Les listes électorales sont bloquées pour chaque parti, et d’ailleurs entérinées par la CENI selon les règles constitutionnelles lors du dépôt de ces listes. Nul ne peut les modifier, sous peine de contrevenir à la loi et à la Constitution.
C’est le respect de la Constitution et de la loi qui est en jeu au Burundi. La CENI a commis au moins deux erreurs flagrantes qui écornent sérieusement sa crédibilité et vont poser de sérieux problèmes à la Cour constitutionnelle dans les prochains jours. Car celle-ci est tenue, selon l’article 76 de la Loi du 20 mai 2019 portant code électoral, de « vérifier la régularité » des résultats provisoires des élections, indépendamment des recours qui lui sont éventuellement adressés.
L’article 73 de la Constitution promulguée en 2018, explicité par l’article 108 du code électoral, est formel : « Les élections des députés se déroulent suivant le scrutin des listes bloquées à la représentation proportionnelle ». Les listes électorales sont donc bloquées pour chaque parti, et d’ailleurs entérinées par la CENI selon les règles constitutionnelles lors du dépôt de ces listes. C’est pourquoi elles figurent le plus officiellement du monde sur les bulletins de vote remis aux électeurs le jour du scrutin. Nul ne peut évidemment les modifier, sous peine de contrevenir à la loi et à la Constitution.
Or c’est bien ce que vient de faire la CENI dans deux cas très précis : dans la province de Kayanza et dans celle de Bujumbura.
A Kayanza, il y avait 7 députés à élire. Selon la CENI le vote a abouti à la répartition des sièges suivante : 5 pour le CNDD-FDD et 2 pour le CNL. Les 5 élus CNDD-FDD sont bien les 5 personnes qui figuraient en tête de la liste bloquée de leur parti (de 1 à 5), mais les 2 élus CNL ne sont pas ceux qui figuraient en tête (1 et 2) de leur liste, soit Léopold Hakizimana et Pélate Niyonkuru. La CENI a « oublié » Pélate Niyonkuru, elle n’a pas respecté l’ordre impératif de la liste bloquée, a choisi de faire élire le n°3 (Jean-Marie Harahagazwe) à la place du n°2. Pourquoi cette violation flagrante de la Constitution et de la loi par une institution chargée de les faire respecter ? Il y a peut-être un rapport entre cette décision illégale, inexcusable, et le fait que Pélate Niyonkuru, par ailleurs ministre des sports et de la Culture, a dénoncé diverses irrégularités lors du scrutin du 20 mai. La CENI aurait-elle été chargée de la « punir » de son audace ?
Deuxième cas, deuxième liste modifiée d’autorité par la CENI : dans la province de Bujumbura, où 6 députés étaient à élire. Selon la CENI, le vote a abouti à la répartition des sièges suivantes : 4 pour le CNDD-FDD et 2 pour le CNL. Les 4 élus CNDD-FDD sont bien les 4 personnes qui figuraient en tête de la liste bloquée de leur parti (de 1 à 4), mais les 2 élus CNL ne sont pas ceux qui figuraient en tête (1 et 2) de leur liste, soit Jean-Berchmans Mbanye et Cathy Kezimana, ce sont les n°1 et n°4 (Didace Nzambimana) de la même liste ! Il faut se rappeler que Cathy Kezimana a été arrêtée quelques jours avant le scrutin, mais cette détention provisoire (très opportune !) n’annule pas son inscription sur les listes électorales et sur la liste bloquée de son parti, entérinée par la CENI elle-même et figurant sur le bulletin de vote remis aux électeurs, répétons-le.
Comme Pélate Niyonkuru, Cathy Kezimana a bien été « oubliée » par la CENI. Et comme dans le cas de Kayanza, la CENI s’est permis de ne pas respecter l’ordre de la liste bloquée du CNL à Bujumbura. Dans ce cas-ci elle a même « oublié » le n°3 de la liste (Zena Ndayishimiye), pour des raisons tout aussi inexplicables.
Voilà donc deux provinces burundaises entachées par deux mesures incompréhensibles, en contradiction avec la loi et la Constitution, qui posent le problème de la représentativité de l’Assemblée nationale alors même que l’élection présidentielle est déjà très controversée.