligne sur de nombreux autres pays africains cherchant à diversifier leurs partenariats économiques et politiques. Le Burundi, en coopérant étroitement avec la Chine, bénéficie de projets d’infrastructure et de développement qui soutiennent son économie.

Le droit d’avoir ses propres options

« Le Burundi est un pays indépendant. Il est souverain. Il a le droit d’avoir ses propres options. Personne ne peut condamner le Burundi pour ses options. » explique Niyonizigiye.

Le Burundi, tout en naviguant dans ses relations avec la Chine, doit aussi tenir compte des attentes de la communauté internationale. Il est important de rappeler que cette communauté inclut également la Chine. Le professeur Niyonizigiye souligne qu’« il existe une fausse appréhension de la communauté internationale souvent vue comme l’Occident. La communauté internationale comprend tous les États, y compris la Chine. »

Il fait savoir que ce n’est pas que le Burundi qui est concerné. La plupart des pays africains et même les puissances occidentales qui critiquent souvent la Chine le font. Ils gardent des relations avec la Chine. « Les États-Unis, on le sait très bien profitent beaucoup de la population de la Chine parce que les États-Unis empruntent beaucoup d’argent à la Chine et les Chinois vendent beaucoup de produits aux Etats-Unis. Les Américains aussi investissent en Chine. », explique Niyonizigiye.

Il souligne qu’il s’agit d’une politique équilibriste qui est pratiquée par les puissances occidentales et qui, dans les pays en voie de développement, est une politique qui peut apporter beaucoup de solutions. « Si on fait de très bons choix, si on reste vigilant, parce que les Chinois aussi ne sont pas des enfants de cœur, ce sont des gens qui cherchent à profiter de l’Afrique, il faut regarder, il faut avoir des stratégies qui sont solides. », suggère-t-il.

Pour ce spécialiste des relations internationales, le Burundi a intérêt à se conformer à la position des États africains, surtout ceux de l’Union africaine ainsi qu’à celle des États du Sud global qui correspond à l’ancien tiers-monde.

Forum des lecteurs d'Iwacu

7 réactions
  1. jereve

    Etant parmi les pays les plus pauvres de la terre, qui souhaitent s’en sortir autant que faire se peut, il n’y a pas de honte à s’aligner à l’une ou l’autre grande puissance, la condition sine qua non étant qu’elle soit généreuse et prête à nous donner un coup de main.
    Or, nous sommes aujourd’hui confrontés à d’innombrables pénuries dont il s’avère que nous ne pouvons ou n’arrivons pas à nous en sortir tout seul. La question qu’on aurait aimé poser aux autorités est de savoir si elles ont fait la pesée des intérêts pour savoir précisément comment orienter l’alignement par rapport à nos besoins et intérêts.
    Sinon afficher des coups de mains et des sourires avec nos partenaires, c’est bien; mais c’est mieux si on peut voir quelques résultats sur le terrain.

  2. Jean

    Est-ce que le Burundi est aligné à une seule Ukraine et est contre les ingérences impérialistes de la Russie à l’égard de ce pays?

    • saleh

      Entre les peuples, il n’y a pas amitié, il y a intérêt. Ainsi, la vrai question est : »Que gagne le Burundi dans cette position »?

      • Jean

        @ Saleh
        Pourriez-vous m’indiquer concrètement ce que le Burundi a gagné,comme intérêts depuis 2015,depuis qu’il s’est éloigné de l’occident pour se rapprocher un peu plus de la Chine et de la Russie.

    • Expert

      Neva est du côté de Moscou. Et ce depuis le début. Quant à cette invasion Russe, prière de ne pas niveler le débat par le bas ( dumbing down en Anglais). Lis le Monde Diplomatique de Juin 2024, il est disponible.

      Au fait, c’est pas toi qui souscrivais à l’idée que la Russie était un petit pays, au PIB comparable à celui des îles Seychelles?

      • Jean

        @Expert

        Oui,j’ai bien précisé par le passé que la Russie est un nain sur le plan économique,ce n’est pas moi qui l’affirme,mais les chiffres économiques publiés par le FMI,et la Banque mondiale et puis cette guerre nous a aussi démontré que militairement parlant ,la Russie n’est pas cette 2e puissance militaire incoercible.

        Au vu de la résistance acharnée de l’Ukraine,pays économiquement et militairement insignifiant en comparaison à la Russie.

        À vrai dire,la guerre entre la Russie et l’Ukraine ne m’intéresse pas tant que ça.

        Je voulais revenir sur ce communiqué du gouvernement burundais qui affirme qu’il met en avant le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États membres et la non-ingérence dans les affaires intérieures d’autres États.

        Le gouvernement burundais oserait-il tenir ces mêmes propos contre la Russie par rapport à ce que ce pays fait actuellement en Ukraine ?

        • Expert

          No comment! Tu as bien appris la leçon.

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