Le Président de la République a rejeté toute idée de négociation, même s’il a parlé d’un certain dialogue. Pourtant, le pouvoir semble multiplier son action de casser ses partenaires éventuels dans ce dialogue, notamment par la politique de la zizanie au sein de l’opposition.
En refusant toute négociation avec l’opposition, dans son dernier discours, le Chef de l’Etat, a pourtant laissé une petite brèche pour un dialogue inclusif sur certains points, dont la modification de la constitution. Pour certains partis politiques intéressés, cette brèche n’est qu’un leurre, et ceux qui y croient semblent exclure les autres. Ce qui démontre la main du pouvoir pour finalement mener à sa guise ce dialogue.
<doc2715|left>Pour Bonaventure Niyoyankana, président de l’Uprona, le dialogue doit inclure tous les partenaires politiques, qu’ils soient dans le gouvernement ou non, de l’ADC-Ikibiri ou pas. Car, selon lui, l’ADC-Ikibiri croit que l’Uprona n’est pas un partenaire dans le dialogue, alors que, au fond, les revendications de l’ADC sont celles de tout le monde. « Sinon, certains partis politiques risquent de d’exiger des conditions qui les discréditent », prévient le président de l’Uprona. Pour lui, il appartient à chaque formation politique d’apprécier, analyser sa situation pour adopter une solution et une voie convenables pour le bien de la nation.
Une opposition qui s’exclut ?
Zedi Feruzi, de l’UPD-Zigamibanga, parle d’un dialogue inclusif, mais qui semble limité. Selon lui, l’Etat devrait dialoguer avec tous les partenaires sociaux et politiques. Mais, souligne-t-il, « les partenaires dans ce dialogue seraient les leaders des partis politiques qui sont reconnus par l’Etat, car désignés par leurs membres, et non ceux qui sont mis en avant par les médias comme Chauvineau Mugwengezo. » Pour le président de l’UPD reconnu par le pouvoir, « l’ADC-Ikibiri parle plus haut que les autres, mais sans détenir la vérité, car même les autres partis politiques ont leur vision. »
Cependant, ajoute-t-il, même les autres pourraient être associés. Ainsi, selon lui, si Agathon Rwasa peut aider dans la recherche d’une solution, il faut l’associer, ainsi que tous ceux qui ont un apport pour le bien de tous.
Jean Minani, président du Frodebu Nyakuri, semble adopter la même position que M. Feruzi, puisqu’il précise que seuls les partis politiques agréés, ainsi que la société civile, devraient être associés. Selon lui, l’ADC-Ikibiri ne peut pas y être associée parce qu’elle n’est pas agréée, et ce serait un combat inutile. « Les partis membres de l’ADC-Ikibiri devraient former une coalition acceptée par la loi, mais c’est impossible car il y existe une mésentente entre ces partis à cause d’un problème de leadership », indique ce député. Il ajoute néanmoins que les partis de l’ADC-Ikibiri avec leurs ailes ne pourraient pas participer, mais que leurs leaders pourraient y prendre parti en leurs propres noms.
Un dialogue inclusif…
Bien que l’attitude de certains politiciens soit exclusive, ils semblent tous être d’accord pour un dialogue inclusif, à l’instar de François Bizimana du Cndd. Pour lui, le dialogue ne doit exclure personne, quitte à ce que, au fur et à mesure que les questions sont posées, chacun prenne sa position, soit du côté du gouvernement, ou de l’opposition. Car, précise-t-il, il ne faut pas oublier que, même à l’intérieur d’un parti politique, les antagonismes ne manquent pas avec des points de vue différents : « C’est souvent le fait du pouvoir qui divise les formations politiques de l’opposition, ce qui est un manque de vision car, quand on crée un monstre, il finit par vous terrasser », tient à souligner porte-parole du Cndd.
… et hypothétique
Même Jacques Bigirimana du FNL est pour un dialogue inclusif dans lequel tous les partis politiques seraient associés, du moins ceux qui sont reconnus par le gouvernement, ainsi que toutes les organisations non politiques, sans oublier la société civile et les médias.
Cependant, Léonce Ngendakumana, président du Frodebu, n’est pas dupe et ne croit pas à la bonne foi du pouvoir. Pour lui, les partenaires du pouvoir dans un dialogue seraient les partis politiques « ailes » issus des autres formations politiques de l’opposition. Il ajoute qu’il n’a jamais entendu le président clarifier ce dialogue qu’il brandit. Sinon, souligne-t-il, « le gouvernement devrait dire comment ce dialogue serait organisé, ne fût-ce que pour la CVR, à six mois du début de ses travaux. » Il indique que le Président de la République a annoncé une probable modification de la constitution sans avoir consulté le gouvernement, comme le stipule la Constitution : « S’il ne dialogue pas avec son propre gouvernement, ce n’est pas avec l’opposition qu’il le fera », en conclut le président du Frodebu..
<doc2716|right>Le pouvoir veut faire cavalier seul
« On négocie avec son adversaire politique, et ceux du gouvernement se trouvent dans l’ADC-Ikibiri. Ce sont eux qui réclament ce dialogue », indique le politologue Jean Salathiel Muntunutwiwe. Un dialogue inclusif qui inclurait tous les partenaires politiques affaiblirait la position de l’ADC-Ikibiri, et c’est l’option que privilégie le pouvoir. C’est, en définitive, l’absence de dialogue puisque l’alliance risque de ne pas se présenter. Le pouvoir risque donc d’avancer par force en associant seulement les formations politiques qui adoptent sa vision. Il appartient pourtant au Chef de l’Etat d’écouter d’abord les partis qui disent ce qui ne va pas dans le pays, et d’associer les autres après.
Mais vu la voie sur laquelle est lancée le pouvoir, il est en train de réussir dans sa mission de casser l’ADC-Ikibiri, notamment en créant des ailes dans les partis membres de l’alliance qui s’excluent eux-mêmes d’un probable dialogue. La volonté du pouvoir de faire cavalier seul se confirme donc de plus en plus et le Président de la République ne semble pas conscient de ce problème qui risque de confirmer qu’il roule pour un seul parti.
En effet, idéologiquement, le pouvoir travaille pour le peuple mais, en réalité, en regardant les pratiques politico-administratives et le comportement de certains acteurs du pouvoir, on se demande s’ils ne travaillent pas pour leurs propres intérêts. Ce qui cause la multiplication des centres d’intérêts, au détriment de l’intérêt général.