Dans une société post-conflit, il est très difficile de communiquer sur le passé sans risque d’attiser les tensions. La mauvaise communication ne fait qu’attiser d’autres violences. Jean Bosco Harerimana, expert en justice transitionnelle, appelle à une communication non-violente.
Comment doit-on communiquer sur le passé conflictuel ?
Il est difficile de déterminer ce qu’une personne doit communiquer sur le passé qui divise et provoque des divergences d’opinions. D’emblée, il est très important de prendre conscience de la valeur de ce que l’on dit et des conséquences plausibles. Il serait important d’éviter de diaboliser les membres des groupes et de globaliser sur les événements malheureux. C’est-à-dire de faire porter la responsabilité à un groupe de gens, qu’il soit ethnique, régional, religieux ou racial. Il est nécessaire d’adopter une stratégie qui privilégie le juste-milieu. Ne pas couvrir la vérité, mais éviter de s’attaquer à des gens ou de se créer des ennemis. C’est plutôt de se limiter sur des faits.
Comment se rassurer que cette communication ne renforce pas la polarisation ?
Pour prévenir la polarisation de la société, il faut se tenir à distance de la tendance à la globalisation. Souvent, nous connaissons ce qui s’est passé chez nous, sur notre colline, dans notre village. C’est ce que nous appelons généralement une vérité bornée, car nous sommes bornés dans notre façon de comprendre les choses. Il y a d’autres événements malheureux et douloureux qui se sont passés ailleurs qu’il faut noter. Il ne faut surtout pas refuser la souffrance des autres.
Comment se maîtriser quand on a été victime des violences du passé ?
C’est très difficile, car cela dépend des circonstances. Nous avons constaté des cas où des victimes au contact de certaines vérités, notamment lors de l’exhumation des ossements, tombent en syncope. Par principe, ce que nous disons peut contribuer à la réconciliation de notre nation ou attiser les divisions. Il importe d’utiliser un langage doux et de se garder de toute globalisation.
Ensuite, faire confiance aux organes qui gèrent le processus de réconciliation en cours est indispensable. Dans la limite du possible, on adopte un style qui permet aux uns et autres de se parler, mais aussi de s’écouter mutuellement. Très récemment, nous avons vu des victimes, des survivants parler et pardonner aux auteurs de leurs malheurs et d’autres violations des droits de l’homme. Alors, moyennant l’action de l’Etat et d’autres acteurs, c’est possible d’y arriver.
Comment intervenir pour prévenir la polarisation ?
Les grands acteurs, notamment l’Etat, les ONG, les organisations de la société civile, les églises et les médias doivent faire un grand travail. Il s’agit d’aider à l’opinion à confronter des versions divergentes de l’histoire pour que les personnes du village X et colline Y comprennent que ce qui a touché leur coin s’est aussi produit ailleurs dans le pays. Certains se rendront compte qu’ils n’ont pas le monopole de la souffrance. D’autres groupes et dans d’autres périodes ont également souffert. On les aide à développer la capacité d’écoute et la flexibilité de comprendre. Se mettre dans la peau des autres pour compatir.
Et à défaut de cette empathie ?
Si ce n’est pas possible de se parler, c’est la création des ennemis. On stéréotype l’autre groupe. On le perçoit comme un ennemi. Cela perpétue le conflit au lieu de le résoudre. Il y a donc un risque de radicalisation, le terreau à d’autres conflits.
Propos recueillis par Jérémie Misago
Mr Jean Bosco il faut, sans crainte, expliquer à Ndayicariye que les hutus ont massacré les tutsis en 65;72;88;93 et vice-versa