La campagne d’activisme de 16 jours sur les violences faites aux femmes bat son plein. Pendant ce temps, des mineures victimes d’abus sexuels continuent d’affluer au centre Seruka…
Mercredi 30 novembre, au centre Seruka, à Bujumbura. Trois petites filles âgées de huit, de dix et treize ans, accompagnées par leurs mères, sont assises sur le banc. Elles attendent patiemment d’être reçues par le médecin du centre Seruka- qui s’occupe de la prise en charge des victimes des violences sexuelles. Le regard vide, elles ne semblent pas comprendre ce qu’il leur est arrivé. Leurs mères, par contre, semblent être mal en point. L’une parmi elles avoue avoir été un moment tentée par le meurtre de l’agresseur de sa fillette, un voisin. Mais très vite, elle s’efforce de combattre cette idée: « Seul Dieu me donnera la force de lui pardonner car il vient de détruire la vie de ma petite fille et celle de ma famille. »
Une autre mère la regarde et réplique, la gorge nouée, les larmes aux yeux : « Toi, tu as encore la force de parler. » Elle raconte que sa fille de dix ans, a été violée par un homme, père de trois enfants, et qui attend un quatrième puisque sa femme est enceinte. Le plus âgée de ces victimes rencontrées au centre Seruka, une écolière, elle a été violée par deux militaires à la sortie des classes. Et, malheureusement, elle n’a pas pu les identifier.
La plupart des victimes du viol sont des mineures
Selon Christa Josiane Karirengera, coordinatrice du centre Seruka « 65% des victimes de viol qui viennent au centre sont des mineures. ». Quand une victime arrive au centre, lui donne des médicaments pour prévenir les infections sexuellement transmissibles dont le VIH/SIDA, ou une grossesse non désirée. Par après, c’est au psychologue d’évaluer l’état de traumatisme de la victime. Si elle est trop jeune pour s’exprimer facilement, la présence de sa mère est indispensable pour raconter ce qui s’est passé. Si c’est une adolescente, la présence de sa mère est facultative. Mme Karirengera indique que la thérapie dure normalement six mois, avec trois séances obligatoires, et d’autres ouvertes à chaque changement de comportement.
La coordinatrice du centre Seruka précise que, souvent en cas de viol, les parents ou les proches de la victime ne s’en aperçoivent que lorsqu’ils voient du sang ou que la victime marche difficilement ou a adopté d’autres comportements. Pour Josiane Karirangiye, cela montre que la société burundaise a encore un long chemin à parcourir en ce qui concerne l’éducation sexuelle. « La sexualité est toujours un sujet tabou. C’est pourquoi les victimes ont peur de dénoncer leurs agresseurs. Nous avons un grand besoin de changement de comportement.» Et d’ajouter que les jeunes filles ne sont pas les seules victimes d’abus sexuels. Même les garçons ne sont pas épargnés.
Consentement de la victime : préalable à la plainte
Néanmoins, Christa Josiane Karirengera indique que le nombre de victimes qui se dirigent au centre Seruka tend à diminuer : « Ces derniers mois, nous accueillons en moyennes 98 victimes par mois. Avant, c’était autour de 120 par mois. Une baisse de 19%. » Cette baisse ne s’explique pas par le fait que le phénomène a diminué. Mais c’est tout simplement à cause du déménagement du centre, de la naissance d’autres structures de prises en charge, du désengagement du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA), qui affectent certaines activités notamment la prise en charge médicale. C’est, par exemple, de fréquentes ruptures de stock de médicaments auxquelles fait face Seruka.
Le centre Seruka peut porter plainte contre l’agresseur s’il y a eu consentement de la victime ou de sa famille. Dans le cas contraire, il s’abstient question de protéger la victime.
Depuis 2000, le Burundi organise une campagne de 16 jours (du 25 novembre au 10 décembre) d’activisme contre les violences faites aux femmes. Sous le thème « de la paix à la maison à la paix dans le monde : mettons fin à la violence domestique », plusieurs activités de sensibilisation et d’information sont prévues cette année. « C’est l’occasion pour les activistes de faire encore des campagnes de sensibilisation et de parler de la problématique de la violence dans la communauté burundaise. »
Officiellement, le 25 novembre est la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Elle est suivie par des dates importantes, notamment la journée mondiale de lutte contre le SIDA (1er décembre), l’anniversaire du massacre à Montréal de 14 femmes candidates ingénieurs (6 décembre) et la journée internationale des droits de l’homme (10 décembre).