Vendredi 27 septembre 2024

Politique

La CVR face à un nouveau défi

La CVR face à un nouveau défi
Pierre-Claver Ndayicariye : « Ceux qui occupent des biens meubles et immeubles des victimes ou de l’Etat seront refoulés et obligés de les restituer »

La Commission Vérité et Réconciliation (CVR) du Burundi est une fois de plus sous les feux de la rampe. Appelé aujourd’hui à gérer les conflits fonciers et d’autres biens spoliés, une mission initialement dévolue à la Commission Nationale Terres et autres Biens (CNTB), cet organe par la voix de son président se dit confiant face à cette tâche particulièrement complexe, en plus de son cahier des charges initial.

Mise en place par la loi N0 1/11 du 28 mars 2024, la nouvelle mission que la CVR a héritée, était auparavant assignée à la CNTB, la Commission Nationale Terres et autres Biens.

Aujourd’hui, elle a pour tâche de connaître des litiges relatifs aux terres et autres biens opposants les sinistrés entre eux, les sinistrés à des tiers ou des sinistrés aux services publiques ou privés.

D’après cette loi, la CVR a également pour objet le traitement du passé lié aux violation des droits de l’homme et de la réhabilitation des victimes au sens de la justice transitionnelle.

Pour le président de la CVR, ce travail va se concentrer sur la période de 1885 à 2008 pour éviter que certains ne se focalisent pas seulement sur les périodes récentes douloureuses comme 1972.

Il fait savoir que même si la CVR vient d’hériter des anciennes attributions de l’ancienne commission, elle n’est pas un mécanisme judiciaire, elle va évoluer dans le sillage de la justice transitionnelle, c’est-à-dire un mécanisme qui va travailler à réparer ce qui n’a pas été fait lors de la commission des crimes des années 1960, 1970, 1990 et même avant.
« La violation massive des droits de l’Homme ne peut pas être analysé seulement en isolant les morts ou les victimes. La commission vient connecter les morts ou les victimes à leurs biens spoliés », a déclaré l’ambassadeur Pierre-Claver Ndayicariye.

Répondant aux questions des journalistes ce jeudi 26 septembre à Gitega, il a indiqué que la confiance est de mise concernant le traitement des dossiers laissés pendants devant l’ancienne Commission Nationale Terres et Autres Biens.
Il fait savoir que même des dossiers nouveaux seront traités pourvu que les victimes le désirent et s’adressent à la commission. Avec l’appui du gouvernement et des bailleurs, fait-il savoir, nous les rencontrons chez eux, pas nécessaire alors de descendre à Bujumbura, c’est la CVR qui viendra jusqu’à eux.

« Ce que nous demandons à la population de contribuer positivement pour que cette vérité vienne réhabiliter les victimes sans oublier l’impératif de paix, de sécurité et de cohésion sociale », a-t-il souligné tout en expliquant que la nouvelle loi de la CVR vient régler des contentieux que la justice classique n’a pas été à mesure de résoudre.

Pour lui, il ne suffit pas d’habiter une maison ou occuper une propriété foncière durant des années et se targuer d’être propriétaire, la nouvelle loi, la prescription acquisitive ne joue pas car cela est du domaine de la justice transitionnelle.

« Soyons positifs, décourageons des faux témoignages pour rétablir les victimes dans leurs droits. Ceux qui occupent des biens meubles et immeubles des victimes ou de l’Etat seront refoulés et obligés de les restituer », a-t-il averti.

Un héritage controversé

D’après certaines autorités provinciales, la CNTB a été au centre de nombreuses polémiques. Chargée de résoudre les différends fonciers et d’autres biens mal acquis, cette institution était accusée par plusieurs groupes d’être partiale et de favoriser les uns au détriment des autres.

Ils reconnaissent que le Burundi, marqué par des décennies de conflits ethniques, a vu les terres et les biens devenir une source de tensions récurrentes.

Pas mal de Burundais ont rejeté les décisions de l’ancienne Commission nationale Terres et autres Biens, arguant qu’elle contribuait à creuser davantage les divisions sociales et ethniques.

C’est dans ce climat de méfiance et d’amertume que la CVR hérite aujourd’hui de cette responsabilité. Selon le gouverneur de la province de Kayanza, l’ancienne commission a laissé des traces douloureuses car les terres, au Burundi, représentent bien plus qu’un simple bien matériel. Elles sont au cœur des identités familiales, communautaires et ethniques.

Pour réussir là où la CNTB a échoué, la CVR devra traiter les affaires en toute impartialité, et ce, sans être influencée par les pressions ethniques ou politiques.

Même son de cloche chez le gouverneur de Cankuzo, il souligne que la population attend que la CVR prenne en compte les voix de toutes les communautés. Pour ces autorités, la question demeure : « La CVR parviendra-t-elle à réussir là où la CNTB a échoué ? Si elle parvient à faire preuve d’impartialité, de transparence et d’inclusivité, elle pourrait non seulement résoudre les conflits fonciers, mais aussi contribuer à une réconciliation durable ! »

Ces autorités proposent que la CVR ne soit pas perçue comme un instrument politique, mais comme un organe indépendant au service de la réconciliation nationale. « Elle devra éviter de tomber dans le piège qu’a connu l’ancienne commission dans sa prise des décisions ».

Pour le gouverneur de la province de Ruyigi, Emmerencienne Tabu, la CVR devra adopter plusieurs mesures pour s’assurer du soutien et de la confiance de la population burundaise.

Elle s’interroge sur la question de savoir si la nouvelle loi de la CVR ne va pas créer des nouveaux mécontents arguant que les occupants actuels ne sont pas des véritables propriétaires alors qu’ils ont peut-être acheté ou qu’il s’agit d’un héritage laissé par leurs parents.

CVR

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