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La culture, un formidable exutoire

27/11/2012 Commentaires fermés sur La culture, un formidable exutoire

Chansons, proverbes, contes, pièces de théâtres, poèmes, … sont des moyens utilisés pour extérioriser le passé douloureux et révéler des vérités. Seulement, il faut savoir décoder leur contenu. 

« Quand les gens chantent, livrent des contes,… ils extériorisent leur vécu. C’est une façon de dire la vérité sans blesser personne. Et cela permet de connaître la vérité sur le passé. Si c’est bien organisé, tout ce qui est culturel joue un rôle important dans la réconciliation ». C’est l’avis de David Niyonzima, expert au sein du Trauma Healing and Reconciliation Services (THARS).
D’après son expérience, la plupart des victimes et des bourreaux ont un point commun : « Celui de se réconcilier et de guérir leurs blessures. »
Selon lui, cette situation semble incompréhensible mais il faut savoir que les deux ont besoin d’une assistance. « Quand les personnes parviennent à exprimer leur passé douloureux via les chansons, c’est déjà important. Cela montre qu’ils le maîtrisent, le comprennent, l’intériorisent et sont au stade de la guérison », fait-il remarquer.

Pour M.Niyonzima « quand une personne est encore sous le choc, elle est incapable de parler du mal vécu. Mais si elle parvient à l’exprimer, elle est presque guérie ». C’est, précise-t-il, une thérapie à double cure.
« Un chanteur qui extériorise des situations douloureuses se trouve au-dessus d’elles. Et le fait que les spectateurs, pendant un concert par exemple, aiment ses chansons, le fortifie et le rend utile. En faisant rire les gens, les victimes et les bourreaux constatent son importance et se sentent soulagés. Avec des applaudissements, ils sont un peu réconfortés et la vie prend de plus en plus de goût », conclut David Niyonzima, expert au sein du THARS.

Les proverbes, une façon de dire la vérité sans blesser personne

Pour la population de Kayanza, les sages disaient des réalités via les proverbes. « C’était une façon de faire un clin d’œil, (…), une façon de se dire la vérité sans rancunes. Et de cette façon, on crée un climat d’entente », raconte Bonithe Nzokirantevye, un sexagénaire de la commune Gatara.

« Par exemple, si on prononce le proverbe « Ukuri gushirira mu kuyaga » (Des échanges, jaillit la vérité), cela signifie qu’à force de dialoguer, de s’entretenir, …on parvient à se dire la vérité. C’est un moyen de rapprochement, pouvant aboutir au pardon et à la réconciliation. »
Cependant, ce vieil homme indique que la culture burundaise a connu des changements et le dialogue n’est plus prioritaire. Pour lui, ce comportement est lié à la recherche des richesses.

Pour résoudre un différend, dans le temps, il indique qu’un dialogue autour d’une cruche d’ «urwarwa » (la bière locale de banane) était engagé. Et les deux parties en conflit cherchaient un médiateur. « Et cela dans le but de se conformer au proverbe ‘’Intibagira ntibana ‘’ (Qui n’oublie jamais, ne peut cohabiter avec les autres). La tolérance était comme un principe et la vengeance une exception », indique-t-il. Selon lui, il est temps que les Burundais dépassent les divisions ethniques, se défassent du passé douloureux et se réconcilient.

Les chansons, un moyen de rappeler le passé et de prodiguer des conseils
«Si on écoute attentivement, la chanson Yaramenje (de Jean Pierre Nimbona, alias Kidumu), on est touché par ce qui s’est passé au Burundi. Le chanteur évoque la guerre, des tueries commises, …fondées en grande partie sur l’ethnie », indique Morelle Ntirampeba, un homme de 54 ans, de la Colline Musema, commune Butaganzwa, province Kayanza.

« Le chanteur ne cite pas nominativement les auteurs des crimes ou d’autres événements, ne donne pas la date exacte, le lieu,… il se sert des tournures. Si on parvient à décoder leurs contenus, il y a une grande leçon donnée via la chanson », précise-t-il.
D’après lui, les Burundais donnent des enseignements par l’usage des figures de style et des tournures. « Ils peuvent parler de quelqu’un sans toutefois dévoiler son identité même s’il est présent », ajoute M. Ntirampeba.
Les proverbes contiennent des vérités. « Mais, il faut savoir décortiquer le message donné », conclut-il.

Un musicien dans le travail de la Commission Vérité Réconciliation(CVR)
« Le musicien peut pointer tout ce qui ne va pas dans la société. Même si les Burundais ne sont pas ouverts, nous avons besoin de dire la vérité. Avec, ce processus, il faut dire la vérité et cela ne signifie pas un retour dans le passé », indique Prosper Burikukiye, alias Bahaga, un musicien, tout en signalant qu’on peut dire la vérité alors qu’on a déjà accordé le pardon.

D’après lui, il préférerait que cette commission s’appelle « Vérité, justice et pardon ». Il faut que les fautifs soient connus. « Et je crois que nous les musiciens, comme toute autre personne, avons quelques contributions », fait-il remarquer. Il pense que les chanteurs vont accompagner le processus comme ils l’ont fait dans le cadre du cinquantenaire dans le but d’inciter les Burundais à dire la vérité.
Pour Lolilo, un autre chanteur, un musicien est un pacificateur, un miroir pour une société. Sur sa contribution dans le travail de la CVR, Lolilo estime qu’un chanteur est comme un cultivateur ou un militaire marchant avec son arme. Il signale que les musiciens donnent à la population le goût de vivre. Ce chanteur ne doute pas que les chanteurs vont aider dans la connaissance de la vérité sur le Burundi.

… et le film?

Avec son film documentaire « Histoire d’une haine manquée », Eddy Munyaneza affirme qu’il a voulu montrer qu’au moment où la majorité des gens semblait sombrer dans l’animosité, il y en a eu qui ont gardé l’esprit humanitaire. D’après lui, le tournage de ce film était une façon de remercier ses « sauveurs » durant la crise de 1993.
Avec la projection de ce film, Eddy Munyaneza indique que les bourreaux se sont sentis soulagés. « Ils se sont rendus compte qu’ils sont fautifs. Il y en a même qui sont venus avouer à notre famille des crimes dont on n’avait pas une idée. Beaucoup ont demandé pardon. Mon film a été un moyen idéal de ressouder les liens entre les voisins », se réjouit-il.
Il est convaincu qu’avec les films sur les témoignages des hommes qui ont gardé leur humanité au moment où d’autres étaient envahis par la barbarie « on peut changer le comportement des gens ».

CVR

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