Le stock de devises ne cesse de dégringoler. La BRB explique que cette baisse est causée par la diminution des dons extérieurs. Selon un expert, le niveau de devises actuel révèle que l’économie est en danger. Et d’appeler l’Etat à contracter un prêt d’urgence.
« Les réserves officielles ont diminué de 10,9% et couvraient 1,0 contre 1,7 mois d’importations de biens et services en 2017 », lit-on dans le rapport annuel de 2018, publié le 22 novembre 2019.
Les réserves officielles sont le stock de monnaies étrangères accumulé par la banque centrale, en liquide, obligations et actifs financiers. Dans ce rapport, la BRB ne dévoile pas la composition de ces réserves.
Cette publication montre que le stock de devises a battu un nouveau record. Elles restent à un niveau critique jamais atteint depuis longtemps. De 2014 jusqu’en 2018, les réserves en devises ont fondu de plus de trois quarts: de 317, 3 à 70 millions de dollars américains.
D’après Jean Ciza, gouverneur de la BRB, ce faible niveau des réserves de change est principalement lié d’une part à la suspension de dons courant et, d’autre part, à la diminution des dons en capital des partenaires extérieurs.
De 2017 à 2018, explique-t-il, les appuis extérieurs en capital ont régressé de 27,6%. Ils sont passés de 292,8 à 211,8 milliards BIF. Sur 372.250,6 millions BIF prévus, les décaissements de ces dons ont été réalisés à hauteur de 56,9%.
Cela s’ajoute à un déficit commercial chronique. Les importations ont augmenté de 7,6% alors que les exportations ont baissé de 7,4% en 2018.
Pour lui, cette baisse des réserves de change est une caractéristique commune des pays de la CEA qui n’ont pas atteint le critère de convergence, soit 4,5 mois d’importations, à l’exception du Rwanda et de la Tanzanie.
Le stock de devises est alarmant
Selon l’expert Faustin Ndikumana, cette chute des réserves est le résultat normal du gap entre les activités qui génèrent les recettes en devises pour le pays et les sorties en devises nécessaires pour les importations.
Pour cet économiste, cette dégringolade continuelle et effrénée montre que les politiques initiées par la BRB ont été sans effet. Il rappelle que par la loi des Finances publiques pour l’exercice 2016, l’Etat retire aux banques commerciales la gestion des comptes en devises des organisations non gouvernementales.
L’article 14 de cette loi stipule que tous les comptes en devises des entités et projets de l’Etat et ceux des ONG recevant de l’aide extérieure doivent être ouverts à la BRB. En outre, cet article concerne également les entreprises et coopératives minières. Ces dernières doivent ouvrir les comptes en devises au niveau de la BRB pour rapatrier les recettes minières.
Cet expert déplore que malgré ces mesures, les stocks des devises n’ont pas cessé de dégringoler. « Le gouvernement a tapé à côté. Il faut chercher les solutions ailleurs », conclut-il.
D’après Faustin Ndikumana, les réserves en devises révèlent que le pays se trouve dans une situation très préoccupante et difficile. C’est la preuve que le pays se trouve dans une situation économique fragile et délicate.
Et de marteler que personne n’ignore que les réserves en devises sont vitales pour l’économie. Sans le stock adéquat, le Burundi serait dans l’incapacité de faire ses opérations quotidiennes à savoir l’importation et le paiement de la dette extérieure.
M. Ndikumana va plus loin. Avec cette faible capacité d’importation, le pays fait face à un risque élevé. A tout moment, il peut se retrouver dans une situation de cessation de paiement » L’économie nationale est en danger. Il ne peut réaliser aucun projet de développement. »
Par ailleurs, ces réserves de devises montrent que le gouvernement ne peut pas réaliser son plan national de développement 2018-2027. Le pays n’est pas capable d’importer les matières premières nécessaires pour mettre en œuvre ce projet costaud.
Pour sauver le pays, Faustin Ndikumana appelle le ministère des Finances à intervenir rapidement. » Il faut contracter un prêt d’urgence pour renflouer le stock de réserves de changes. » Ce qui permettrait aux investisseurs d’avoir des devises suffisantes pour importer.
Enfin, l’Etat doit initier des politiques pour promouvoir les exportations et attirer les investissements directs étrangers.
La baisse se poursuit
Depuis 2018, l’économie nationale tourne. Les indicateurs ne sont pas restés statiques. D’après les données disponibles des banques centrales, le stock de devises se réduit chaque trimestre. Selon le rapport du mois de mars 2019, la situation s’est dégradée.
Les réserves officielles ont reculé de 20,1% par rapport au trimestre précédent, s’établissant à 56,13 contre 70,25 milliards de dollars américains. Elles ont baissé de 22,2% et couvraient 0,7 contre 1,0 mois d’importations de biens et services au même trimestre de 2018 alors que le niveau plancher est fixé à 4,5 mois dans les critères de convergence de la CEA.
Selon ce même rapport, au premier trimestre 2019, la balance commerciale s’est également caractérisée par le creusement du déficit de la balance commerciale. Elle s’est établie à 328,3 contre 253,09 milliards de BIF au dernier trimestre de l’année dernière. Et de préciser que les exportations ont diminué de 39,53 milliards BIF. Tandis que l’augmentation des importations s’élève à 35,68 milliards BIF.
Depuis 2016, la BRB se veut rassurante, mais les chiffres sont têtus. Les réserves de change ont baissé. Depuis, ces mêmes réserves n’ont jamais pu revenir au même niveau.
Pour le moment, les devises sont à un seuil alarmant : 0,7 mois d’importation. L’économie nationale est dans le tournant.
En effet, le matelas de réserves a baissé d’environ 14,12 millions de dollars entre janvier et avril de cette année, soit en trois mois. Pour certains, ceteris paribus, les réserves s’épuisent le premier trimestre de l’année prochaine.
Analyse/ L’urgence pour sauver l’économie
Le retard ne se rattrape jamais en économie. Pour s’en sortir, les autorités monétaires doivent prendre des mesures d’urgence afin d’éviter de revivre le même scénario des années antérieures, marquées par le recours au FMI, avec la menace de cessation de paiement. Un tel scénario aura un impact direct sur la valeur du BIF. Celle-ci est soutenue par les réserves, la croissance et la balance commerciale. Si un de ces trois éléments est déstabilisé, la valeur en BIF est affectée.
Par ailleurs, tous ces piliers affichent de mauvais signaux. Le taux de couverture des importations est proche de zéro. La croissance économique stagne. La balance commerciale est toujours déficitaire. Si la situation ne se redresse pas, le recours à l’endettement extérieur sera inévitable.
Vaut mieux prévenir que guérir. Il est préférable que les autorités empruntent de l’argent sur le marché financier international avant l’épuisement de ses réserves. Pour le moment, nous doutons que le pays soit en position de force pour négocier.