Polémique autour du dépôt des insignes des partis politiques. Nombre de politiques se demandent à quoi joue la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). Avec cet appel pour le dépôt des insignes des partis politiques, la constitution des coalitions des partis politiques semble compromise.
Sur les ondes de la Radio Isanganiro François Bizimana, porte-parole de la Ceni a fait savoir que la Commission n’a fait que demander la déclaration des insignes des partis politiques. « Au moment de la présentation des candidatures, l’insigne d’un parti politique sera un des éléments du dossier. C’est clair. C’est pourquoi nous demandons aux partis politiques de se préparer dès maintenant pour qu’ils soient en ordre avec cet insigne qui sera d’ailleurs nécessaire pour la confection des bulletins de vote. »
Selon lui, les insignes feront partie du dossier de candidature le moment venu. « Aujourd’hui, la Ceni n’a jamais demandé aux partis politiques ou même aux indépendants de présenter leurs candidatures. Ce n’est pas encore le moment. Au moment où la Ceni va demander aux partis politiques, aux indépendants et aux coalitions des partis politiques de présenter les candidatures, ce jour-là, les coalitions des partis politiques auront déjà vu le jour. Si ces coalitions existeront. On ne va pas au niveau de la Ceni demander à quiconque de présenter sa candidature avant la période où les partis politiques auront l’occasion de former des coalitions. »
Selon le député Agathon Rwasa, c’est de la rhétorique qui cache mal la violation du Code électoral par la Ceni. « En effet, si les électeurs ne sont pas encore convoqués, pourquoi leur exiger ces fameux signes distinctifs qui seront sur les bulletins de vote ? Les signes distinctifs des partis sont déjà déposés au ministère ayant la gestion du domaine des partis politiques dans ses affaires. Cet excès de zèle de la Ceni couvre à peine son agenda caché. Attendons voir ! »
Le porte-parole du Congrès national pour la liberté (CNL), Térence Manirambona le voit d’un autre œil. « Pour faire la commande des bulletins de vote à temps comme c’est précisé dans la correspondance adressée aux différents responsables des partis politiques et au vu de la lenteur des procédures de passation des marchés toujours décriée par différentes institutions et services, le parti CNL trouve cela normal. C’est pourquoi son logos, son insigne et son emblème pour les élections de 2025 ont été déposés dans les délais annoncés par la Ceni. »
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La Ceni vous a demandé de déposer des insignes distinctifs de votre parti politique. Votre commentaire ?
Tout d’abord, ça a été une surprise. Finalement, elle n’en était pas une parce qu’on a constaté que depuis un certain temps, la Ceni est en train de comploter pour essayer de barrer la route à la participation libre des formations politiques. Ça a commencé par un calendrier qui est tombé d’en haut, qui n’est pas consensuel. Un calendrier qui ne donne pas assez de temps aux partis politiques de se préparer notamment en ce qui est de la constitution des coalitions.
Expliquez !
Certainement que la Ceni aurait constaté que ce harcèlement et la manœuvre du calendrier électoral ne suffisent pas. Il faut donc nous demander de présenter les insignes des partis politiques pour dire que celui qui n’a pas déposé son insigne ne va pas participer aux élections.
C’est ça. Pour le parti Codebu, la Ceni a violé le Code électoral. Quand la Ceni a demandé de présenter ces insignes, elle n’a suivi et n’a cité aucune disposition du Code électoral. Elle n’a même pas sorti un arrêté qui le précise. Un arrêté qui ne pouvait pas avoir lieu parce que c’était contraire effectivement à la loi.
Lorsque vous avez évoqué l’article 127, le porte-parole de la Ceni a dit que vous vous êtes trompé. Que la Ceni a demandé des insignes, mais pas des candidatures. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Il faudrait plutôt que la Ceni me montre sur quel article elle s’est basée dans le Code électoral. Cet article 127, dont je parle, dispose de trois alinéas. Le premier alinéa parle effectivement du dépôt de candidatures.
Ils ne peuvent pas nous demander le dépôt des emblèmes avant que nous ne déposions les candidatures. Quand ils ne demandent pas de candidature, ils ne peuvent non plus demander les emblèmes parce que ça va de pair.
Le porte-parole a dit qu’au moment de déposer les dossiers, les emblèmes et les insignes doivent figurer dans le dossier. Alors, si les emblèmes et les insignes doivent figurer dans le dossier, pourquoi est-ce qu’il ne les demande pas ? Quelle est la portée de cette demande avant ?
Quelles sont les implications de cette demande ?
Ils cherchent à nous empêcher de nous reconstituer en coalitions ou en indépendants. En tout cas, c’est ce qu’ils cherchent.
Une autre conséquence très grave est que cela ternit encore l’image du pays dans le concert des Nations comme un pays non-démocratique qui fait barrière à la compétition démocratique. Si les élections de 2020 avaient donné un espoir de la reprise de la diplomatie burundaise active, les élections de 2025 vont tout mettre à l’eau.
C’est vrai qu’on a commencé avec l’arrivée des sanctions et des échanges diplomatiques, mais les partenaires n’ont pas débloqué des appuis financiers au Burundi parce qu’effectivement il y avait d’autres conditions en matière de respect des droits humains et de la démocratie.
Pas donc d’efforts de la part du gouvernement ?
Jusqu’à maintenant, le gouvernement fait un pas en arrière en organisant des élections non-inclusives. Parmi les conditions de l’Union européenne, il y avait des élections inclusives.
Ces élections de 2025 vont faire reculer le Burundi très en arrière. Tout espoir d’avoir une coopération active avec nos partenaires va s’estomper si le gouvernement ne se ressaisit pas et accepte d’ouvrir et de laisser tout le monde participer.
Très pessimiste comme réaction ?
Je voudrais tranquilliser nos électeurs. Quoi qu’elle fasse, toutes ces manœuvres de gauche à droite pour nous empêcher de participer aux élections, tel qu’on le veut, on le fera. Ceux qui veulent se constituer en coalitions, le feront. Les indépendants vont se faire élire. Les stratégies de le faire ne manqueront pas. Nous allons contourner ces pièges de la Ceni.
Une stratégie du Codebu Iragi rya Ndadaye ?
Nous sommes en train de préparer un congrès. Parmi les points qui seront analysés, il y a l’analyse de la stratégie électorale. Je ne pourrais pas vous répondre avant ce congrès. Si nous allons y aller en solo ou je ne sais pas quoi, c’est le congrès qui va décider.
Dernièrement, vous avez publié un communiqué conjoint avec le Parti Frodebu. Est-ce qu’on peut s’attendre à une coalition ?
Vous savez, quand il y a des problèmes dans un pays, ou s’il y a même un événement heureux qu’il faut féliciter, c’est normal qu’un, deux ou trois partis politiques se mettent ensemble pour pouvoir faire une déclaration ou donner des points de vue.
Mais, je vous dirais que les partis Sahwanya-Frodebu et le Codebu échangent régulièrement sur des questions qui hantent notre pays. Cela ne signifie pas que d’une façon ou d’une autre, ils peuvent chercher à trouver des solutions ensemble.