Le président Nkurunziza a annoncé à plusieurs reprises la mise en place de la CVR avant fin 2012. Des propos renforcés par son porte parole qui estime que la loi sur la CVR sera votée par l’Assemblée Nationale dans la session d’octobre. Des doutes planent partout sur le respect de cette promesse.
Dans le document du Cadre Stratégique de lutte contre la pauvreté, 2ème génération (CSLPII) qui sera présenté à Genève, Silvère Ntakarutimana, représentant du Forsc, indique qu’il y a un tout petit paragraphe sur la Justice Transitionnelle dans une centaine de pages parlant d’autres projets. Ce qui démontre qu’elle ne fait pas partie des priorités du gouvernement. Il souligne que durant la conférence de Genève, on risque d’oublier cela mais il espère qu’il y aura des gens déterminés à défendre cette cause.
Il reconnaît que l’élaboration d’un projet de loi préparant la mise en place de la CVR est un signe de bonne volonté. Mais, il a peur que cela ne reste dans les paroles sans actes concrets : « Aujourd’hui, on a vraiment entendu de bons discours de la part du chef de l’Etat et de son porte-parole. Des discours qui garantissent que la CVR sera mise en place avant la fin de l’année 2012. Donc, nous voulons que ces paroles soient une réalité ».
Il souligne qu’il y avait une promesse que ce projet de loi soit voté dans la session d’octobre. « C’est cela qui va montrer que clairement cette volonté y est », insiste-t-il.
Dans ce document du CSLPII, précise-t-il, on dit que le gouvernement burundais s’engage à mettre en place tout ce que les Burundais ont demandé dans les consultations de 2008. Ce qui signifie que le gouvernement s’est engagé à mettre en place la CVR d’abord, et la Justice va faire son travail pour punir les auteurs des violations des droits humains commis.
Il est noté aussi qu’il y aura des réparations pour les victimes et une réforme des institutions, le respect des quotas ethniques et l’aspect genre sera aussi pris en considération dans la mise en place de la CVR.
Ce qui est inquiétant pour lui, c’est qu’on le dit mais on ne précise pas comment le faire. Mais, ajoute-il, il s’agit d’une orientation générale peut-être: « Si on accepte le principe, espérons qu’on va trouver un plan opérationnel chaque année. Bref à mon avis l’intention est bonne, il reste à la matérialiser ».
M. Ntakarutimana précise que la CVR ou la Justice Transitionnelle ne devraient pas à fortiori apparaître dans CSLPII. Mais, rappelle-t-il, dans les décisions, on devrait montrer : « Qu’est-ce qui sera mis en place en premier lieu et faire un calendrier de travail montrant comment ce projet va être réalisé ». Il a l’impression que le plus urgent est de mobiliser les moyens. D’après lui, ce serait très important si ce volet figurait dans ce document.
Il ne refuse pas que les moyens peuvent constituer un obstacle mais il précise que ce qui manque cruellement, c’est la volonté politique.
D’où l’appel lancé aux politiciens d’anticiper pour que cette question trouve une orientation avant la tenue de la réunion de Genève. Ce qui pourra, espère-t-il, motiver les bailleurs. Il trouve que la délégation burundaise devrait fixer des priorités à défendre, s’entendre sur les volets à défendre et sans oublier de dépasser les divisions politico-ethniques.
Et de faire remarquer : «Genève viendra soutenir le pas déjà franchi par les Burundais eux-mêmes. Ce qui est urgent donc c’est d’élaborer de bonnes lois et ceux qui vont à Genève ont tous le devoir de défendre ce projet. »
Une question comportant des enjeux politiques
Du côté des victimes, le doute plane sur la mise en place de la CVR et de la Justice Transitionnelle. Marie Noëlle Miburo, une des victimes signale que la période d’hésitation est très longue. « En tant que victimes, nous voulons que la parole joigne l’acte parce qu’on en a parlé longtemps. Et plus on le dit, plus cela nous rappelle les malheurs que nous avons vécus dans le temps. Alors comme le chef de l’Etat l’a dit, il faut vraiment que ces mécanismes soient mis en place », lance Mme Miburo. Elle trouve urgent d’en finir avant la fin de cette année comme promis par le Chef de l’Etat, Pierre Nkurunziza.
Une idée appuyée par Silvère Ntakarutimana qui signale qu’il y a déjà 12 ans après l’Accord d’Arusha. C’est déjà un grand retard. Il se demande si toutes les choses qu’on n’a pas pu faire pendant 12 ans, on pourra le faire dans trois mois. Pas de garantie, selon lui.
D’après lui, cette question de justice transitionnelle est très délicate. C’est une question purement politique. Il estime que si un tel retard a été enregistré, c’est qu’il y a des questions sur lesquelles les politiciens ne s’entendent pas. M. Ntakarutimana ne doute pas qu’il y ait des intérêts des politiciens qui persistent.
Pour aboutir à une bonne loi, Silvère Ntakarutimana propose de s’inspirer des recommandations du rapport Kavakure, des avis des Nations-Unies et de la Société Civile.
Au niveau de la population, les inquiétudes ne manquent pas. Certaines personnes trouvent que le temps qui reste est très petit et qu’on n’a pas bien préparé la population à propos du pardon et de la protection des témoins. Elles proposent pour ce, de la sensibiliser sur le pardon et laisser la justice faire son travail. Mais elles restent optimistes. Rose, une jeune femme de la Commune Rango, province Kayanza, est claire : « Le président ne peut pas se contredire. On espère que la Commission Vérité Réconciliation va être mise en place avant la fin de cette année ».
Sous couvert d’anonymat, un quinquagénaire signale que cette commission doit être l’objet d’une large discussion avec les concernés.
Il affirme que s’il y a la volonté, cette commission pourra être mise en place. Mais, il demande que tous les concernés s’entendent bien sur ce sujet pertinent, « Que ce ne soit pas improvisé.»
Léonidas Hatungimana, porte parole du président de la République, indique que la question relative à la mise en place de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR), prend origine dans l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation.
Ces derniers jours, il fait savoir que cette question a connu une avancée significative dans ses préparatifs. Cependant, il rappelle la récente déclaration du président de la République, « il ne sert à rien de courir, il faut être patient et analyser tous les contours, consulter le maximum possible d’individus pour que une fois cette commission mise en place, elle se mette immédiatement au travail, sans perdre de temps.»
Selon lui, il y a déjà un rapport du comité technique qui a déjà été produit, le président l’a reçu officiellement et l’a donné aux autres acteurs qui puissent l’enrichir. Il affirme qu’on est en train de travailler sur ces amendements et il y a un autre comité qui est en train de travailler là-dessus pour élaborer un avant projet de loi pour le transformer en un projet de loi qui sera soumis au conseil des ministres. Dans ses prévisions, poursuit M. Hatungimana, le président veut que, dans quelques jours à venir, cet avant projet arrive au conseil des ministres. D’après lui, le comité y travaille et va le soumettre au ministre concerné pour qu’il le présente au conseil des ministres, pour ensuite être envoyé au secrétaire général du gouvernement afin de vérifier sa constitutionnalité. En prévision, ce projet de loi sera analysé au cours de la session parlementaire en cours. Avant d’ajouter : « J’ai déjà été mandaté pour annoncer au président de l’Assemblée nationale de se préparer déjà à recevoir ce projet de loi dans un proche avenir. »