Jeudi dernier, la présentation du projet de loi budgétaire 2024-2025 au Parlement a provoqué de vives critiques. Les députés ont dénoncé des retards inacceptables dans la transmission du projet, qui compromettent sérieusement leur capacité à mener une analyse approfondie avant le vote décisif.
Lors de la présentation des observations sur le budget par la Cour des comptes, Gaston Sindimwo n’a pas caché son mécontentement. « Pourquoi les commentaires de la Cour des comptes arrivent-ils si tard ? De plus, les recommandations fournies aux députés, notamment à la Commission des finances, sont également reçues trop tard, alors que nous devons étudier le projet demain », a-t-il déclaré.
En réponse, Réverien Bahati, vice-président de la Cour des comptes, a expliqué que les délais prévus pour l’examen du projet de loi de finances n’avaient pas été respectés cette année en raison de retards survenus lors de sa discussion au Conseil des ministres. « Nous avons reçu le projet de finances un jeudi et avons travaillé intensivement pour préparer notre rapport en quelques jours seulement. Il était impossible de respecter le délai dans son intégralité », a-t-il précisé.
Les députés de la commission des finances ont indiqué que le projet de loi n’a été présenté à l’Assemblée nationale que le 4 juin, soit plus de deux mois après la date prévue. Cette anomalie a mis en lumière des questions sur la ponctualité et l’efficacité des processus administratifs liés à la gestion financière nationale.
Audace Niyonzima, ministre des Finances, a justifié ces retards en soulignant la complexité de la préparation du budget pour l’année fiscale 2024-2025. Il a précisé que les prévisions et documents stratégiques nécessaires avaient été finalisés en conformité avec la loi. Le ministre a ajouté que cette complexité, impliquant la révision des textes législatifs et leur alignement sur les objectifs stratégiques nationaux, avait nécessité un temps supplémentaire.
Interrogé sur le retard de la transmission du rapport d’exécution de performance budgétaire pour les 2e et 3e trimestres 2023-2024, le ministre a admis des difficultés dans la compilation des rapports en raison de contraintes techniques et de retards dans la transmission des informations par certains ministères.
Gabriel Rufyiri, président de l’Observatoire de la lutte contre la corruption et les malversations économiques (Olucome), a également exprimé ses préoccupations concernant les conséquences de ces retards sur la transparence et la bonne gouvernance. Selon lui, les retards enregistrés ne sont pas uniquement dus à des défaillances de la Cour des comptes, mais aussi à des délais dans la publication de la lettre de cadrage budgétaire par le gouvernement. « Le gouvernement, à travers le ministère des Finances, a publié la lettre de cadrage budgétaire le 29 mars 2024, alors qu’elle aurait dû être publiée au début de janvier », a-t-il relevé.
Rufyiri a insisté sur le fait que ces retards compromettent sérieusement la transparence dans la gestion des finances publiques, en limitant le temps disponible pour une analyse approfondie par les députés et les organes de contrôle. Il a averti que cette situation pourrait nuire à la bonne gouvernance et à la confiance des citoyens dans les institutions publiques. Pour lui, il est crucial de réformer les processus administratifs afin de garantir le respect des délais constitutionnels et d’améliorer la coordination entre les différentes entités gouvernementales. Ces réformes sont essentielles pour éviter les retards futurs et assurer une gestion transparente et efficace des ressources publiques.
Eclairage d’un expert
Emery Gaspard Simbahwanya, professeur d’université et ancien conseiller technique au ministère des Finances, a expliqué les impacts potentiels des retards sur le processus d’évaluation budgétaire. « Un manque de temps suffisant pour une analyse adéquate du budget peut entraîner une mauvaise affectation des crédits budgétaires et un manque de transparence dans la gestion des finances publiques », a-t-il déclaré.
Simbahwanya a mis en garde contre le risque d’une imposition excessive et des décisions fiscales inappropriées qui pourraient décourager les investisseurs et nuire à la croissance économique. Selon lui, si les commentaires de la Cour des comptes sont publiés en retard, cela compromet la capacité des législateurs à évaluer de manière critique les propositions budgétaires. Il a insisté sur la nécessité d’améliorer le processus d’évaluation budgétaire pour assurer une gestion transparente et efficace des finances publiques.
Il a également souligné l’importance de renforcer le respect des délais constitutionnels et d’améliorer la coordination entre les différentes institutions impliquées dans l’élaboration et l’examen du budget national. Ces ajustements sont essentiels pour promouvoir une gouvernance financière responsable et garantir que les ressources publiques soient utilisées de manière efficace pour le développement socio-économique du Burundi.