Les travailleurs de la Brarudi dénoncent des licenciements abusifs des leaders syndicaux. Le président du Syndicat libre des travailleurs de la Brarudi (SYLITRAB) a été licencié sans préavis et sans indemnités. La direction l’accuse d’un usage abusif de l’exercice du droit syndical. Un climat malsain règne dans cette entreprise.
«Nous avons appris cette décision avec consternation. C’est une mesure inique et arbitraire. Je compte faire des recours. Nous avons déjà entamé une procédure administrative. Si elle s’avère sans issue, nous allons commencer la procédure judiciaire. Je pense que la Brarudi va répondre à la justice même si elle n’aime pas la confrontation par manque d’arguments », réagit Dieudonné Nizigiyimana, président du SYLITRAB.
Vendredi 27 mars dernier, une lettre signée par l’administrateur directeur général (ADG) annonce le licenciement sans préavis et sans indemnités pour faute lourde. «A notre grande surprise, vous avez fait un usage abusif de l’exercice du droit syndical en violant notamment les dispositions du Code du Travail et du Règlement d’Entreprise de la Brarudi. Ce qui n’est pas un exercice correct du droit syndical», écrit l’ADG de la Brarudi. Selon la Brarudi, les syndicats ont l’obligation «de respecter les lois et les règlements en vigueur, notamment dans le domaine des relations professionnelles».
Entre «mensonges» et «droit syndical»
Cette entreprise accuse ce syndicaliste d’avoir, dans les différentes lettres adressées à l’Inspecteur général du Travail notifiant un préavis de grève, fait état d’accusations, dénonciations calomnieuses et imputations dommageables à l’endroit de son employeur. Entre autres ‘’accusations inexactes et mensongères’’ : la politique sournoise visant la diminution des salaires du personnel existant, la diminution des salaires des employés, la suppression des équipes de production, la déviation de la mission première de la Brarudi avec une volonté à peine déguisée de faire fermer irréversiblement la Brarudi, le travail intelligent de sape de l’actuel ADG aux intérêts obscurs, l’actuel ADG qui a décidé de renvoyer les employés à contrat indéterminé pour les remplacer par les sous-traitants, l’ADG qui harcèle les employés et les renvoie par après, la Brarudi déterminée à supprimer le syndicat des travailleurs en son sein, etc. Selon cette entreprise, ces accusations sont sans preuve et elles sont constitutives d’actes d’improbité et nuisent à la réputation de l’entreprise, ce qui est constitutif de fautes lourdes.
«Dire que je suis personnellement responsable des lettres du syndicat est absurde. J’avais le mandat de l’Assemblée générale du SYLITRAB. Je leur ai demandé d’ouvrir plutôt des discussions avec le syndicat afin de trouver des solutions aux problèmes qui minent l’entreprise», indique Dieudonné Nizigiyimana. D’après lui, la direction de la Brarudi oublie qu’il a été élu président du syndicat au vu et au su de tout le monde. «Les correspondances que nous avons échangées avec la direction m’étaient adressées en tant que président du syndicat. D’ailleurs, ce qui est étonnant, c’est que la direction n’a présenté aucune preuve pour démentir ce que le syndicat a dit».
«La Brarudi n’est plus un paradis, c’est un enfer»
Le 20 mars dernier, Jean Bosco Buyonga, travailleur de la Brarudi depuis 25 ans et chef de la section marketing au sein du syndicat, a lui aussi été licencié sans préavis ni indemnités. Chassé pour un message envoyé dans un groupe WhatsApp du syndicat. «Je suis victime de mes actions syndicales. Il m’accuse d’avoir divulgué un message professionnel». Le message disait qu’il y a 12 opérateurs en provenance de Gitega qui vont travailler à la place de ceux qui vont faire la grève. «C’est de l’injustice notoire. Licencié quelqu’un après 25 ans de loyaux services pour un message, c’est incroyable ! Ce n’est pas une formule que j’ai dévoilé à un concurrent. C’est de la rancune vu qu’ils n’ont pas pu me licencier en 2013 à cause des revendications syndicales qu’on avait engagées». Pour lui, c’est un licenciement abusif car il y avait d’autres sanctions à prendre.
Selon des témoignages à la Brarudi, d’autres membres de la section syndicale ont écopé d’une mise à pied pour 5 jours. «Tous sont victimes d’etre membres des organes dirigeants du syndicat», confie un travailleur de l’entreprise. «Tous ces licenciements visent à supprimer notre syndicat car aujourd’hui notre syndicat n’a pas de président ni de vice-président. Tous les leaders du syndicat sont en train d’être malmenés et pourchassés. Ils veulent nous réduire au silence. La Brarudi est devenue un enfer», renchérit un autre travailleur de la Brarudi. Selon les travailleurs de la Brarudi, l’administrateur directeur général fait tout cela par colère. «Il a été remplacé, mais il n’y a pas encore de remise et reprise. C’est incompréhensible qu’il continue à licencier les employés alors qu’il a déjà été remplacé».
Le licenciement érigé en mode de gouvernance?
Pour nombre de travailleurs de la Brarudi, ils sont mal cotés. «En cas d’une petite faute, un travailleur est licencié sans préavis», raconte un employé. « L’intention est de diminuer l’effectif des travailleurs. De plus, la direction s’en prend à ceux qui ont une longue expérience dans l’entreprise. Peut-être que c’est pour récupérer certains avantages», ajoute un autre. «Le licenciement est devenu une règle de gouvernance à la Brarudi. Les travailleurs ne devraient pas avoir peur. Je pense que la justice finira par trancher en faveur de la vérité que nous défendons», ajoute Dieudonné Nizigiyimana.
«Au lieu d’ouvrir les discussions avec les travailleurs, l’employeur s’est empressé de les licencier. Ce qui se passe à la Brarudi n’est pas normal. Ce qui transparaît est que l’employeur Brarudi ne veut plus de syndicat dans son entreprise alors que la loi le permet», souligne Gilbert Nyawakira, président de la Confédération Syndicale du Burundi (CSB). Et de citer la Constitution du Burundi en son article 37 qui stipule : «Le droit de fonder des syndicats et de s’y affilier, ainsi que le droit de grève, sont reconnus.» Pour Gilbert Nyawakira, la Brarudi ne devrait pas mettre en avant la force, mais plutôt le dialogue. «Nous allons approcher le ministère de la Fonction publique ainsi que le Conseil d’administration de la Brarudi afin d’examiner la légalité des licenciements des leaders syndicaux. Nous allons aussi saisir l’Organisation internationale du Travail.»