Ces derniers temps, les pénuries répétitives des produits Brarudi ont évolué vers une carence critique. Les experts économistes en sont inquiets. Ils craignent la faillite de cette brasserie alors qu’elle est une entreprise très stratégique pour le Burundi. Ils demandent à l’État de prendre des mesures qui s’imposent pour la relever.
Aujourd’hui, la question des produits Brarundi qui sont introuvables ou presque sur le marché a atteint son niveau le plus inquiétant. Dans la capitale économique Bujumbura, le début de la semaine du 29 avril au 5 mai 2024 a par exemple été marqué par une carence des produits Brarudi à Kinanira II de la zone urbaine de Musaga de la commune urbaine de Muha. Presque tous les bars très connus du quartier n’ont eu que quelques caisses de Primus.
Au bar Sous le manguier, connu sous le nom de « Kwa Vyisi » et à un autre du même quartier dénommé « Kwa Ndikuriyo », le peu de bières distribuées n’a duré que le temps de la rosée. Des gens couraient de partout pour venir étancher leur soif car, aucun autre bar et aucune autre boutique proche n’avaient pas pu s’approvisionner. Malheureusement, les premiers arrivés achetaient plusieurs bouteilles à la fois pour ne pas courir le risque de manquer une deuxième ou une troisième prise. D’autres achetaient par casier et conservaient quelques bouteilles pour leurs amis qui n’étaient pas encore arrivés.
Au bar Sous le manguier, les clients étaient obligés de commander au moins une brochette pour être servis d’une bière. Ce qui les rendait en colère. « Aujourd’hui, les commandes de bière se font à la cuisine, ne cessent de nous répéter les serveurs. »
Les clients habituels d’abord
Le constat est que dans ces jours de pénurie des boissons Brarudi, les vendeurs privilégient leurs clients habituels. « Si tu n’es pas connu, tu n’es pas servi », s’est lamenté un consommateur rencontré dans un petit bar à Kinanira dans la soirée du mardi 25 avril 2024. Ce qui est souvent une source de tension et de frustration. Lui et ses amis venaient de parcourir tous les bars connus de ce quartier sans rien trouver. Le propriétaire a refusé de les servir en leur expliquant qu’il n’a pas de boisson. « Partez, d’ailleurs ! Je n’ai pas de chaises pour vous accueillir. Je ne sers que ceux qui sont déjà assis », a-t-il répondu très en colère. Ce vendeur de boissons de la Brarudi n’avait pas l’habitude de servir un grand nombre de personnes. Il vend le plus souvent à ses voisins et amis du quartier qui y passent surtout le soir après les heures de travail.
Même les bars des quartiers du centre-ville sont touchés. Pour rester fidèles à leurs clients, certains détenteurs de bars s’approvisionnent dans d’autres bars. Ce qui fait qu’ils revendent leurs produits à un prix très élevé allant jusqu’à 3 500 FBu pour une bouteille Primus, 3 000 pour le petit Primus et 4 000 pour l’Amstel Royal. Une différence d’au moins 1 000 FBu sur chaque produit par rapport aux prix officiels. Telle est par exemple la situation à un des bars du quartier INSS en zone urbaine de Rohero baptisé Ingo. « Nous faisons tout ce que nous pouvons pour nous approvisionner mais, les produits deviennent plus chers », a commenté le lundi 29 avril 2024, un des serveurs.
Ce jour-là, au bar dénommé « Ku Nkoko » au quartier INSS vers 19 h 00, seules quelques caisses étaient disponibles. Les boissons se vendaient aussi avec 1 000 FBu de plus sur les prix habituels. « Nous avons souffert pour avoir ces boissons. C’est pourquoi une bouteille de Primus se vend à 3 500 FBu, le petit Primus à 3 000 et le petit Amstel à 4 000 », s’est expliqué un caissier. Il a confié que le patron fait tout ce qui est possible pour que le bar continue à fonctionner.
Au bar « Ku Kiyago », non loin du parking des bus desservant le sud de la capitale économique, le lundi 29 avril, tous les produits les plus prisés de la Brarudi étaient disponibles mais en quantité très limitée. Les prix étaient toujours très élevés par rapport aux prix officiels. « Ce sont quelques caisses. Dans quelques instants, toutes les bouteilles seront consommées », a confié le propriétaire du bar. Et de s’inquiéter : « Je suis en danger. Si cela perdure, je risque de regagner ma colline. »
Sauver la fierté du pays
Ces cas ne sont pas isolés en marie de Bujumbura. Seuls les bars très connus ont droit à quelques caisses de bières. Les boutiques ne peuvent plus être servies et les consommateurs se retournent vers des liqueurs en plastique en vogue ces derniers temps.
La dernière communication de la Brarudi justifiait la pénurie de ses produits par le manque de devises qui ne lui permet plus d’importer la matière première dont il a besoin pour produire.
« Mais cela ne devrait pas être un problème si les devises étaient bien gérées », observe Faustin Ndikumana, directeur exécutif de l’ONG locale Parcem. L’activiste indique que le problème est un groupe de gens qui veulent faire de la richesse nationale leurs propres richesses. Ils gèrent aussi les devises comme ils gèrent le patrimoine familial. Ce sont des gens qui violent la loi dans l’impunité totale. « Il faut arrêter ce mouvement », plaide ce militant de la société civile.
Il demande à la Banque centrale de faire toute la discipline nécessaire et d’émettre des règlementations pour une bonne gestion des devises. Mais elle doit avoir le soutien politique au plus haut sommet. La Banque de la République du Burundi devrait aussi sortir régulièrement un rapport sur l’utilisation des devises. Réduire les missions qui ne sont pas fructueuses et les missions à l’étranger ; priser l’importation des produits essentiels ; faire la transparence figurent parmi les principales recommandations de Parcem. M. Ndikumana lance alors un vibrant appel au gouvernement de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour sauver l’entreprise Brarudi. « Il faut la renflouer ; il faut trouver des solutions concrètes et idoines aux difficultés de la Brarudi », propose-t-il avant de rappeler le poids de la Brarudi dans l’économie burundaise. « L’impôt sur les sociétés totalise 240 milliards de FBu et la Brarudi contribue à elle seule à environ 50 %. »
Les recettes de la Brarudi pouvant financer deux ou trois ministères, M. Ndikumana estime que la Brarudi est une fierté nationale qui symbolise la réussite de l’industrialisation. « Un exemple de la réussite de la coopération entre l’investissement local et les investissements directs étrangers. Il s’agit d’une preuve pour attirer d’autres investissements directs étrangers », encense-t-il. Il revient aussi sur son rôle de taille dans la création de l’emploi et des transactions pour permettre la circulation de la monnaie et la distribution des revenus. Cela est sans parler du rôle des produits Brarudi dans la consolidation du tissu social burundais notamment lors des cérémonies à caractère social.
Des conséquences multiformes imminentes
Dr Diomède Ninteretse, économiste et spécialiste en leadership et management des organisations, parle d’une carence critique des produits de la Brarudi. Il rappelle que les Burundais aiment bien prendre de la bière comme d’autres peuples. Maintenant que la Brarudi a des difficultés de pouvoir les approvisionner, il trouve qu’il va y avoir beaucoup de conséquences sur plusieurs aspects surtout que c’est une entreprise importante qui génère beaucoup de revenus et dont l’État est actionnaire.
L’économiste prédit déjà la baisse des recettes fiscales, donc de l’impôt qui est chaque fois calculé à la fin de l’année. Et si la situation perdure, les employés de la Brarudi seront licenciés ou réduits. Il ne mâche pas ses mots. Même le personnel de la Fonction publique pourra avoir des difficultés dans le paiement des salaires des fonctionnaires « Il pourra y avoir des retards de paiements des salaires dans la Fonction publique, car la Brarudi est le principal fournisseur d’argent à l’Etat. », prévient-il. Les exportations dans la sous-région seront réduites, car la Brarudi est une entreprise vraiment régionale.
M. Ninteretse rejoint la Parcem pour demander au gouvernement de prendre des mesures nécessaires en faveur de la Brarudi pour éviter un effondrement économique. Il rappelle qu’elle paie des cotisations à la Mutuelle de la Fonction publique et qu’elle verse des montants en banque, etc.
D’après cet économiste, les conséquences directes s’abattent sur les commerçants qui dépendent de cette entreprise, depuis les détaillants jusqu’aux grossistes dans les différentes localités. Pour lui, en considérant la chaine d’approvisionnement, depuis la Brarudi jusqu’au petit paysan qui vend un casier, la perte des revenus est réelle.
Il revient sur les investissements énormes effectués dans la construction des cabarets et des dépôts de bière. Il trouve que les mesures appropriées sont urgentes. Il avertit en outre que les Burundais risquent de se retourner vers des produits alternatifs moins sains, trop dangereux pour la santé alors que la bière de la Brarudi est connue pour sa qualité. « La santé publique pourrait être en situation de danger. »
Ce spécialiste en leadership craint aussi un risque de tension sociale, surtout que les gens ont tendance à se retrouver régulièrement le soir autour de la bière. Maintenant qu’il n’y a pas de bière, il craint aussi la déstabilisation des fêtes sociales de mariage, de dot, de levée de deuil… en plus des frustrations des consommateurs réguliers de la bière. Il redoute aussi des concurrents mal intentionnés qui voudront proposer d’autres produits, la perte de la bonne image que les Burundais avaient de la Brarudi et la montée des prix du peu de produits existants. Ce qui pourra réduire le pouvoir d’achat de la population et diminuer la consommation globale. « C’est déjà le cas. »
Face à cette situation, l’économiste propose au gouvernement d’encourager la production locale par des avantages fiscaux pour augmenter les productions d’autres boissons ; faciliter les importations temporelles des boissons de la région en attendant que la Brarudi se relève ; réguler les prix et garantir une distribution équitable des produits disponibles. La Brarudi est priée de communiquer pour rassurer les Burundais, car « un client perdu, c’est difficile de le récupérer. »
Devant le Parlement réuni en congrès le mercredi 24 avril 2024, le Premier ministre burundais Gervais Ndirakobuca a reconnu que la Brarudi s’est adressée au gouvernement pour signifier qu’elle n’est pas en train de travailler correctement faute de matière première. Il a demandé aux Burundais d’attendre la décision du gouvernement.
@Jean Pierre
1. Vous ecrivez:« Ce problème est simplement la demande qui manque. Pas l’offre!.. »
2. Mon commentaire
Le probleme de la BRARUDI est bel et bien celui de l’offre puisque « la mi-avril a été déterminante avec l’annonce par les dirigeants de l’entreprise du manque du malt, un intrant important dans la fabrication des boissons, et cela suite au manque de devises… »
https://www.iwacu-burundi.org/opinion-debat-la-brarudi-serait-au-bord-du-gouffre-que-faire/
Bonjour Stan,
Vous avez raison. La Brarudi n’arrive pas à s’approvisionner pour toute matière et matériels importés à cause du manque de USD. Le monde est plein de ses matières ! Je me dis, pour des raisons idéologiques, le gouvernement ne voit pas la Brarudi comme une industrie essentielle, donc le peu de USD qu’ils ont, est dépensés avec raison, ailleurs(produit pharmaceutiques, énergies, etc…). Afin, j’espère!
Ceci est comme le manque du carburant quand vous y réfléchissez. N’oublie pas aussi que la Brarudi a besoin d’énergie, et de temps en temps a besoin de faire recours aux groupes électrogène.
Regardez le problème de cette manière: La Brarudi paye la majorité de ses factures, sauf les salaires des employés Burundais, en USD. Suppose que la Brarudi pouvez vendre ses produits en USD. Souvenez vous qu’une entreprise solvable peut payer la facture bien après la livraison, produire et puis vendre ses produits au consommateurs Burundais en USD. Ce dernier n’a pas de USD. Donc la courbe de demande chute. Si le consommateur Burundais avait les moyens, il pouvait importer la bière en RDC puisque les Frontières avec le Rwanda sont fermées! Mais le Burundais n’a pas les moyens d’en importer car ceci l’exigerai à acheter des USD. Il ne faut pas oublier que si, c’est l’offre qui manque pendant que la demande est forte, ceci se règle en augmentant les prix, en general attirerai la competition. L’entrepreneur aurait vite occupé le terrain. Chose qui ne se passe pas.
@Stan, Vous vous souvenez bien, il y a quelques années quand on discutait du fait que le gouvernement du l’ancien president Nkurunziza en voulant manipuler les taux d’échanges BIF/USD, il allait conduire le pays en faillite car il décourageait l’investissement direct étranger. Son gouvernement confisquait le pouvoir d’achat des salaires des militaires qui travaillaient en Somalie, et surtout les fonts dont la diaspora, moi inclus, envoyaient au Burundi. Pour les militaires, ils n’avaient pas de choix, mais pour la diaspora, c’est une autre histoire. J’avais dit ici que, c’était question de temps que les membres de diaspora trouve des solutions alternatives car on travaille pour le peu que nous avons. On a pas de choix. Je peux vous dire que aucun rond passe par le système bancaire Burundais! On est pas dupe.
En conclusion, l’hyper inflation du a l’argent fascile (planche à billets), le manque de croissance détruit la demande qui, après détruit l’économie. Imagine l’inimaginable: La Brarudi tombe en faillite: La pertes des receites fiscales, la destruction d’emploies, de très bonnes emplois, et les consequences directes, puis la seconde dérivée, etc… bientot certains personnes vont être surpris de voir que indirectement, merci à la Brarudi, ils étaient payés.
Avez vous entendu de la théorie « FAFO »?
@Jean Pierre
La situation est bien grave. Avec les changements climatiques on ne peut plus penser au tourisme sur le lac Tanganyika et a tous ces hotels qu’on allait construire tout au long du lac Tanganyika (de Bujumbura a Nyanza-Lac).
Je crois que nos dirigeants burundais veulent que l’Etat s’ingere dans le plus grand nombre possible de secteurs economiques alors que l’ideologie socialiste a echoue dans plusieurs pays du monde.
Et puis aucun etranger (ou meme un membre de la diaspora burundaise qui vit encore a l’etranger) ne va investir au Burundi s’il ne peut pas rapatrier ses benefices vers un autre pays.
@Emery Kwizera
Ce problème est simplement la demande qui manque. Pas l’offre! Raison: L’hyper inflation! Qui dit demande, ceci veut que le consommateur Burundais n’a plus de pouvoir d’achat pour payer les produits de la Brarudi.
La realite est que le FIB, qui est imprimé chaque fois que l’autre appelle l’autre de la BRB pour lui ordoner de faire fonctionner la planche a billets, perd son pouvoir d’achat chaque jour!
La Brarudi ne peut pas fonctionner à perte. Elle besoin de vendre un minimum de quantité de ses produits pour faire le benifice. Elle est obligée d’arrêter la production!. Nothing personal, strictly business!! Je sais que c’est un concept difficile à comprendre pour les citoyens Burundais!