Dimanche 21 avril, un palier est franchi dans la commune Butihinda en province Muyinga. Environ cinq Imbonerakure retrouvent une dizaine de jeunes militants du CNL et du Frodebu dans un bar du centre de la colline Rukira. Ces derniers sont accusés d’être en intelligence avec un ennemi extérieur s’apprêtant à mener une attaque sur le sol burundais. Les opposants s’irritent au point de rouer de coups ces jeunes du parti au pouvoir.
Ce front uni affiché par ces « damnés du Burundi » donne à voir le potentiel explosif de l’intolérance politique. Dans l’avenir, des cas similaires pourraient affleurer ici et là sur les 27 834 km2. La provocation « justifiant » une réponse musclée.
Pouvait-il en être autrement ? Le sentiment de toute puissance de certains Imbonerakure se déverse comme un puissant torrent sans qu’aucun échelon du parti au pouvoir ne sonne la fin de la récréation.
Plus consternant encore, les organisations de la société civile, fer de lance dans la défense et la promotion des droits des citoyens, ne pipent mot, pas une ligne. Peur des représailles de l’Aigle aux serres acérées ou l’apathie gagne du terrain ?
Si des éléments de la jeunesse du parti de l’Aigle continuent de privilégier la violence verbale comme unique mode d’expression dans leurs interactions avec les jeunes du dehors du système, nous risquons d’assister sous peu au déclenchement d’une spirale de violence. Un climat toxique prévaudrait alors en pleine période préélectorale, hypothéquant la tenue d’élections crédibles, apaisées et transparentes en 2020.
Le langage de la force privilégié par des jeunes militants situés de part et d’autre sur l’échiquier politique est le point d’orgue de la régression de l’intelligence. Si l’échange fécond entre idées contradictoires disparaît, la parole elle-même s’en trouve menacée. En ces temps obscurs où la raison semble avoir migré vers des cieux plus cléments, la pensée de Montaigne est d’une urgente nécessité au pays des mille et une collines : « Je m’avance vers celui qui me contredit. »