Ce que les urbanistes appellent « Bruxellisation » ou « Verbrusseling » en néerlandais, est la destruction intempestive de maisons, de monuments et/ou de quartiers anciens de Bruxelles au profit de projets immobiliers dont la seule préoccupation est le bénéfice pécuniaire …
<doc5118|right>Depuis l’Exposition Universelle de 1958 jusqu’à la fin des années 70, Bruxelles fut livrée à des promoteurs qui, sous couvert de modernisme, détruisirent le cadre de vie des habitants et l’esthétique de la ville. Isabelle Potier va jusqu’à parler « d’une destruction d’une ville en temps de paix »[[http://www.youtube.com/watch?v=3vD.1TEwy9c]]. De merveilleuses perspectives furent défigurées sans état d’âme. L’érection de la Tour Philips (1967-1969) se fit en détruisant la Maison du Peuple conçue par le célèbre architecte Belge de l’Art Nouveau, Victor Horta (1861-1947). Une autre monstruosité, la Tour ITT sur l’Avenue Louise, de l’architecte Walter Breseleers, vint endommager l’environnement des Jardins de l’Abbaye de la Cambre…
Bujumbura, fut une ville coloniale des plus coquettes, au départ, avec des quartiers résidentiels logés dans un environnement verdoyant, des zones périphériques pour cadres moyens « indigènes » comme l’OCAF (Office des Citées Africaines, actuel Ngagara), pensées avec un souci de convivialité et de respect de la nature grâce à des espaces verts essaimés aux seins des constructions[[On lira avec intérêt l’ouvrage édité par L’Harmattan sous la direction du Dr Sylvestre Ndayirukiye intitulé {« Bujumbura centenaire, 1897-1997 : croissance et défis »}]]. Il faut visiter Zanzibar pour apprécier à sa juste valeur l’urbanisme désuet du quartier dit « Asiatique »…
Au fil des ans, Bujumbura se « Bruxellise » inexorablement. Le plus beau bâtiment de la ville, si riche d’histoire coloniale, fut détruit dans les années 80 pour être remplacé par un objet cubique innommable. Pour des raisons obscures, l’Hôtel Paguidas-Haidemenos fut rasé en grande partie et on construisit en lieu et place l’actuel Water Front (ex Hotel Novotel). Ailleurs, des espaces verts ont été phagocytés irrémédiablement et le peu qui reste est grignoté au désespoir des amoureux de cette ville.
<doc5119|left>En Belgique, la Bruxellisation fut combattue par la création d’associations de défense de l’urbanisme de la ville[[Il y a entre autres ARAU (Atelier de Recherche et d’Action Urbaine), {« Archives d’Architecture Moderne », « Sint-Lukusarchief »}.]]. Depuis la fin des années 70, les habitants de la ville se sont aussi organisés en comités et ont combattu courageusement toute nouvelle tentative de désorganisation et d’enlaidissement de leur cité. Certaines actions furent des échecs cuisants, mais d’autres eurent des retentissements formidables comme la « Bataille de la Marolle » en 1969 quand un projet d’extension du Palais de Justice fut stoppé par le Comité Général d’Action des Marolles dirigé par l’Abbé Jacques Van der Biest.
La survie et le développement harmonieux de notre capitale, de même que les autres villes provinciales, dépendront du degré de mobilisation des citoyens qui contribueront à l’élaboration de plans directeurs de l’urbanisme national. La gestion des villes gagnera à être mise entre les mains de personnes du métier et des élus plus enclins à tenir compte des desiderata des habitants. Ces femmes et ses hommes seront ainsi comptables de leurs actes et de leur gestion devant leur municipalité et n’agiront plus à la discrétion de ceux qui les nomment.