Samedi 23 novembre 2024

Politique

La CVR : avant ou après 2015 ?

18/07/2013 9

Elle se fait attendre, la Commission vérité et réconciliation. Malgré les annonces et les assurances des décideurs qui évoquent la question des moyens, désormais le débat est de savoir si elle sera mise en place avant ou après les prochaines échéances électorales …  

Les présidents de l’Uprona et du Cndd-Fdd côte à côte ©Iwacu

Aux dernières informations, l’avant projet de loi régissant la Commission Vérité et Réconciliation(CVR) élaboré par le gouvernement burundais sans tenir compte des observations des Nations Unies et des propositions de la société civile, est parmi les 11 projets de loi soumis à l’Assemblée nationale pour à analyse et adoption au cours de la cession de juin qui se termine bientôt.

Selon Pascal Nyabenda le président du Cndd-Fdd, c’est par manque de moyens nécessaires pour son fonctionnement que la mise en place de la CVR prend du retard. Car « il faut du tact et de la prudence dans la mise en place de ce mécanisme. Traitant des conflits et crimes perpétrés par des individus encore vivant, pour certains, « il faut y aller avec une très grande prudence. Mal géré, le processus de justice transitionnelle pourrait nous faire retourner en arrière en ce qui concerne la réconciliation », fait savoir Pascal Nyabenda.

Et, « compte tenu du passé, je ne pense pas que ce soit notre parti qui soit le premier à s’accuser de ce qui s’est passé, allant jusqu’à bloquer la mise en place de cette commission. » D’ailleurs, note-t-il, « le processus de mise en place de la CVR est déjà en marche car les textes la régissant ont été déjà étudiés par le Conseil des ministres, ils se trouvent maintenant devant les députés. »

Il faut s’en tenir au prescrit d’Arusha

André Ndayizamba, élu de l’Uprona, clame lui aussi que son parti « n’a rien à voir dans le retard enregistré dans la mise en place de la CVR : la transition a été partagée en deux partie : la première, avec le président Buyoya aux Nations Unies pour demander que les mécanismes de justice de transition, à savoir la CVR et un Tribunal spécial, soient mis en place. » Puis, continue-t-il, « c’était le président Ndayizeye qui a pris le relai, avant que n’arrive le Cndd-Fdd. Il ne faut pas perdre de vue que la guerre ne s’est pas arrêtée après la signature des Accords d’Arusha, le dernier mouvement rebelle n’a signé les accords de cessez-le-feu qu’en 2008 », rappelle le député. « Depuis 2008 jusqu’à maintenant, on aurait déjà pu mettre en place ces mécanismes de justice de transition », semble-t-il regretter.

Léonce Ngendakumana, à la tête de l’ADC Ikibiri : « Nous proposons que la CVR ait lieu après les élections de 2015 » ©Iwacu

La position de l’Uprona ? Que les Accords d’Arusha soient mis en application sans attendre 2015, avec un volet judiciaire intégré au mécanisme de vérité et de réconciliation : « Malheureusement, il ne figure pas dans le projet de loi présenté à l’Assemblée nationale. C’est à nous de modifier le texte », reconnaît-il.

La CVR après 2015

Quant à l’ADC Ikibiri, elle propose une mise en place de la CVR après les élections de 2015, avec des institutions équilibrées qui tranquilliseront tout le monde : « L’environnement politique, social et sécuritaire actuel ne permet pas d’établir cette CVR. L’objectivité, la neutralité et l’impartialité, ou encore la protection des témoins et des victimes, tout cela n’est pas assuré », martèle Léonce Ngendakumana.

Pour l’ancien président Sylvestre Ntibantunganya, le risque d’un télescopage entre les élections de 2015 et la mise en place des mécanismes de justice de transition n’est pas à écarter : « Il faut de la sagesse pour savoir quoi mettre avant l’autre. En tout cas les élections sont incontournables », conseille le sénateur.

L’inquiétude d’Aloys Batungwanayo de la plate forme regroupant les associations des victimes des différents conflits burundais est sur un autre plan : « Pour réconcilier les Burundais, il faut que la CVR soit composée de commissaires neutres, qui fédèrent la confiance de la population. » Et impossible d’éviter le volet judiciaire : « Les crimes graves commis dans ce pays une fois établis doivent être punis ! »

Forum des lecteurs d'Iwacu

9 réactions
  1. SIMBAGIYE

    Je m’excuse de partir de 1993. On disait qu’on nous tuait a cause de la mort de NDADAYE et des massacres de 1972. Est ce que étant à l’intérieur du pays j’avais à répondre de la mort de NDADAYE? Est ce qu’on avait vraiment besoin de dire dans les slogans et marches manifestation faites juste avant les tragédies q’un hutu sérieux devrait abattre 5 tutsi? est ce que les étudiants hutu devraient répondre au massacre perpétré par leurs frères à l’intérieur du pays? est ce qu’on a besoin de répondre au mal par le mal. Au moins moi je peux oser et dire que si je respire encore, c’est grâce à une famille Hutu qui m’a sauvé du génocide des tutsi de 1993. Que Dieu bénisse les familles hutus et tutsi de bonne foi.
    Pour les victimes du Génocide, nous réaffirmons le principe selon lequel seules la vérité et la justice, une fois réunies, conduisent à la paix et à la réconciliation.

    Si le processus est conclu de façon exclusive par le seul Gouvernement, sans associer les Nations-Unies et les partenaires nationaux, notamment les victimes et ou leurs ayants-droit ;

    Si le projet de loi sur la CVR est adopté tel qu’il est sans adopter parallèlement une loi sur le Tribunal Spécial et son Parquet ;

    Pour la suite de ma position, veuillez consulter le memorandum de l’Association pour la Lutte Contre le Génocide « A.C.Génocide-cirimoso » sur le processus de mise en place des mécanismes de justice transitionnelle, signé le 18/07/2013.
    Il n’y a pas de match nulle, un criminel n’est pas un tutsi, c’est un criminel. Un génocidaire n’est pas un hutu, c’est un génocidaire. Que justice soit faite pour les deux.

  2. Bimbabampisha

    Le harakiri n’est pas la discipline préférée des partenaires sociaux, qu’ils soient politiciens, acteurs de la société civile ou même de simples citoyens avec chacun son propre passé personnel ou collectif.

    Pour bon nombre d’acteurs politiques d’hier et d’aujourd’hui (et pour leur descendance), l’avènement de la CVR peut être perçu différemment selon qu’on soit ou qu’on se considère comme victime ou bénéficiaire net de la gestion passée et en cours du pays.

    L’expérience de la CNTB est là pour nous éclairer: Les institutions à elles seules ne suffisent pas, encore faut-ils des individus et les moyens en masse critique suffisante pour les incarner et réaliser leurs objectifs.

    En tant qu’institution en gestation, quels sont en ces termes les vrais obstacles à la mise en place de la CVR qui est un remède amer pour guérir notre mal profond?

    Personne n’aimerait investir à perte. Si les ressources humaines et les moyens de la CVR font certainement défaut, il revient aux concernés de démontrer notre détermination, de rassembler les ressources (humaines et matérielles) que nous pouvons mobiliser pour convaincre nos partenaires d’investir dans ce projet. Ceci n’est pas une mission impossible!

  3. BIGIRIMANA

    Un Merci à Abbas et un commentaire sur les obstacles et la proposition d’attendre 2015.
    Le projet de loi fait apparaitre au moins 4 obstacles majeurs à la mise en place de la CVR : l’absence d’une vision globale de l’administration de la justice de transition, c’est-à-dire le défaut de traduire le solide lien existant entre la vérité, la justice, la réparation et les réformes, la volonté de manipuler la sélection des Commissaires, la violation de la résolution 1606 quant à la composition de la Commission, la limitation des pouvoirs de la Commission, l’insinuation d’une culte de l’impunité par défaut de citation des noms des coupables désignés. Le financement est un alibi, facile à lever si la résolution 1606 était appliquée, et les autres conditions favorables réunies. La promotion de la réconciliation ne devrait pas non plus retarder le processus. Le travail de la CVR ne serait pas plus préjudiciable à la réconciliation que celui de la CNTB.
    En définitive, l’obstacle est unique : le soutien local et international. La solution est aussi unique : la recherche d’un consensus des partenaires. Il n’y a aucune justification valable d’attendre 2015, qui sera immanquablement suivie de 2020, voire 2025, les populations consultées en 2009-2010 ayant manifesté « la volonté de voir les mécanismes de justice de transition mis en place le plus rapidement possible ».
    Si j’étais artiste dessinateur, j’aurais accompagné mon propos, d’au moins quatre images :

    La première, celle d’un homme à la casquette « CVR » qui, pour rentrer à la maison, doit traverser un fleuve aussi large que le Burundi. Le pont étant coupé, le seul moyen de déplacement disponible est le bateau « Kuri », prêt à prendre le large. A son bord, le passager « NTUNGANIRIZA » lui tend ce livre intitulé « NTIRIKABE ». Les autres passagers ont en main les journaux qui traitent de la vérité, la justice, la réparation et la réforme : « RONDERUKURI », « HANIVYAHA », « SHUMBUSHA », « TUNGANYINZEGO ». L’homme à la casquette les regarde médusé, hésite à embarquer alors que la nuit tombe.
    La 2ème, celle d’un quidam cherchant un trésor dans une forêt d’arbres entrelacés de lianes et d’épines, pleine de hautes herbes, n’a comme instrument que la houe, sans hache ni serpette. Il n’ira pas loin.
    La 3ème image, d’un train à très petite vitesse (TPV) qui a passé le premier obstacle. De la 1ère rue, il a négocié un tournant de 90° et stationne à la 2ème rue. Il attend l’embarquement pour le prochain voyage qui le ramènera à la 1ère rue. Divers obstacles l’attendent sur le chemin du retour. Son chauffeur devrait s’employer à les lever. Sinon, il y a un grand risque qu’il déraille en cours de route. Le rabatteur « KOKAYI » offre au chauffeur et aux passagers un copieux petit déjeuner, dont le beurre de la concertation et le sucre du consensus.
    La dernière s’inspire de cette image inoubliable et saisissante. Un plat qui se vide de son contenu. Autour de la table, 4 personnes, pas du tout affamées mais, à l’œuvre avec un appétit vorace et un large sourire aux lèvres, les mains plongés dans le plat. Le cuisinier « TUVUGANE » observe, prêt à remplir à nouveau le plat. Au second plan, le repas est déposé sur la table, les convives aussi sont prêts et attendent, chacun dans son coin, l’appel du cuisinier qui temporise, on ne sait pas pourquoi.

  4. Terimbere

    La CVR aujourd’hui pour quoi faire, qu’est-ce qui la differencierait alors des autres juridictions actuelles, don’t l’impartialite n’est plus a demontrer?
    Et si le gouvernement force et cree cette institution, sa contribution pour la verite et reconciliation serait compromise et donc n’aura aucun effet!
    En cette periode ou les juges condamnent pour prison un criminel et continue a vaquer paisiblement a ses occupations criminelles sans s’inquieter;
    Au moment ou les juges refusent de convoquer ouvertement des noms cites dans des crimes odieuses, au moment ou des crimes sont en train d’etre commises dans une impunites totale et sans doute que d’autres crimes seront commises durant la periode ou la CVR serait en train d’accomplir son travail, va-t-elle s’occuper de ces nouvelles crimes, ..?
    Soyons serieux!
    Le pouvoir actuel est moralement inapte pour mettre en place une institution comme la CVR ou l’integrite, l’impartialite, la fermete, la reconciliation et la verite sont non negociables!!!
    Politiquement, ils ont la force d’acquitter et condemner qui ils veulent!
    Mais ces decisions ne pourront prendre l’effet que pour le temps que durera ce systeme politique!
    Je pense, que nous devrions faire mieux que perdre du temps encore!
    Esperons que nos dirigeants feront preuve de sagesse!

  5. Terimbere

    Merci Leonce!
    Votre sagesse est unique et merite d’etre notifie!

  6. Jereve

    Il nous faut des candidats « clean » pour les élections de 2015. Donc, il faut écarter dès aujourd’hui (enfin, avant les élections) tout candidat qui a participé aux massacres actuels ou passés. Si on n’écarte pas ce genre d’individus, il faut au moins que l’opinion générale accepte et accorde le pardon que l’une ou l’autre personne demandera dans le cadre justement de la CVR. Accepter que la CVR se tienne après les élections de 2015 signifie accepter que des criminels potentiels continuent de gérer le pays. Et justement ces gens vont tout faire pour prendre ou garder le pouvoir dans le seul souci de bénéficier de l’impunité. Pour le peuple, c’est maintenant le moment de débattre qui a fait quoi pour mériter ou démériter la course au pouvoir.

  7. Edward Nsabiyumva

    turabirindiye

  8. Theus Nahaga

    Personne au Burundi ne veut vraiment la CVR surtout si cellei-ci doit être neutre. Les responsables politiques d’aujourd’hui comme ceux d’hier sont liés par la violence, les assassinats, les viols, les destructions d’infrastructures, la mauvaise gouvernance et ainsi de suite

    Trouver des responsables neutres, qui sortent de la mêlée dans le Burundi actuel est impossible. Un Desmond Tutu burundais qui aurait une autorité intellectuelle et morale induscutable au Burundi et même au délà? je n’en vois aucun. Or sans une autorité morale et intellectuelle, la CVR est impossible.

    Pour le Burundi, il faudrait tout remettre entre les mains de la Cour Pénale Internationale (CPI). A elle de faire les enquêtes nécessaires, à elle de lancer des mandats d’arrêt, à elle de juger et punir le cas échéant. Le Burundi en lui-même ne sera jamais en mesure de juger les crimes et les violations des droits humains qui on été commis durant les 50 années par des Burundais sur des Burundais.

    • mututsi

      Si la CVR doit être composée de commissaires et/ou membres burundais, il serait sage de la faire marcher après les élections de 2015.
      Les Commissaires burundais, qui ? Même la Société Civile déçoit : vous n’avez qu’à vous rendre compte de la façon dont le dossier d’exhumation à Kivyuka a été traité. Aucun activiste de la Société Civile n’en a parlé. Pourquoi ? Parce que la Société Civile burundaises, pour les questions de politique et d’histoire , elle est 80-100% Tutsi. La CNIDH travaille uniquement sur le présent. L’Ombudsman, juste les taxi-vélos et motos et quelques cas de parcelles. Le Président de la République émane d’un parti politique. Les Évêques burundais, on sait ce qu’a été leur comportement pendant la guerre. Les dossiers brûlants : on y touche pas. La CPI, pour qu’elle travaille bien, elle devra commencer par ceux qui ont été les premiers à endeuiller le Burundi depuis son Indépendance, sinon, personne n’y sera envoyé pour être jugé. Ce serait injuste. Pire, certains des bourreaux ont été et sont encore considérés comme les vrais défenseurs de l’ethnie, sauf quelques cas extrêmes. CVR viendra, viendra pas ? En termes de justice, peut-être qu’elle n’apporterait pas de bénéfice pour les burundais, mais peut-être pas attiser encore les haines interethniques que les Burundais essayent d’oublier et de dépasser. La Vérité sur le passé douloureux sur nous mêmes, sur nos frères, nos voisins, nos mères, nos sœurs, nos tantes, nos oncles, nos cousins, nos grands-parents, éveille plus d’animosité que de soulagement. Elle exacerbe la plaie.

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