L’opinion publique accuse la police d’avoir été inefficace lors de l’incendie au marché central. Iwacu a enquêté.
<doc6958|left>1. De combien de véhicules de pompiers disposons-nous ?
D’après notre enquête, il y a 11 camions extincteurs, 6 affectés dans Bujumbura Mairie dont deux seulement sont fonctionnels. Mais, d’après Générose Ngendanganya, directeur général adjoint de la police de la protection civile l’un des véhicules ne faisait que ramener de l’eau à l’autre qui fonctionnait à peine. Les cinq autres sont affectés pour l’intérieur du pays et tombent aussi souvent en panne. Quatre autres camions anti-incendie (de l’Aéroport, de l’Exploitation du Port de Bujumbura et deux de l’intérieur du pays) sont venus prêter main-forte à la police. Deux autres camions citernes, respectivement de la Sogea Satom et de la Croix Rouge, sont également venus en renfort.
2. A quelle heure les pompiers sont-ils arrivés ?
« Nous avons reçu le premier coup de fil à 7 h 30. Nous avons tout de suite contacté le service de garde basé à la Police de Sécurité de Roulage (PSR) pour une rapide intervention », raconte le commissaire de police Mme Générose Ngendanganya, directeur général (DG) adjoint de la police de la protection civile. « Cependant, nous avons eu des difficultés, avec notre camion extincteur, à approcher le marché à cause de la foule immense autour. Au moment du drame aucun camion n’était stationné au marché central de Bujumbura. »
Le directeur de la Sogemac, Cyprien Horugavye, confirme que cela faisait quelques jours qu’aucun camion ne venait stationner à côté du marché. Le véhicule des sapeurs pompiers qui est intervenu était, affirme-t-elle, garé à la PSR et jouait aussi le rôle de déplacer les policiers lorsqu’ils font les tours de garde.
Constat d’Iwacu : Selon nos enquêtes, le feu a démarré vers 6H 45 et les premiers camions des pompiers sont arrivés vers 8 h 30.
3. Les passages des camions des sapeurs étaient-ils dégagés ?
Les allées aménagées pour le passage des camions des sapeurs pompiers ont été rétrécies : « Nos sapeurs pompiers ont été obligés de démolir certains stands pour se frayer un chemin. Ils n’ont presque pas avancé et les jets d’eau se faisaient de l’extérieur », regrette le directeur général adjoint de la police de protection civile. Plusieurs commerçants comme Melchior Habonimana, vendeur de sac à mains pour dames, dans ce marché, confirment les propos.Le directeur de la Sogemac réfute les allégations et maintient qu’aucun stand n’avait été aménagé dans ces allées.
Constat d’Iwacu : Plusieurs sources recoupées confirment que les allées étaient encombrées et qu’elles étaient dégagées lors des exercices annoncés des pompiers…
4. Quid des bouches d’incendie ?
Le directeur de la Sogemac dit que le marché central de Bujumbura possède quatre bouches à incendie. Quant à la police, elle affirme n’en avoir utilisé que trois mais, seulement pour éteindre le petit feu dans les produits déjà calcinés : « Le débit de l’eau était trop faible », se désole le DG adjoint de la police de la protection civile.
<doc6959|right>5. Les pompiers sont-ils formés et équipés ?
« Nous avons une bonne formation, grâce à la coopération internationale, en ce qui concerne l’exécution de notre mission », indique le commissaire de police Mme Générose Ngandanganya. Elle explique que son équipe procède à des exercices de simulation au moins deux fois tous les trimestres. Pour elle, son service n’a cessé d’interpeller les patrons de la Sogemac. La protection civile leur demandait, sans arrêt, d’interdire l’installation des stands dans les passages des camions sapeurs pompiers. « Personne n’a tenu compte de nos recommandations », regrette le DG de la protection civile.
Lors de l’incendie, on a vu des pompiers sans aucune tenue de protection. Mme Ngandanganya affirme que ceux qui étaient de garde portaient une tenue adéquate et un casque. Mais que d’autres ont été réveillés à la sauvette et n’ont pas pu les mettre. Il nous a fallu cinq minutes, précise le commissaire, pour arriver sur les lieux. Parmi les 500 policiers sapeurs pompiers de la protection civile, seulement une quarantaine possède une tenue adéquate : « Il nous manque, énumère les services de la protection civile, des meuleuses, des haches qui sont résistantes, des tronçonneuses, d’émulsifiant (ndlr. produit blanchâtre qu’on mélange avec l’eau pour une maîtrise rapide du feu), de nouveaux camions sapeurs pompiers, des outils pour démolir les murs, des talkies-walkie (ndlr. Ils utilisent le téléphone fixe de l’Office National des Télécommunications) pour éviter les problèmes de connexion, etc. Bref, un budget consistant. »
Et faute de moyens, le Centre Nationale d’Opération d’Urgence n’existe pas encore. C’est cela qui a causé la mauvaise coordination. « Ce centre est indispensable », explique le commissaire de police Mme Générose Ngandanganya.
Constat d’Iwacu : Nos reporters ont remarqué l’amateurisme des pompiers lors de la catastrophe. (Voir notre édition spéciale du 29 janvier en page 5)
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Un centre Nationale d’Opération d’Urgence inexistant : il existe une Plateforme Nationale qui est un organe inclusif, technique, multidisciplinaire et interministériel chargée de la gestion des risques des catastrophes. Elle a une approche participante des intervenants. Le problème, c’est qu’elle n’a pas mis en place le Centre Nationale d’Opération d’Urgence. Comment fonctionne-t-il ?
A chaque fois que surgit une catastrophe de grande ampleur, il réunit tous les membres interpellés (ministères, organisations non gouvernementales, journalistes,…) pour coordonner toutes les opérations. Il y a ceux qui sont sur le terrain qui font savoir, à ce quartier général, ce dont ils ont besoin. Cette équipe fait tout son possible pour satisfaire les demandes. Mais, faute de moyens, cette plateforme n’a pas été à la hauteur.